La sortie d’un nouvel album de Kalash (Tombolo) vient rappeler toute la vitalité de la scène antillaise. Depuis quatre décennies, Martinique et Guadeloupe ont livré au monde leurs musiques, et en particulier le zouk, ce genre varié et festif, désormais mélangé allègrement au rap et au R&B. On rembobine.
La sortie d’un nouvel album de Kalash (Tombolo) vient rappeler toute la vitalité de la scène antillaise. Depuis quatre décennies, Martinique et Guadeloupe ont livré au monde leurs musiques, et en particulier le zouk, ce genre varié et festif, désormais mélangé allègrement au rap et au R&B. On rembobine.
Le zouk, un genre fait de mélange
Si aujourd’hui le zouk est clairement associé aux Antilles françaises, ce genre musical moderne provient en vérité de différents folklores, en faisant une véritable « musique du monde ». Par proximité géographique, le genre s’inspire du compas haïtien, et dérive de structures rythmiques et mélodiques typiques de la Martinique et de la Guadeloupe, comme le Gwoka et le Chouval Bwa. Elles tirent notamment leur tempo d’instruments de percussion locaux, comme le maké, le « tambour », le bel-air, la boula, ou le chacha (sorte de maracas qui fait office de charleston).
Ces percussions traditionnelles, et leurs rythmes codifiés font bien sûr les belles heures des carnavals locaux, événements musicaux traditionnels particulièrement importants aux Antilles. Par leur Histoire, Guadeloupe et Martinique ont vu évidemment ces genres communiquer avec des styles occidentaux et africains. C’est ainsi que de nombreuses pièces folkloriques s’inspirent de valses, mazurkas et autres quadrilles qui avaient la faveur des bals populaires en Métropole. De même, le chant et les techniques de percussion du futur zouk tirent une partie de leur origine des traditions des esclaves venus d’Afrique de l’Ouest et dont les descendants ont largement peuplé les Antilles.
Le zouk, une musique pour danser
« Zouk » signifie fête en Créole. Et il faut bien dire que le genre est avant tout associé à la célébration de la vie sous toutes ses formes. Sans oublier la danse : dès les années 1930, à Paris, on apprend les pas de la « biguine », ce mouvement cadencé qui vient tout droit des départements d’outre-mer antillais. Les paillotes martiniquaises sont de hauts lieux du développement de la musique locale, où le jazz commence à s’installer et aboutit aux premiers orchestres d’instrumentations classiques sur l’île. Dans les années 1960, la « cadence », venue d’Haîti, se mêle à ce son, inventant la première forme du zouk.
Une décennie plus tard, violons, contrebasses et cuivres issus de ces orchestres jazzy intègrent la composition du premier grand orchestre zouk : Malavoi. Composé notamment de Dédé Saint-Prix et de la chanteuse Édith Lefel, le groupe croise les influences des rythmes locaux avec une certaine virtuosité instrumentale et des touches afro-cubaines. Vrais artistes de scène, ils parviennent vite à faire découvrir une forme dansante et pop de la musique antillaise.
Ils sont bientôt suivis par les stars indiscutables du genre : Kassav’. Formée à Paris par des musiciens antillais tous plus brillants les uns que les autres, la formation s’inscrit dans le vaste mouvement de la capitale en faveur des musiques noires. Les fondateurs du groupe, Jacob Desvarieux et Pierre-Edouard Decimus, ont beaucoup appris au contact des musiciens zaïrois présents dans la capitale française. Très vite, la formation, où cohabitent Guadeloupéens et Martiniquais, met en avant leur vocaliste, Jocelyne Beroard, qui brille sur des titres comme Ké Sa Lévé (album Difé), Ou Lé (album Majestik Zouk) et participe au tube Syé Bwa.
À la charnière des années 1980-1990, alors que le zouk de Kassav’ conquiert le monde entier, la sphère francophone consacre des groupes zouk tirant vers la pop. La Compagnie Créole, qui a la particularité de chanter davantage en français qu’en créole, acquiert une énorme popularité grâce aux tubes Ça fait rire les oiseaux et C’est bon pour le moral, sans oublier Au bal masqué, devenu synonyme de flonflon et de balloche dans tout l’Hexagone. À cette même période, Zouk Machine, et son tube Maldon, font le bonheur des fans de musiques antillaises au féminin. Pour l’anecdote, l’une des chanteuses de la formation, Joëlle Ursull, interprétera un titre de Gainsbourg, White and Black Blues, lors de l’Eurovision 1990.
Le zouk, une place dans le paysage musical
À partir de la deuxième partie des années 1990, la vague zouk des Zouk Machine et Kassav’ laisse place à une intégration progressive des musiques antillaises dans la variété. Le côté « chaud » du genre trouvera un représentant en la personne de Francky Vincent, institution de la chanson paillarde et des bals d’ici, avec des tubes comme Fruit de la passion ou Alice ça glisse. Mais c’est du côté des musiques urbaines et du rap que le second souffle du zouk va se trouver. Le Saïan Supa Crew, avec son premier album KLR et le tube Angela, apporte un son et une diction en créole très particulière au hip-hop hexagonal. Lord Kossity, Martiniquais d’adoption, adaptera le dancehall à la musique zouk, et fera les belles heures du ragga français, de la même façon que le groupe Nèg’Marrons.
Le rappeur Passi fera également œuvre de revivalisme zouk : au début des années 2000, il réalise une compilation de titres où sont présents Jacob Desvarieux, Lynnsha ou Lady Sweety, aboutissant à une diffusion massive de musiques antillaises sur les ondes, notamment Ma Rivale et Laisse parler les gens.
À la même époque, une vraie star du zouk émerge : Admiral T. Originaire de Guadeloupe, il renforce la proximité entre rap, ragga et zouk, par ses albums savamment dosés, de Mozai Kreyol à 40 degrés. Il trouve un parfait épigone en Martinique avec Kalash, capable de mêler gangstérisme et musiques caribéennes sur des titres comme Bando, rapidement relayé par Booba en 2015. Avec Tombolo, son nouvel album, l’artiste représente la nouvelle vague du zouk, devenu synonyme d’enrichissement antillais des musiques urbaines de métropole depuis quelques années.