Les dizaines d’heures passées dans le Japon historique de Rise of the Ronin nous ont semblé filer à une vitesse folle. De toute évidence, il s’agit bien du projet le plus ambitieux de la Team Ninja. Mais quels sont les ingrédients qui rendent ce voyage aussi prenant ?
Dans l’une de ses premières interventions destinées à présenter Rise of the Ronin, Fumihiko Yasuda (tête pensante de la Team Ninja) promettait de « passer au niveau supérieur » en concevant « le projet le plus ambitieux » jamais imaginé par le studio. De quoi intriguer les joueurs passionnés de grandes fresques historiques, impatients de savoir comment la Team Ninja envisageait de revisiter la période la plus mouvementée du Japon dans un action-RPG en monde ouvert. De quelle manière le studio responsable de Wo Long : Fallen Dynasty et Nioh 2 allait-il réussir à s’affranchir de sa recette gagnante pour tenter de s’ouvrir à un public plus large ?
Ce que nous pouvons dire après avoir terminé l’aventure, c’est que le compromis trouvé dans Rise of the Ronin est plus que convaincant. Le jeu s’efforce en effet de conserver le caractère technique et exigeant d’un système de combat très élaboré qui reflète tout le savoir-faire de la Team Ninja en la matière.
Mais il parvient aussi à offrir une certaine liberté dans les approches proposées pour mieux nous aider à surmonter ses difficultés via l’exploration de son monde ouvert. Moins rebutant qu’un Sekiro : Shadows Die Twice, il marche courageusement sur les traces de Ghost of Tsushima avec une proposition bien à lui qui nous implique davantage dans les ramifications narratives de son univers.
Influer sur le cours de l’histoire…
Rise of the Ronin a d’abord l’avantage de garder les pieds solidement ancrés dans le réel. Pour un studio japonais, l’idée même de situer son jeu durant la période du Bakumatsu (aux alentours de 1863-1868, soit la fin de l’époque Edo) implique déjà une vraie responsabilité. La Team Ninja n’en est heureusement pas à son coup d’essai en matière de fresques historiques et a pu compter sur l’expérience acquise au fil des années pour faire de ce nouveau défi un aboutissement.
Le réalisateur Fumihiko Yasuda explique clairement le but d’une telle démarche : « Nous voulions vraiment évoluer en essayant de peindre avec précision la révolution la plus importante de l’histoire du Japon, y compris les chapitres les plus sombres et affreux que beaucoup préfèrent éviter. » Toutefois, l’idée n’est pas tant de coller au plus près aux faits historiques que de proposer une réalité plausible dans l’univers du jeu.
Notre avatar est un électron libre qui navigue entre les factions pro et anti-shogunat.
Le cadre narratif de Rise of the Ronin constitue ainsi l’un de ses meilleurs arguments. Dans la peau d’un avatar créé de toutes pièces, il nous donne la possibilité de rencontrer les plus grandes figures de cette époque, tels le légendaire Ryôma Sakamoto, le philosophe Shôin Yoshida ou encore le commodore Matthew Perry, pour interagir de manière directe avec eux. Les quêtes de liens impliquent régulièrement des choix qui influent sur notre implication dans le cours de l’histoire, nous rapprochant ou nous éloignant toujours un peu plus des factions pro et anti-shogunat.
… et en assumer les conséquences
En tant que rônin (ou samouraï sans maître), nous n’avons de compte à rendre à personne et sommes libres d’effectuer nos choix selon nos convictions profondes. Le joueur a ainsi le sentiment de prendre véritablement part aux coulisses de l’histoire, tout en cernant mieux les enjeux qui conditionneront l’avenir du Japon et son ouverture sur le reste du monde. Le contexte de Rise of the Ronin est d’ailleurs propice aux bouleversements narratifs les plus inattendus, le pays étant alors aux prises avec toutes sortes de fléaux venus de l’extérieur mais aussi de l’intérieur.
Quelques instants de douceur dans un monde de brutes.
Le shogunat Tokugawa et les factions anti-shogunat ont engendré une véritable guerre civile alors que les navires noirs augurent de l’influence grandissante de l’Occident. La menace est donc omniprésente et la population est aussi confrontée à des maladies mortelles telles que le choléra. Pour survivre, il faut s’entraider et le monde ouvert ne manque pas d’occasions de s’illustrer pour se faire un nom auprès des plus grandes figures de l’époque.
Serez-vous l’ennemi ou l’allié du Shinsengumi, la brigade d’élite du shôgun ?
Chaque rencontre peut ainsi évoluer en amitié durable, en trahison, ou même en serment secret selon les affinités nouées avec les individus que l’on croise. Car toutes ces personnes ont une conception de la justice bien à elles. Il n’y pas de bons ou de mauvais choix, seulement des conséquences à assumer.
De Yokohama à Kyoto, trois mondes semi-ouverts
C’est seulement en acceptant de jouer un rôle dans le monde ouvert de Rise of the Ronin que les territoires dévoilent peu à peu leurs secrets. Les premières heures de jeu sont donc assez trompeuses en présentant des zones qui restent quasiment désertes tant que l’on ne s’est pas impliqué suffisamment dans la vie des différentes régions. Les concepteurs ont fait le choix de n’afficher les marqueurs d’activité qu’au compte-gouttes, à mesure que l’on vient en aide aux populations.
L’open world n’est pas démesuré mais il s’étale tout de même sur trois grandes cartes.
L’ordre doit par exemple être rétabli dans des quartiers entiers avant que l’on puisse s’y balader tranquillement, sans risque de se faire attaquer par surprise. Traquer les fugitifs en liberté est un autre bon moyen d’assurer la sécurité des habitants pour débloquer encore davantage de points d’intérêts facultatifs. Chacune de ces actions optionnelles rapporte toujours quelque chose qui mérite le détour via une récompense concrète ou en débloquant de nouvelles activités.
Les quêtes de liens sont indispensables pour mieux connaître ses alliés.
Loin de se limiter aux environs de Yokohama, le jeu nous emmène aussi à Edo (l’actuelle Tokyo), puis dans la cité de Kyoto, avec chaque fois de nouvelles cartes immenses à découvrir. Le titre ne manque d’ailleurs pas d’idées pour nous pousser à explorer ses différentes régions, comme ses chats perdus aux quatre coins du pays que l’on peut ensuite louer à ceux qui en ont besoin.
Le monde ouvert de Rise of the Ronin n’est peut-être pas le plus généreux ni le plus subtil que l’on ait eu l’occasion d’arpenter, mais il a le mérite de nous donner le goût du voyage. Car avec son planeur qui file dans les airs, son grappin propice aux ascensions par les toits et ses montures ultra-réactives, l’exploration est un régal.
La diversité des paysages fait plaisir à voir.
Bien sûr, on aurait aimé aussi pouvoir s’accrocher partout pour escalader n’importe quel obstacle afin de ne pas se retrouver parfois bêtement bloqué par un muret. Mais les moyens dont on dispose pour parcourir les territoires du jeu sont conditionnés par le fait que les confrontations doivent pouvoir avoir lieu quasiment n’importe où. L’intention des créateurs n’est pas de nous projeter dans un monde ouvert purement contemplatif mais de nous inciter à rester constamment sur le qui-vive et prêt à dégainer notre arme à tout moment.
L’archerie montée (ou « yabusame ») est une discipline incontournable de l’époque.
Un aboutissement en matière de combats
Il faut dire aussi que le système de combat de Rise of the Ronin incarne l’aboutissement du savoir-faire de la Team Ninja. N’oublions pas que le studio est aussi responsable des franchises Dead or Alive et Ninja Gaiden, sans oublier Nioh et sa suite. Et si son aspect technique peut effrayer en début de partie, il se révèle vite passionnant à apprivoiser.
De plus, le fait de pouvoir sélectionner soi-même les défis sur la carte du monde permet de dompter à son rythme les (très) nombreuses possibilités du système de combat. Toutes les armes blanches utilisées à l’époque par les Japonais et les Occidentaux sont susceptibles de rejoindre notre arsenal, y compris les armes à feu. Fusils, pistolets et baïonnettes font donc aussi partie de l’expérience et l’on peut même manier un tuyau de feu aux allures de lance-flammes.
Des alliés jouables viennent régulièrement nous prêter main forte.
Il faut véritablement prendre le temps de tester chacune de ces armes pour comprendre à quel point leur diversité renouvelle totalement les approches que l’on peut adopter lors des confrontations. Plusieurs styles d’arts martiaux se débloquent aussi de manière individuelle pour chaque type d’arme, avec un niveau de maîtrise évolutif. Jongler entre ces différentes postures est essentiel pour exploiter la vulnérabilité des adversaires, un indicateur nous permettant toujours de savoir si l’on a l’avantage ou non. On peut alors se concentrer sur les passes d’armes afin de placer des contres-éclair qui créeront une faille dans la défense ennemie.
Les passes d’armes sont techniques, violentes et constamment renouvelées.
Comparable à une jauge d’endurance, la gestion du ki s’épuise rapidement afin de limiter nos combos ou techniques spéciales, mais elle peut être restaurée de manière subtile en plein combat. Il suffit en effet de trouver le bon moment pour effectuer un geste vif avec notre arme afin de la débarrasser du sang accumulé dessus pour devenir quasiment inarrêtable. Cette action baptisée « chiburui » contribue d’ailleurs aussi à enrichir la chorégraphie des combats.
À chacun son style
Si les affrontements sont au cœur de la proposition de Rise of the Ronin, rien ne nous empêche d’exploiter par ailleurs des approches nettement plus sournoises. Les zones sont conçues pour favoriser au maximum la furtivité afin de nous inciter à nous infiltrer discrètement dans les régions contrôlées par l’ennemi sans déclencher systématiquement de conflits ouverts. L’IA adverse n’est généralement pas très futée mais cela permet d’expérimenter au maximum les différentes approches possibles.
Optez pour la discrétion, la manière forte ou les deux.
Par exemple, le grappin ne se limite pas atteindre des emplacements surélevés, il peut aussi être employé de manière très diverse pendant les combats. Même chose pour le planeur qui permet de plonger directement sur une cible pour l’assassiner. Toutes ces possibilités dépendent évidemment des compétences que l’on choisit de débloquer au fil de la partie, leur nombre étant tout simplement vertigineux.
Certains alliés d’aujourd’hui pourraient bien être vos ennemis de demain.
Pensé aussi pour accueillir les parties en multijoueur, Rise of the Ronin reste parfaitement jouable en solo mais il nous laisse rarement défier nos adversaires sans le renfort d’alliés précieux. En plus du soutien des compagnons avec lesquels on a tissé des liens, il arrive souvent que l’on tombe sur des prisonniers à délivrer qui viennent alors nous prêter main forte.
Ce prisonnier libéré et ce loup apprivoisé sont venus m’assister.
Il est même possible de prendre le contrôle de ces alliés pour tirer partie de leurs talents martiaux via leurs propres styles de combat. Et comme une seule partie ne suffit pas pour tout expérimenter, surtout en matière de choix, le jeu nous laisse aussi la possibilité de revenir dans les missions déjà terminées pour tester des prises de position complètement différentes.
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