Critique

The Crow : j’ai enfin pris le temps de voir le film culte avec Brandon Lee

19 août 2024
Par Robin Negre
The Crow : j'ai enfin pris le temps de voir le film culte avec Brandon Lee

Alors qu’un remake est attendu en salle le 21 août 2024, L’Éclaireur se penche sur le film original avec Brandon Lee, sorti en 1994, célèbre pour son histoire tragique.

Il fait partie de ces films cultes pour de tristes raisons, qui dépassent le statut de simple œuvre cinématographique. En 1994, avant même sa sortie, The Crow fait la une de l’actualité suite au décès, sur le tournage, de sa star principale, Brandon Lee.

Le fils de Bruce Lee, qui se cherche encore au début des années 1990 et doit composer avec l’immense popularité de son père, décède tragiquement après avoir été touché par balle pendant le tournage d’une scène. L’arme, supposée être chargée à blanc, n’a pas été correctement vérifiée, causant la mort de l’acteur à l’hôpital. La réputation de film maudit de The Crow est faite.

La bande-annonce de The Crow.

Pour Alex Proyas, le réalisateur, la situation est dramatique. Le film est quasiment terminé, les enjeux financiers sont importants pour le studio, mais certains membres de l’équipe refusent de revenir. L’ancien camarade de Brandon Lee, le cascadeur Chad Stahelski (futur réalisateur de John Wick), prend la place de l’acteur pour les scènes manquantes, aidé par des effets numériques et du maquillage. En 1994, le film sort dans les salles obscures et rencontre un franc succès. L’histoire vraie en fait un objet de curiosité quasi morbide. Son sujet et son style finissent par faire de The Crow une œuvre culte. Trente ans plus tard, retour sur le dernier film de Brandon Lee.

L’anti-héros rock’n’roll

The Crow est adapté de la série de comics de James O’Barr. L’histoire suit la vengeance implacable opérée par Eric Draven après sa résurrection par un corbeau, alors que lui et sa fiancée ont été assassinés par un gang de criminels. Face à la violence du crime, l’esprit du corbeau offre une nouvelle vie à Eric – ainsi que des capacités de guérison exceptionnelles –, qui adopte l’emblème de l’animal et se lance à la recherche du gang.

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The Crow.

Le film d’Alex Proyas part du même postulat et utilise toute l’esthétique sombre des années 1990 pour conférer au film son ambiance malsaine et crépusculaire. The Crow est un slasher movie avant Scream (1996) de Wes Craven, un film de vengeance qui se base sur les exécutions des hommes ayant détruit la vie d’Eric Draven. Dès l’introduction, son massacre ainsi que celui de sa fiancée, Shelly, posent les enjeux du film. En revenant accompagné du corbeau l’ayant ressuscité et se parant d’un look en cuir noir quelques années avant que Matrix (1999) lance la mode, Eric devient un ange des ténèbres et un anti-héros assoiffé de vengeance.

Le film présage presque la tendance des super-héros à venir de la fin des années 1990, puis 2000. D’une certaine façon, The Crow ouvre le chemin pour les films Blade (1998) et Punisher (2004), et crée une rupture avec le gothisme poétique des Batman de Tim Burton, ou l’optimisme des Superman avec Christopher Reeve.

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The Crow.

Car, si un élément est particulièrement flagrant en le découvrant 30 ans plus tard, c’est de constater à quel point The Crow joue constamment avec la noirceur de sa direction artistique. L’ambiance est brumeuse et crépusculaire. L’action se déroule souvent de nuit, sous la pluie et dans le froid, et la photographie, très sombre, accentue les contrastes et la dureté du long-métrage. Les couleurs sont quasiment absentes, seul le sang ressort.

Souvent, la narration de The Crow utilise des images subliminales pour raconter le passé des personnages ou pour montrer la tragique nuit d’Eric Draven et de Shelly. En introduisant le concept de la devil’s night (la nuit du diable), une nuit avant Halloween, The Crow possède ainsi une dimension fantastique, presque satanique.

Le magnétisme de Brandon Lee

Brandon Lee a tout de la star de cinéma partie trop tôt. Son émotion, sa rage et son charisme teintent le film d’une aura particulière, compte tenu des événements ayant précédé la sortie du long-métrage. Agissant sur la musique rock’n’roll des années 1990, son personnage enchaîne les mises à mort jusqu’à une scène explosive et chaotique, dans laquelle il affronte plusieurs hommes de main.

Le film de vengeance par excellence, qui répète une formule dans une structure connue. Toutefois, dans son dernier tiers, The Crow se perd dans une sous-intrigue trop longue et qui n’apporte plus grand-chose au récit. Le film introduit en effet un autre antagoniste et tente d’expliquer la finalité d’Eric et son aspect fantastique, alors que tout l’intérêt de The Crow réside dans sa symbolique, son aspect métaphorique et dans le discours sur la quête de sens.

L’empreinte des années 1990

Cette découverte tardive d’un film à la réputation si singulière renvoie instantanément à la fureur des années 1990. The Crow est définitivement le symbole de son époque. Entre son esthétisme poussé, sa volonté de créer une nouvelle ère de gothisme plus brutale et plus sale, son besoin constant de rattacher l’univers du film à un son très grunge (le film semble exister entre Kurt Cobain et Alice Cooper), le long-métrage horrifique et satanique a nourri l’imaginaire d’une toute nouvelle génération. Aujourd’hui encore, l’œuvre paraît familière. Il a nourri et créé une mouvance dans la contre-culture vers la fin du siècle dernier, qui s’apprécie encore.

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The Crow.

L’héritage de The Crow continue et, tel son personnage principal, le corbeau ressort régulièrement de son tombeau. D’abord dans des direct-to-video peu qualitatifs et dans une série TV avortée, puis à nouveau à Hollywood avec un projet de remake qui met du temps à se concrétiser. Réalisateurs et acteurs se succèdent avant que Rupert Sanders (Ghost in the Shell) et Bill Skarsgård (Ça, Nosferatu…) viennent à bout de ce projet maudit.

Cette nouvelle itération de The Crow, au cinéma le 21 août 2024, utilise une fois encore le concept de la vengeance, avec une approche contemporaine. Le héros adopte un design plus « émo » et le film promet une surenchère dans l’action et dans le gore. The Crow est toujours une manifestation de son temps. En 1994, il était le symbole artistique d’une décennie cherchant sa voie entre la violence et le changement social. En 2024, The Crow est manifestement la représentation d’un nouveau langage cinématographique, porté sur l’action. Le corbeau renaît toujours.

La bande-annonce du remake de The Crow.

The Crow (1994), d’Alex Proyas, avec Brandon Lee, disponible en Blu-ray 4K, et The Crow (2024), de Rupert Sanders, avec Bill Skarsgård, au cinéma le 21 août 2024.

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