Entretien

Rencontre avec Moussa Mansaly : « L’art, c’est l’expression des sentiments »

20 juin 2023
Par Christophe Augros
Rencontre avec Moussa Mansaly : « L’art, c’est l’expression des sentiments »

Le Marchand de sable, nouveau film du réalisateur Steve Achiepo, vient de voir le jour en DVD. Une œuvre sociale dans laquelle Benoit Magimel et Moussa Mansaly tiennent les rôles principaux. Nous avons rencontré ce dernier pour parler du film et de son parcours.

Avez-vous eu des motivations particulières pour ce film ? Comment Steve Achiepo vous a-t-il convaincu ?

Moussa Mansaly : Ma motivation première a été la lecture du scénario. Ça m’a tout de suite parlé. Cet univers, tu vois ? Le mal logement, on le voit tout le temps autour de nous, même là où nous avons grandi. J’ai vu ça, j’ai donc été immédiatement concerné. Steve n’a pas eu besoin de me convaincre. J’avais fait le casting. Ensuite, on s’est revus et nous avons discuté… Je me souviens lui avoir dit que de toute façon, prêt ou pas pour ce film, je serais heureux de le faire.

Je me rappelle d’une petite anecdote : on s’était croisés alors que le casting n’avait pas été finalisé. C’était au moment de la lecture du scénario au festival d’Angers. Je lui avais dit que même s’il ne me sentait pas prêt pour ce rôle, je voulais l’incarner. En fait, après, tu as vu, la suite des choses a été bien faite. Steve m’a choisi ! Donc voilà, il n’a pas eu à me convaincre, le projet en lui-même était déjà très convaincant. Le Marchand de sable DVD - 1

Vous venez du milieu Hip-Hop et Benoit Magimel a été taggeur, ça crée des liens ? C’était la première fois que vous vous rencontriez ?

M.M. : Oui, je viens du hip-hop et il a été taggueur mais notre rencontre est au-delà de ces considérations. Je ne pense pas qu’il se soit dit : « Ah ! Lui il vient du milieu urbain ». Je pense que nous avons des choses en nous qu’il est inutile de verbaliser ou de conscientiser pour que ça matche avec une personne. Oui, c’était ma première rencontre avec lui. Je le connaissais en tant qu’acteur, c’est un acteur incroyable et j’ai beaucoup appris. Il est incroyable dans son jeu, dans la manière de travailler son personnage. Ce qui était fort, c’est que même sur le tournage, entre chaque prise, même quand nous échangions, je le voyais toujours à la recherche d’améliorations ou de petits détails pour rendre son personnage encore plus spécial. Et je trouvais ça fort ! D’habitude, un comédien tourne puis c’est la pause et il redevient « lui-même », entre guillemets. Lui, je le voyais toujours dans le souci du détail et humainement, c’est un mec super, franchement. C’est une très belle rencontre.

Pouvez-vous nous parler de l’ambiance sur le tournage avec le reste de l’équipe ?

M.M. : Vous voyez, c’est le genre de film où tout le monde se sent impliqué et l’atmosphère était vraiment incroyable. Malgré les conditions de tournage, parce que nous avons tourné en un mois donc c’était speed et intense, les liens étaient très forts. Même avec Steve Achiepo, il se donnait beaucoup de mal quant à la direction des acteurs. Et c’est génial d’être dirigé par un réalisateur comme lui. On arrive vraiment à être précis en tant qu’acteur. Avec Ophélie Bau, tout aussi génial. Aïssa Maïga, une grande actrice qui renvoie beaucoup de force quand on joue avec elle. C’était un tournage incroyable, le genre que l’on veut refaire toute sa vie.

Depuis 2013, vous jouez dans de nombreux films engagés ou avec du fond, je pense à Patients, Overdose, Placés… Cette fois, Marchand de Sommeil : vous servez-vous du cinéma pour faire passer vos messages ou vos opinions comme on peut le faire dans le « conscious rap », par exemple ?

M.M. : Comme je dis toujours, pour moi, que ce soit la musique, le sport, le cinéma, la peinture, ce que tu veux, c’est de l’art. Et l’art, c’est l’expression de sentiments. C’est donc un peu ce que nous sommes, ce qu’on représente ou ce pourquoi on se bat. Inconsciemment, notre manière d’interagir transpire justement avec les formes d’art que nous pratiquons. Je ne pense pas automatiquement à faire des trucs conscients. Pour ma part, tant que le rôle défend quelque chose, pas forcément sur le plan social ou économique mais sur le plan humain, s’il défend des valeurs humaines, si le personnage a une cause à défendre, c’est ça qui me parle le plus. Et c’est sur ce genre de rôles que je tends le plus mais ce n’est pas forcément autour de rôles politisés. Ces rôles sont là et c’est ce qui m’habite et me donne l’envie de jouer et de performer : incarner quelque chose, représenter quelque chose sous une forme humaine. Placés DVD - 1

Qu’y a-t-il de différent dans ce film comparé à vos précédents ?

M.M. : C’est différent dans la construction de mon personnage et de mon jeu. Souvent, quand tu joues, inconsciemment tu développes des automatismes de jeu… Pour ce film-là, avec l’aide du réalisateur, justement, j’ai vraiment déconstruit mes acquis, déconstruire pour repartir de zéro, pour créer un personnage qui soit vraiment complexe et subtil. C’est donc un vrai travail de composition qui m’obligeait à aller chercher en moi des nuances que je n’avais pas forcément montrées, des facettes que je n’avais pas dans mon jeu les films précédents. Voilà pourquoi je trouve ce rôle singulier.

Vous avez 40 ans. 2013-2023 est plutôt une belle décennie pour vous, non ?

M.M. : Déjà, on ne parle pas de mon âge (rires). Et oui, c’est vrai que c’est une belle décennie. Énormément de choses me sont arrivées. Et c’est cool parce que souvent, dans l’art, les gens portent une importance à l’âge. Moi, je pense qu’il n’y a pas d’âge pour être à son prime. Donc, la suite pour moi, je l’espère, inch’Allah, c’est qu’il y ait encore de nombreux beaux projets. Voilà ! Je vous remercie.

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Article rédigé par
Christophe Augros
Christophe Augros
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