Qui succèdera aux Guerres de Lucas de Laurent Hopman et Renaud Roche (Deman éditions), pour le Prix BD Fnac France Inter 2025 ? Suspense ! Le lauréat vient d’être désigné, choisi parmi cinq ouvrages finalistes par un jury composé de professionnels, dont L’Éclaireur. Le nom sera dévoilé le 8 janvier 2025, mais, en attendant, des lectures aux délibérations, on vous raconte tout !
Œuvrant main dans la main pour populariser le 9e art, la Fnac et France Inter s’associent pour remettre le Prix BD Fnac France Inter, pour la septième année consécutive. Parrainé par Rebecca Manzoni, productrice de Totémic et du Masque et la Plume sur France Inter, ce trophée a pour objectif de « défricher et d’accompagner des talents », précise Guillaume Peyret, chef de produit BD Fnac et président du jury.
C’est donc autour d’eux que le jury – composé de libraires Fnac, de l’artiste Luciole et de journalistes issus des rédactions de France Inter, du Parisien, des Inrockuptibles, de BDGest, de Babelio, de Konbini… et de L’Éclaireur – s’est réuni afin d’élire l’album gagnant, dont le nom sera révélé le 8 janvier 2025, parmi les cinq finalistes encore dans la course.
Une réunion au sommet
En ce jour si particulier, nous avons rendez-vous place de la Bastille, à Paris, plus exactement au Café français. Il est 17 h. Après avoir franchi l’épais rideau de l’établissement, nous pénétrons dans une salle consacrée à l’événement. À l’issue de quelques présentations informelles, nous sommes appelés à nous rassembler autour d’une large table dressée tout spécialement pour recevoir les 18 membres du jury, agrémentée de boissons et de pâtisseries. Ces mets bienvenus permettront à certains de prendre des forces pour soutenir leur choix, d’autres y trouveront un peu de réconfort, une fois leur favori évincé.
Les délibérations s’annoncent rudes, car, selon Julie Henry, directrice de la communication du groupe Fnac Darty, « les membres du jury, dont certains sont des habitués, ont des sensibilités très différentes, ce qui a pu aboutir certaines années à des débats enflammés ». Qu’en sera-t-il cette année ? Les assiettes voleront-elles ?
Qui choisit les cinq finalistes ?
Quelques jours avant de se réunir, chacun des jurés a reçu la liste des cinq finalistes annoncés ce vendredi 6 décembre. L’occasion de se plonger dans l’univers de cette sélection particulièrement hétéroclite, à l’image de la BD. Intimiste, romanesque, historique, d’anticipation… Il y en a pour tous les goûts !
Cette sélection a été concoctée par 35 candidats : cinq membres du Pass Culture et 30 fans de bandes dessinées qui avaient tous pour mission de lire, d’évaluer et de noter l’ensemble de la première sélection des libraires Fnac et de la rédaction de France Inter, constituée de 20 ouvrages.
Bobigny 1972.
L’Éclaireur dans les coulisses
Roulement de tambour ! Notre mission consistait donc à faire émerger un lauréat parmi Ulysse et Cyrano d’Antoine Cristau, Servain et Xavier Dorison (Casterman), Impénétrable d’Alix Garin (Le Lombard), Au-dedans de Will Mc Phail (404 Editions), La Route de Manu Larcenet (Dargaud) et Bobigny 1972 de Marie Bardiaux-Valente et Carole Maurel (Glénat).
Seul ouvrage signé d’un artiste non francophone, Au-dedans se démarque par son graphisme original, sortant des cases, épuré et libre, mais un peu froid. Pour autant, quelques saynètes pleines de fantaisie viennent réchauffer ce récit sur le deuil qui en a bouleversé plus d’un !
Plus enfantin, le graphisme d’Alix Garin en a rebuté certains, mais d’autres ont été happés dès les premières pages d’Impénétrable, grâce à la force du propos, résolument dans l’air du temps, et à son découpage narratif vif. Au-delà du thème des violences sexuelles et du vaginisme, des journalistes, comme Christophe Levent du Parisien, y ont vu « une grande histoire d’amour particulièrement touchante ».
Énorme succès commercial, écoulé déjà à plus de 100 000 exemplaires, La Route, adapté du roman culte de Cormac McCarthy (Prix Pulitzer en 2007), par Manu Larcenet, plonge le lecteur dans un monde post-apocalyptique à l’agonie, recouvert de cendres et jonché de cadavres. Un père et son fils y cherchent de la nourriture, en devant s’adapter à la loi animale du plus fort. L’ensemble du jury a salué le dessin riche et précis, mais certains membres ont émis quelques réserves, le jugeant un peu daté sur le plan esthétique.
En parlant de date, dans Bobigny 1972, Marie Bardiaux-Valente et Carole Maurel (Glénat) racontent avec fougue le procès historique de l’avortement, doté d’un casting hors pair : Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir, Simone Veil, Delphine Seyrig… Un album puissant et « nécessaire, mais un brin scolaire », précisent les journalistes de France Inter, Rebecca Manzoni et Laetitia Gayet.
Enfin, Ulysse et Cyrano d’Antoine Cristau, Servain et Xavier Dorison (Casterman) en a fait saliver plus d’un, mais cette histoire bien ficelée d’un jeune bourgeois refusant de prendre la succession de son père pour s’aventurer dans l’univers de la gastronomie a aussi été critiqué pour sa facture trop classique et son récit un peu sage. Néanmoins, pour Virginie Maggio, libraire à la Fnac La Défense, l’ouvrage se révèle « être le cadeau idéal pour initier un ami à la BD ».
Pas d’unanimité, mais presque
Sans pression, mais un peu quand même, Guillaume Peyret nous rappelle, avant de délibérer, que le Prix BD Fnac France Inter a permis aux deux lauréats des années précédentes de voir leurs chiffres de ventes être multipliés par trois. Notre choix n’est donc pas anodin. Conscient de l’enjeu, chacun compte bien le défendre comme il se doit. Après un premier tour de table, nous sommes appelés à argumenter pour désigner l’heureux gagnant.
Pour notre part, c’est peine perdue ! Un autre ouvrage se distingue largement du premier vote. Pas peu fiers d’avoir porté notre coup de cœur sur le podium, que nous partageons avec Enrique Martinez, directeur général du groupe Fnac Darty, nous devons nous incliner face au lauréat qui remporte une très large majorité des suffrages et dont nous applaudissons, sans amertume, la force narrative. D’ici l’annonce du verdict au grand public, le 8 janvier 2025, nos lèvres resteront scellées, et nous applaudirons en toute discrétion l’heureux élu.
