Sous le nom Kid A Mnesia, Radiohead sort ce mois de novembre une réédition luxueuse de deux albums que la bande de Thom Yorke a enregistrés à la suite, Kid A et Amnesiac. Deux disques qui leur ont fait prendre une nouvelle dimension, après un pari musical assez risqué. On décrypte.
Kid A : le disque qui change Radiohead
Arrivé dans les charts avec un vrai son de rock indé britannique, presque britpop, Radiohead commence à connaître le succès au milieu des années 1990 à la faveur du single Creep puis de leur deuxième album The Bends. En 1997, leur troisième opus, Ok Computer, les fait décoller : s’inspirant du rock progressif et de la scène contemporaine de la musique savante, il livre un chef-d’œuvre de mélancolie, avec des tubes emblématiques, comme Karma Police, No Surprises ou le planant Paranoid Android.
Devenu une sorte d’emblème de la musique anglaise, versant plus intello de la britpop façon Blur et Oasis, le groupe manifeste dans les années qui suivent l’envie de se délester de leur passé. Laissant à Muse et à Coldplay le soin d’occuper le terrain rock, ils enregistrent au début du millénaire Kid A (2000), dans lequel ils abandonnent les guitares au profit de samplers et autres synthétiseurs. Le changement ne s’arrête pas là : Thom Yorke travaille avec le producteur Nigel Godrich sur les effets vocaux, afin de rendre son organe méconnaissable.
Les structures de chanson traditionnelle explosent tout au long de l’œuvre, à l’exemple des transes de The National Anthem, des boucles d’Everything in Its Right Place ou des rythmiques très glitch d’Idioteque. Déboussolant, l’opus fédère de nombreux fans, ravis que leur groupe préféré innove et apparaissent comme la formation la plus originale de sa génération.
Amnesiac : le changement dans la continuité
Si les guitares font leur retour (timide) sur Amnesiac, avec des titres comme Knives Out par exemple, Radiohead continue d’expérimenter sur ce successeur de Kid A paru en 2001. Les deux disques réunis, dans le copieux coffret anniversaire Kid A Mnesia, en montrent toute la cohérence en tant que diptyque. En effet, on comprend que le besoin de changement, d’ouverture à de nouveaux arrangements, electro, jazz ou plus acoustique, a permis à Radiohead de livrer deux disques vraiment « différents » sur la période 2000-2001.
Kid A Mnesia : Radiohead libère les ondes
Comme Pink Floyd passant du rock psychédélique au planant (justement par l’utilisation de synthétiseurs), ou les Beatles à l’époque du White Album, Radiohead a saisi l’occasion d’explorer plutôt que de se répéter. Tel Bowie, capable de tout bouleverser d’un album à l’autre, les garçons d’Oxfordshire subvertissent en fait la pop de l’intérieur : après la starification, ils profitaient de leur notoriété pour ouvrir le rock indé à d’autres horizons.
Croisant les influences du rock planant allemand et de l’electro façon Warp Records, sans oublier le free-jazz, le diptyque Kid A-Amnesiac a donc eu le mérite de décloisonner la pop et de montrer d’intéressantes passerelles entre les styles. De LCD Soundsystem à MGMT, d’Hot Chip à Glass Animals, de The XX à Grimes, nombreux sont les artistes à avoir exploité, au cours des années suivantes, le mélange déjà à l’œuvre sur Kid A et Amnesiac pour emmener la pop vers des territoires inexplorés.