Le Game Pass, c’est aussi l’occasion de se pencher sur ces jeux qui retiennent souvent notre attention à l’occasion de leur présentation, et dont la sortie est ensuite invisibilisée par l’enchainement des blockbusters. Mais ce catalogue regorge de pépites, à condition de l’explorer un peu. Ce mois-ci, on s’intéresse à Manor Lords.
Découvrez le catalogue complet du Game Pass
En plus de profiter de l’arrivée très attendue de Hellblade II : Senua’s Saga, dont notre test est à retrouver ici, le catalogue du Game Pass PC a accueilli un autre jeu qui a beaucoup fait parler de lui ces derniers mois : Manor Lords. Bien qu’il s’agisse d’une production indépendante, nous y reviendrons, Manor Lords est parvenu à se hisser au sommet d’un classement particulièrement annonciateur de succès, celui des Wishlists de la plateforme Steam, avec plus de 3,2 millions de joueuses et de joueurs ayant annoncé leur intention de jouer. Et depuis la sortie de son accès anticipé le 26 avril dernier, le jeu s’est déjà vendu à plus de deux millions d’exemplaires.
Un succès immense, surtout lorsque l’on sait que le jeu n’a été développé, du moins en grande partie, que par un seul et même développeur. Greg Styczeń est un développeur polonais qui s’est lancé en 2017, sur son temps libre, dans le développement d’un RTS/city-builder médiéval sous Unreal Engine 4, un moteur qu’il venait de découvrir en s’essayant au développement d’un jeu en VR. Et très vite, grâce à de premières images prometteuses, celui qui se fait connaître sur internet sous le pseudo Slavic Magic (en référence à The Witcher 3), parvient à trouver les moyens de se mettre sur le développement de son jeu à plein temps. Grâce à un financement participatif sur Patreon d’abord, mais aussi et surtout grâce à Epic MegaGrants, un fond de 100 millions de dollars levé par Epic Games pour aider au développement des jeux les plus prometteurs sous son moteur maison.
Quelques années de travail acharné et passionné plus tard, nous voilà devant l’accès anticipé de ce fameux Manor Lords, disponible dès le jour de sa sortie dans le Game Pass, et qu’on vous invite vivement à essayer.
Si Manor Lords comprend son lot de mécaniques originales, son principe de base ne diffère pas vraiment des plus grands classiques du genre. En guise d’influence, Greg Styczeń cite d’ailleurs des noms bien connus comme Stronghold, The Settlers ou encore Age of Empires. Sur une carte divisée en plusieurs régions, comportant chacune les mêmes ressources mais dans des proportions différentes, vous commencerez avec un petit camp de colons, installé dans l’une d’entre elles. L’objectif sera alors de faire grandir votre communauté, en récoltant des ressources, dont les plus importantes pour la survie de votre population sont la nourriture et le bois de chauffage, et en développant une industrie pour transformer ces ressources et vous enrichir.
L’une des premières originalités du jeu réside dans le fonctionnement de sa population, qui est répartie en familles dans votre colonie. Chaque famille n’a besoin que d’une seule maison pour se loger, et c’est à la famille tout entière que vous confierez une tâche, que ce soit dans un bâtiment de récolte, de production ou de logistique. En plus d’être particulièrement réaliste, ce mode de fonctionnement offre beaucoup de possibilités dans la gestion micro-économique de votre ville, et donc un sentiment de satisfaction très efficace quand tout fonctionne pour le mieux.
La deuxième originalité principale du titre, c’est la gestion de l’aspect militaire. Puisque oui, même si la majorité de votre temps sera consacrée à la gestion du développement de vos villes, Manor Lords n’est pas qu’un city-builder, et propose aussi sa composante RTS. Mais contrairement à la plupart des autres jeux du genre, Manor Lords ne vous demandera pas de produire des unités militaires pour partir à la bagarre. Là encore, le réalisme a été poussé un peu plus loin, et ce sont tous les hommes en âge de se battre de toutes vos familles qui partiront au combat, équipés des armes et des armures que vous aurez auparavant produites. De quoi calmer un peu vos ambitions de conquête, puisque si les hommes sont absents de la colonie, la production est nettement ralentie, et s’ils ne reviennent pas, ça ne risque pas de s’arranger…
Une fois vos hommes armés, ces derniers pourront, si votre influence en tant que seigneur le permet, se frotter à une armée ennemie pour revendiquer un territoire, pour y installer une nouvelle colonie, et ainsi de suite jusqu’à ce que chaque région de la carte vous appartienne.
C’est donc dans son réalisme et dans son souci du détail que le gameplay de Manor Lords trouve toute sa saveur. Pour les habitués du genre, et malgré le manque de tutoriels clairs dans certains domaines (on rappelle que le jeu est en accès anticipé), il ne faudra que quelques heures pour atteindre ce moment clef dans la découverte d’un city-builder, avec cette sensation unique d’épiphanie, qui annonce que l’addiction commence doucement à s’installer.
Mais c’est aussi grâce à des graphismes vraiment séduisants, et une technique dans l’ensemble très satisfaisante, que Manor Lords tire son épingle du jeu. Le rythme des saisons, qui aura une grande importance sur l’agriculture notamment, offre un panel d’environnements réussis, que ce soit sous la neige en hiver, sous la pluie en automne ou dans la sécheresse de l’été. La possibilité de zoomer au plus proche de vos citoyennes et citoyens, et de dézoomer pour voir l’ensemble des régions de la carte, est aussi particulièrement satisfaisante. D’ailleurs, un petit détail qui montre toute l’attention portée aux détails est vraiment sublime : à mesure que votre ville se développe dans une région, cette dernière se dessine aussi sur la carte, pour faire apparaitre vos routes, vos champs…
Tout dans Manor Lords nous encourage à penser aussi l’esthétique de notre ville en la développant, alors même que l’aspect de gestion assez poussé demande une optimisation pointilleuse pour que la gestion des flux de production soit la meilleure possible. Un savoureux mélange, notamment permis par une technique fluide et très permissive. Par exemple, le tracé d’une route peut prendre autant de virages que vous l’entendez, et la construction des maisons peut remplir n’importe quel espace vide, quelle que soit sa taille ou sa forme.
Cerise sur le gâteau, et nouvelle originalité, il est possible d’incarner son seigneur à la troisième personne pour se balader dans sa colonie. Cette fonctionnalité n’a absolument aucune utilité, mais permet là encore de placer le plaisir contemplatif au cœur de l’expérience du jeu.
Dans l’ensemble, Manor Lords est donc à la hauteur des attentes suscitées par ses premières images. Bien sûr, le jeu est encore en accès anticipé, et en plus de certains bugs, de nombreuses fonctionnalités ne sont pas encore disponibles, notamment concernant l’aspect politique. Mais que ce soit par sa beauté, par la fluidité de sa technique et par la profondeur de ses mécaniques de gestion, le jeu développé par Slavic Magic est l’une des plus belles surprises l’année, et devrait convaincre tous les fans du genre.