En 1978, La Nuit des masques, de John Carpenter, inaugurait une nouvelle approche du film d’horreur. Lançant la franchise Halloween, et la réputation du tueur psychopathe Michael Myers, ce premier long métrage a fait date par son suspense remarquable et son schéma narratif, prototype du « slasher movie ». Suites et reboots (par Rob Zombie et David Gordon Green) ont depuis enrichi cet univers qui fait de chaque soirée d’Halloween un anniversaire de la saga. Retour sur ce monument d’effroi.
La Nuit des masques : un chef-d’œuvre pour Halloween
Sorti pour Halloween en 1978 aux États-Unis, le long-métrage La Nuit des masques n’est projeté en France qu’en janvier de l’année suivante, lors du festival d’Avoriaz, où il reçoit le Prix de la critique. En salle dans l’Hexagone en mars 1979, le film de John Carpenter n’est pas distribué avec son titre original (Halloween). Assurément, la fête du même nom, est, à l’époque, quasi inconnue en Europe, alors qu’elle est une référence culturelle pour tous les enfants américains.
C’est paradoxalement en montrant deux soirées d’Halloween qui tournent mal que La Nuit des masques va faire connaître la fête des sorts et des bonbons auprès des amateurs de cinéma d’horreur. Le film raconte en effet le premier crime de Michael Myers. En 1963, ce garçon de 6 ans poignarde à mort sa sœur Judith un soir d’Halloween. Interné en clinique psychiatrique, l’enfant déséquilibré s’évade quinze ans plus tard et revient sur les lieux de son crime, bien décidé à terroriser la petite ville d’Haddonfield. Portant un masque hideux et armé d’un énorme couteau de cuisine, Myers multiplie les meurtres, en « punissant » les adolescentes du quartier, malgré la traque que mène son infatigable psychiatre, le docteur Loomis. Seule Laurie, interprétée par Jamie Lee Curtis, réussit à échapper au massacre : son personnage va devenir, à l’instar du serial-killer, l’emblème de la franchise Halloween.
Avec son tueur emblématique, psychopathe obsédé par la sexualité des jeunes filles, et son atmosphère extrêmement pesante, marquée par le meurtre en série, l’effroi des victimes, l’inefficacité du « camp du bien », La Nuit des masques inaugurait de manière magistrale le genre du slasher. Les multiples ingrédients de ce genre de film (assassin effroyable masqué, victimes juvéniles, écriture thématique autour de l’adolescence comme perte de l’innocence et de l’insouciance) se trouvent dans le long métrage de Carpenter, qui a inspiré de multiples franchises, que l’on songe à Vendredi 13 (et son hockeyeur serial-killer de mère en fils, Jason Vorhees), ou aux Griffes de la nuit (avec Freddie Krueger, le tueur qui trimballe sa sale bobine jusque dans nos rêves). Si l’on regarde plus amplement Scream, saga post-moderne et hommage aux slashers des années 1970-1980, celle-ci cite à plusieurs reprises Halloween, que ce soit dans le nom des personnages ou carrément en montrant le film de Carpenter sur une télévision.
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Le début d’une franchise Halloween
L’autre innovation qui fait de La Nuit des masques l’ancêtre de moult séries de films d’horreur de type slasher, c’est bien l’existence d’une franchise de films. Dès le succès du premier long métrage, les producteurs se lancent dans un deuxième épisode, Halloween 2, qui sort en 1981. Cette suite directe – le film se déroulant la même nuit que le premier épisode – permet d’approfondir chacun des personnages et de donner une nouvelle ampleur à la relation entre la proie (Laurie) et le chasseur (Michael), en précisant (attention spoiler) leur lien familial.
Si cette suite porte encore la marque de John Carpenter, qui scénarise le film réalisé par Rick Rosenthal, le troisième épisode tente de mélanger Halloween et vieilles pratiques magiques. Halloween III, le sang du sorcier s’éloigne considérablement des deux premiers volets. Rapidement oublié, notamment parce que Michael Myers en était absent, cet opus met la saga en pause pendant six ans. Heureusement, Halloween 4, sous-titré Le Retour de Michael Myers a la bonne idée de faire revenir le serial-killer et d’initier un des principes de la saga : l’anniversaire. Le quatrième épisode se déroule en effet dix ans jour pour jour après les faits présentés dans La Nuit des masques. Une nuit d’Halloween, Michael Myers évadé, une jeune femme (la fille de Laurie) menacée, et un brave psychiatre (le docteur Loomis, toujours interprété par Donald Pleasence) pour lutter contre le « psych-killer »… En s’appuyant sur les fondamentaux du I et du II, ce volet a connu un succès commercial important, en augmentant quelque peu le caractère graphique de la violence dans la franchise, qui était jusqu’alors plutôt suggérée.
Dès l’année suivante, en 1989, un nouveau film basé sur le personnage de Michael Myers voit le jour. Halloween 5 : la Vengeance de Michael Myers, laisse cependant aux fans un goût d’inachevé, en mêlant différentes sous-intrigues à la trame principale. Certaines des réponses aux questions laissées en suspens seront dévoilées en 1995, avec la sortie d’Halloween 6 : La Malédiction de Michael Myers.
Une ère de renouveau
1998 marque les vingt ans de La Nuit des Masques. Après deux épisodes clairement en dessous, l’idée du producteur historique de la saga, Moustapha Hakkad, est de célébrer cet anniversaire comme il se doit. Il engage donc un scénariste alors très coté, Kevin Williamson, qui vient de renouveler le slasher avec les scripts qu’il a imaginé pour Scream et Souviens-toi l’été dernier. Nombre de ses idées sont reprises dans le film final. Côté casting, Halloween : vingt ans après marque le retour de Jamie Lee Curtis dans le rôle de Laurie. Ignorant volontairement tous les événements imaginés après Halloween 2, l’intrigue suit, deux décennies après ce deuxième volet, la vie de Laurie Strode, enseignante, toujours traumatisée par les meurtres de son frère, et celle de son fils, John (Josh Hartnett). La nuit d’Halloween, Michael Myers fait une funeste apparition lors de la fête organisée par ce neveu qu’il ne connaît pas…
Mêlant de nombreuses références de La Nuit des Masques à des inspirations venues de Psychose – avec notamment la présence de son actrice Janet Leigh au casting – ce film a la qualité d’un reboot tout en s’inscrivant dans la continuité des deux premiers épisodes. Il fera l’objet, en 2002, d’une suite, Halloween Resurrection, dont l’action, à base de télé-réalité horrifique, n’apportera pas grand-chose. Mais la « survie » de Michael Myers dans la pop culture est confirmée, et son personnage s’affirme comme étant suffisamment emblématique pour figurer dans la liste des psychopathes qui auront droit à leur remake dans les années 2000.
Après Leatherface (remake de Massacre à la tronçonneuse sorti en 2003) et avant Jason (remake de Vendredi 13 sorti en 2009) et Freddy : Les griffes de la nuit (remake des Griffes de la nuit sorti en 2010), Michael Myers renaît de ses cendres en 2007, à la faveur d’un remake/prequel de La Nuit des masques signé du chanteur/réalisateur Rob Zombie. Ce dernier instille à la franchise un caractère social/psychologique particulièrement intéressant en revenant sur les traumas qui ont transformé un enfant banal en un serial-killer assoiffé de sang. L’ambiance poisseuse et le milieu « quart-monde » de cette origin story renouvelle profondément la franchise, en confirmant le talent d’un cinéaste qui a lui-même créé sa propre saga, avec la trilogie La Maison des mille morts/The Devil’s Rejects/3 from Hell. Il réalisera en 2009 Halloween 2, suite de son remake développant davantage un univers légèrement différent de la franchise originelle.
Halloween aujourd’hui : plus de quarante-cinq ans de succès
Dans la première partie de sa carrière, le réalisateur David Gordon Green aimait installer ses longs métrages dans des petites villes oubliées des États-Unis. Malek Akkad, fils du producteur historique de la franchise, a choisi de lui confier le reboot de la saga, en 2018. Halloween, film célébrant les quarante ans de la franchise, s’inscrit pleinement dans la filmographie de David Gordon Green, par son climat gothique et sa manière de détourner les codes de la saga pour parler de problématiques très actuelles. Si l’obsession de Michael Myers pour la pureté et ses meurtres liés à la sexualité (schématiquement, le psychopathe tue le plus souvent les jeunes couples qui viennent d’avoir une relation, comme pour punir leurs mœurs) ont nourri La Nuit des Masques et ses suites, le long métrage de 2018 s’inscrit davantage dans une lutte de femmes contre les violences qu’on leur inflige. Les rôles de Laurie Strode (Jamie Lee Curtis), Karen Nelson, sa fille (Judy Greer) et d’Allyson, sa petite-fille (Andi Matichak) incarnent cette révolte contre le bourreau, à travers l’alliance familiale qu’elle forme pour mettre Michael Myers hors d’état de nuire.
Cet épisode d’Halloween est le premier volet d’une trilogie achevée en 2022 avec Halloween Ends (Halloween Kills ayant servi de trait d’union entre les deux). Pensé pour terminer définitivement la série de films lancée avec l’œuvre de John Carpenter, ce triptyque signé David Gordon Green reste donc le dernier projet cinématographique en date à présenter la figure de Michael Myers,, l’un des personnages les plus terrifiants de la culture pop, qui nous hante depuis plus de quarante-cinq ans.
Dans quel ordre regarder les films de la franchise ?
1. La saga originale
Pour apprécier de la meilleure des façons la saga Halloween, commencez par le classique qui a tout initié : Halloween (1978) de John Carpenter. Puis, visionnez Halloween 2 (1981), qui donne directement suite aux événements du premier film.
On vous conseille ensuite d’omettre le troisième et de continuer votre marathon de l’horreur en visionnant Halloween 4 : le retour de Michael Myers (1988), puis Halloween 5 : La Revanche de Michael Myers (1989). Deux volets qui perpétuent l’histoire du tueur du 31 décembre. Concluez cette partie avec Halloween 6 : La Malédiction de Michael Myers (1995).
Autre possibilité, donnez suite aux deux premiers longs-métrages avec Halloween, 20 ans après (1998) et Halloween : Résurrection (2002).
2. Les remakes de Rob Zombie
Halloween (2007) et Halloween 2 (2009), sont deux merveilleux remakes/reboots qui peuvent être regardés d’une traite, après avoir vu la saga originale (bien évidemment).
3. La trilogie moderne
De la même façon qu’Halloween (2018), Halloween Kills (2021), et Halloween Ends (2022), continuent et concluent l’histoire de Michael Myers. Une trilogie à consommer à la fin de votre marathon de la franchise, pour achever adroitement ce corpus filmique.
4. Le film hors-série
Si votre dose de frayeur n’a pas été suffisante jetez votre dévolu sur Halloween 3 : Le Sang du sorcier (1982). Un hors série qui peut être regardé à tout moment, car il s’écarte complètement de l’histoire de Michael Myers, tentant ainsi de prendre une direction différente.