La génération pop de la seconde moitié du XXe siècle connaît bien Peter Gabriel. D’abord membre du groupe Genesis, il est ensuite un artiste solo inspiré, ambitieux, avant-gardiste et très créatif. Il revient aujourd’hui avec I/O, son 17e album.
L’enregistrement de l’album I/O
Pour cet enregistrement, il s’est entouré des fidèles : le batteur Manu Katché et le bassiste Tony Levin qui l’entourent depuis presque 40 ans. À ces amis vient se greffer la chorale gospel de Soweto signé sur son label : 16 chanteurs dans la plus pure tradition vocale sud-africaine, celle des Ladysmith Black Mambazo. La chorale apporte une puissance, des émotions et une couleur qui placent d’emblée le projet à un niveau très élevé.
On ne s’étonnera pas de retrouver également aux côtés de Peter Gabriel le producteur texan Tchad Blake, lui aussi fidèle depuis un moment déjà. Il a toujours été avant-gardiste, appréciant les prises de risques lors des différents enregistrements dont il a été responsable. Depuis ses débuts en 1979, souvent avec des techniques peu orthodoxes, il a façonné le son et l’esthétique de nombreux artistes tels que Suzanne Vega, les Pretenders, Tom Waits, Paul McCartney, Elvis Costello, Sheryl Crow, Black Keys, Green Day, Robert Plant, Amos Lee, entre autres. Il est chez Realworld depuis 25 ans.
Que vaut le nouvel album de Peter Gabriel ?
L’œuvre se divise en deux parties égales : 12 titres en version « sombre » (dark mix) et les mêmes en version « lumineuse » (bright mix). Peter Gabriel travaille ici l’interconnexion de toutes choses ainsi que la mémoire et l’âme humaine, vues à travers un côté obscur et un côté lumineux, comme dirait Yoda. L’artiste élève son niveau de conscience, aidé par l’âge et les épreuves de sa vie. I/O est un album spirituel à la limite du mystique et probablement son plus personnel. En fait, cet opus ressemble à un témoignage, voire de l’héritage que souhaite laisser l’artiste. Quant à la pochette, elle a été confiée à Olafur Eliasson, artiste et scientifique islandais dont Gabriel admire la démarche. Eliasson a déjà œuvré à Versailles, Brooklyn et ses œuvres ont été exposées à la fondation Louis Vuitton il y a quelques années. Il est aussi avant-gardiste dans l’image que l’est Gabriel dans le son. Ce dernier confirme une fois de plus à quel point les deux domaines sont indissociables pour lui, et depuis longtemps. Une mention particulière pour Love Can Heal dans sa version « dark », mon titre préféré sur cet opus. Vous savez quoi ? Cet album a tout du chef d’œuvre, celui qui vous accompagnera des années durant. Mais n’est-ce pas le cas de nombreux albums du maître de Bath ?
Realworld : du studio au label
Peter Gabriel a commencé cette aventure en créant des studios high-tech à proximité de la ville de Bath, en Angleterre. Ce lieu résidentiel et apaisant s’adresse aux artistes et à tous les techniciens de la musique. Il renferme des studios implantés dans un lieu végétal et fabriqué avec des matières nobles. Un lieu unique. Puis le nom du lieu, Realworld, devient un label dès 1989. Peter Gabriel en confie la distribution à Virgin Records. L’objectif clairement affiché est de développer les différentes cultures du monde quel que soit le continent. Une charte de couleur est créée pour chaque continent, chaque pays. La grande période commerciale pour Realworld se situe dans les années 1990. Il règne alors une indéniable ouverture d’esprit planétaire propice au développement de cultures tribales ou ethniques à une large échelle. De Realworld sortiront les artistes Doudou N’Diaye Rose (percussions), Geoffrey Oryema (chanteur qui connaît un succès important pour ses deux premiers albums) ou Tabu Ley Rochereau. Youssou N’Dour, Omar Pene, Papa Wemba ou les Blind Boys of Alabama y laisseront également de magnifiques enregistrements. Et Realworld devient un village mondial en pleine Angleterre.
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