Plus de trente ans après sa sortie, l’une des premières adaptations en jeu vidéo de l’univers de Dune a encore de l’influence sur certains de jeux les plus célèbres de la planète, de Warcraft à Age of Empires en passant par League of Legends.
En plus de nous offrir une magnifique saga cinématographique, l’univers imaginé par Frank Herbert est aussi à l’origine d’une révolution majeure dans l’histoire des jeux vidéo. Warcraft, Age of Empires et même League of Legends doivent tous en partie leur succès à Dune II : La Bataille pour Arrakis, un jeu développé par Westwood Studios sorti en 1992.
Alors que le studio est surtout connu pour ses portages de jeux 8 bits en version 16 bits, Westwood est racheté par Virgin Interactive, qui possède à l’époque les droits d’adaptation de la franchise Dune. D’ailleurs, un premier jeu est déjà en production chez Cryo Interactive, un studio français déjà dans le giron Virgin, qui sortira en 1992 le jeu Dune. Malgré un étonnant mélange des genres, entre l’aventure, la gestion et la stratégie, ce premier jeu Dune ne rencontrera pas un très grand succès, et n’aura surtout pas le même impact que le jeu de Westwood.
Dune II, le jeu fondateur du genre RTS
Brett Sperry, fondateur de Westwood Studios, est le premier à utiliser le terme « real-time-strategy » pour décrire son jeu en cours de développement à la presse. Au départ, l’idée n’est pas de créer un nouveau genre, mais simplement de différencier Dune II des productions déjà existantes dont il s’inspire.
Avant Dune II, plusieurs jeux pourraient prétendre être des pionniers du genre RTS. Utopia (1981) ou encore Cytron Masters (1982) sont régulièrement cités, mais le premier propose un gameplay partagé entre le tour par tour et l’action directe, et le second ne comprend aucun élément de récolte de ressources. Herzog Zwei (1989), un jeu développé par TechnoSoft pour la Mega Drive, est probablement le jeu le plus proche de Dune II, et servira d’ailleurs d’influence majeure pour les équipes de Westwood Studios. Mais là encore, la notion de collecte de ressources est absente du jeu.
Or, dans l’univers de Dune, la collecte de ressources est un élément central du scénario, puisque la récolte de l’épice est au cœur du conflit entre les différentes factions. Pour développer une adaptation jeu vidéo de cet univers, il faut donc faire de cet élément une mécanique de jeu incontournable.
L’influence Apple
Mais c’est en réalité un autre choix de développement qui fera de Dune II non seulement un grand succès, avec plus de 250 000 unités vendues, mais surtout un pionner d’un nouveau genre. Et cette fois-ci, les équipes de développement ne piochent pas l’idée dans un jeu vidéo, mais chez Apple, qui vient de créer la première interface utilisateur, ou GUI pour Graphic User Interface, dans laquelle on interagit avec une souris.
Tous les premiers jeux cités, qu’ils aient été développés sur PC ou sur consoles, demandaient aux joueuses et aux joueurs d’appuyer sur des boutons pour exécuter les différentes commandes. De quoi ralentir considérablement le rythme d’une partie. A la souris, on peut rapidement sélectionner des unités, et leur donner des ordres. C’est grâce à cette nouveauté en particulier que Dune II a pu miser uniquement sur l’action directe, et non sur le tour par tour, habituellement privilégié pour les phases de gestion.
Ce choix d’une interface utilisateur gérée à la souris offre une nouvelle perspective aux développeurs, qui en profiteront pour inventer beaucoup de nouvelles mécaniques de jeu, aujourd’hui encore indispensables au bon fonctionnement d’un RTS. En premier lieu, on pense au fameux « brouillard de guerre », qui consiste à noircir toutes les parties de la carte qui n’ont pas encore été explorées par une unité. L’exploration de la carte, pour y trouver des ressources à exploiter, devient donc un nouvel aspect central de l’expérience.
Pour donner de l’intérêt à cette nouvelle mécanique, il faut bien sûr que la carte du jeu soit bien plus grande, ce qui posait auparavant un problème d’expérience utilisateur, dans la mesure où il était très long de faire défiler la carte en appuyant sur un bouton. Westwood Studios invente donc le principe de la « mini-carte », qui consiste à afficher la carte entière dans une version réduite en bas de l’écran. Les joueuses et joueurs peuvent interagir avec cette carte à la souris pour choisir quelle zone afficher sur le reste de l’écran.
Aujourd’hui encore, la mini-map est un incontournable des RTS, et de l’ensemble des jeux qui en ont découlé, comme les MOBA qui captivent des millions de joueuses et de joueurs à travers le monde comme DOTA ou League of Legends.
L’influence de Dune II est donc toujours palpable à l’heure où sont écrites ces lignes, plus de 30 ans plus tard. Mais toutes ces mécaniques auraient pu passer inaperçues si le jeu n’avait pas rencontré un tel succès. Or si Dune II doit probablement son succès en partie à ses commandes très intuitives et bien pensées, c’est aussi grâce à sa grande ambition de rendre hommage à l’univers de Frank Herbert que le jeu a marché. En plus d’un vrai scénario, de dialogues et de cinématiques, le jeu mettait véritablement en scène les Maisons les plus importantes de Dune, à savoir les Atréides, les Harkonnens et les Ordos.
A chaque début de partie, il fallait choisir l’une de ces trois Maisons, et chacune disposait d’unités uniques avec leurs propres capacités. Une richesse de gameplay qui était complètement inédite à l’époque. Le genre RTS doit donc son succès autant à la passion et à la générosité des équipes de Westwood Studios qu’à la profondeur de l’univers de Frank Herbert.