Décryptage

Aux origines de la techno berlinoise

12 mai 2022
Par Mathieu M.
Aux origines de la techno berlinoise

Après Détroit, son berceau originel, c’est à Berlin que la techno a élu domicile. A travers ses pionniers, ses DJs et ses clubs historiques, la musique électronique a trouvé une place culturelle forte dans la capitale allemande. De nombreux artistes, comme Boys Noize ou Modeselektor, représentent désormais l’effervescence locale dans le monde entier. On rembobine.

L’Allemagne, terre de son électronique

David BowieSi Berlin constitue aujourd’hui l’une des capitales mondiales des musiques électroniques, elle le doit en partie à la vitalité d’une scène qui remonte aux années 1970. À cette époque, où n’existaient ni techno ni house, une version planante du rock s’impose, qu’on appelle « Kosmische Musik » ou « kraut-rock ». Parmi ceux qui la pratiquent, un certain nombre d’artistes profite de la démocratisation du synthétiseur pour proposer de longues boucles hypnotiques. Klaus Schulze, Tangerine Dream, Neu! ou Faust se font connaître dans toute l’Europe, à travers une sonorité froide et industrielle qui devient vite synonyme de « made in Germany ». David Bowie, au moment d’expérimenter davantage sur ce terrain synthétique, se rendra d’ailleurs à Berlin pour acquérir un savoir-faire en la matière (voir son album Heroes).

Computer worldMais c’est un groupe venant de Düsseldorf qui va introduit la notion de « musique électronique » dans l’univers de la pop moderne. Kraftwerk perce dès 1974 avec Autobahn, puis enchaîne les tubes electroïdes, comme Radio-Activity ou Trans Europe Express, les années suivantes. Surtout, à partir du début des années 1980, et l’album Computer World, la formation allemande crée un prototype de ce qui deviendra plus tard la techno.

L’arrivée de la musique techno à Berlin

Les sonorités de Kraftwerk franchissent l’Atlantique dans les années 1980 : leur influence sur de jeunes musiciens noirs américains va s’avérer déterminante. En effet, à Détroit, des DJ comme Derrick May, Juan Atkins ou Kevin Saunderson écoutent aussi bien cette pop exotique et synthétique que le travail de Giorgio Moroder sur la disco, fusionnant les tendances dans une musique de club qu’on appellera rapidement la techno.

Au cours des années 1980, Berlin continue d’être un haut lieu de la contre-culture, malgré son morcellement. Centre de l’attention mondiale en matière politique et diplomatique depuis l’érection du mur en 1961, la capitale historique de l’Allemagne dispose d’une importante scène underground. Post-punk, Electric Body Music (ou « EBM » qui mélange sons indus et rythme new wave) et rock politisé se mêlent dans la vie nocturne, qui se concentre autour de quelques bars, comme le Kumpelnest 3000. À la chute du mur, la techno de Detroit a déjà gagné la ville, à travers des personnages comme Dr. Motte (créateur de la Love Parade), Thomas Fehlmann et Moritz Von Oswald (tous deux collaborent d’ailleurs avec Juan Atkins)… Un premier lieu dédié et mythique, le Trésor, ouvre en 1991.

Dans la décennie qui suit, en pleine période de réunification, la ville devient un centre international pour les musiques électroniques. En particulier, l’influence de Moritz Von Oswald (qui joue sous le pseudonyme de Maurizio) sera déterminante : propriétaire du légendaire magasin de disque Hardwax, il dirige le label Basic Channel avec son acolyte Mark Ernestus. Sa pratique du mix et ses différents projets le mèneront à inventer le « dub techno » d’inspiration jamaïcaine, un courant anticipant la techno minimale, une vraie spécialité berlinoise.

De la minimale à aujourd’hui : Berlin, capitale de la techno

Hello momAlors qu’un important label des années 2000 s’est créé à Cologne (Impakt), Berlin établit sa légende techno à l’orée du millénaire avec l’apparition de la techno minimale et l’inauguration d’un club mythique, le Berghain. Le lieu accueille notamment Marcel Dettmann, Len Faki, Ben Klock, Shed, Steffi, qui deviennent les coqueluches de la scène locale. Dans les années qui suivent, l’ambiance de fête et d’innovations musicales ne cesse de susciter des vocations. Ellen Allien s’impose alors : DJ depuis les années 1990, elle fonde son label BPitch Control, dans lequel elle sort des disques révolutionnaires, qui révèlent des artistes de grand talent. The devil's walkOutre ses propres albums Dust ou Stadtkind, elle a permis l’émergence d’artistes comme Modeselektor (Hello Mom, Happy Birthday), Sascha Funke (In Between Days, Forms and Shapes), Apparat (The Devil’s Walk, Walls), tous affiliés à des courants différents et complémentaires. Elle sert également de rampe de lancement à un de ses acolytes, Paul Kalkbrenner. Après son premier opus, Zeit, ce talentueux DJ a notamment interprété le rôle principal de Berlin Calling, témoignage cinématographique de cette période d’effervescence, dont il a réalisé la bande originale culte. Il reste l’un des représentants les plus importants de la techno minimale berlinoise.

Oi oi oiAutre figure de proue, Boys Noize a fait le pont entre la french touch et la scène berlinoise, en étant très proche d’artistes comme SebastiAn, Dj Mehdi ou Justice. Originaire d’Hambourg, il a renouvelé la cartographie de l’electro allemande, avec ses sets berlinois et son label. Depuis Oi Oi Oi et jusqu’à +/- en 2022, ce fan de Daft Punk réalise un parcours sans faute.

Toujours lieu de rêve pour bon nombre d’artistes, Berlin constitue encore « the Place to Be » dans le milieu de la techno contemporaine, en étant à la fois une terre d’accueil de DJ venus d’autres provinces allemandes, voire d’autres pays, comme Scuba, un Anglais installé à Berlin depuis une quinzaine d’années.

Article rédigé par
Mathieu M.
Mathieu M.
Disquaire sur Fnac.com
Sélection de produits