Un roman bouleversant où l’émotion affleure à chaque page de ce pavé qui en compte 672, pourtant nimbé d’une lumière auréolant la puissance de l’amitié nourrie par un appétit d’aimer et de vivre à fleur de peau. Les Optimistes de Rebecca Makkai en poche chez 10/18. Êtes-vous prêt pour cette lecture inoubliable ?
Un roman bouleversant où l’émotion affleure à chaque page de ce pavé qui en compte 672, pourtant nimbé d’une lumière auréolant la puissance de l’amitié nourrie par un appétit d’aimer et de vivre à fleur de peau. Les Optimistes de Rebecca Makkai en poche chez 10/18. Êtes-vous prêt pour cette lecture inoubliable ?
Les aléas de la vie nous imposent parfois de faire une pause. Heureusement ceux-ci n’ont pas entamé ma passion de lire, ni de partager avec vous mes coups de cœur littéraires.
Aujourd’hui, pour mon retour dans ma librairie à la Fnac Parly 2 et sur Conseil des Libraires Fnac, j’avais envie de vous parler d’un livre qui ne pourra vous laisser indifférent, tant ses personnages attachants alliés à leur histoire tragique néanmoins marqués des sceaux de la vitalité et de l’espoir risquent de vous marquer durablement.
Nous sommes dans une époque pas si lointaine, les années 80, à Chicago, qui va subir en quelques années, une épidémie des plus terribles et foudroyantes de notre histoire récente. Le SIDA contamine le monde, et la nature de sa transmission, principalement sexuelle, en fera un vecteur d’injustices et de cruauté jusque-là encore inégalé.
C’est cette histoire poignante et irrésistible que traite admirablement ce roman, et dont je tenais absolument à vous parler.
Mon coup de cœur de libraire :
1985, dans la banlieue de Chicago, un groupe d’amis enterre l’un des siens. Enterré, pas tout à fait, car ils n’ont pas droit d’assister à la cérémonie officielle. La famille ne reconnaît pas leur existence, comme elle n’a pas reconnue la maladie de leur fils, l’hospitalisant dans un établissement pas même adapté aux soins qui auraient dû lui être administrés. Nico vient de mourir du Sida. Ses amis organisent une grande fête en son honneur pour contrecarrer leur éviction du cercle intime qu’ils n’avaient pourtant pas à prouver. C’est le premier d’entre eux à partir. Ce ne ne sera pas le dernier. La sœur de Nico, Fiona, les soutient et préfère rester avec eux qu’assister à la cérémonie hypocrite de ses parents.
2015, nous retrouvons la même Fiona dans l’avion qui l’emmène à Paris, où elle espère retrouver sa fille dont elle n’a plus de nouvelles depuis qu’elle s’est faite embrigadée dans un mouvement sectaire, et dont certains indices porteraient à croire qu’elle pourrait être en France. Elle rejoint l’un des survivants de ce groupe d’amis qui doit l’héberger, photographe amateur à l’époque, aujourd’hui mondialement reconnu pour son talent artistique. Elle va bientôt se retrouver dans la capitale au cœur de la tourmente, ravagée par les attentats que l’on connaît.
Par cette alternance de points de vue, le ton est très vite donné sur les difficultés de vivre et d’exister à trente ans d’intervalle. Entre la maladie et le terrorisme, les menaces prennent des atours différents, et si la partie sur les années 1980 occupe une place nettement plus importante dans le livre, sa réverbération à une période plus actuelle offre une sorte de miroir grossissant sur les tragédies qui les traversent, mais aussi sur les espoirs qui les élèvent.
L’amitié, bien plus forte que les liens familiaux, tient le haut du pavé dans cette fresque bouillonnante d’émotions sincères qui n’ont pas besoin d’être accentuées.
L’art et la beauté transmis à travers des œuvres d’art oubliées, ainsi que l’œil du photographe pourraient aussi être des dénominateurs communs de la lumière d’espoir qui transperce ce roman, jusqu’à faire revivre certains personnages et nous faire espérer que non, il ne va rien leur arriver.
Yale Tishman est le personnage central du livre. C’est autour de lui que gravite sa bande d’amis, avec son compagnon Charlie, militant très actif de la cause gay. C’est tout une époque qui revit dans ses longs flash-backs. Une époque de liberté fauchée par une épidémie dont tout le monde se moque au départ et pendant de trop longues années. Suffisamment longtemps pour faire un carnage.
Le procès est sans équivoque sur l’administration américaine nouvellement élue, celle de Reagan, libérale économiquement mais ouvertement conservatrice sur le plan des mœurs, tranchant les budgets santé, fermant des lits et bloquant toute recherche contre cette nouvelle maladie qui semble n’être qu’un « cancer gay », que ceux-ci auraient bien mérité. C’est une époque où il paraît normal, légitime et même légal, grâce au « gay panic defense » d’agresser quelqu’un du même sexe que vous si vous pensez que celle ou celui-ci vous a dragué.
Mais l’intensité qui émane de ce roman et lui donne sa puissance émotionnelle provient essentiellement de ses personnages. Rebecca Makkai ne sacrifie en rien son propos politique, tragique mais aussi lumineux en fouillant les personnalités de tous ses protagonistes. Certains se révéleront en effet moins vertueux qu’ils n’en paraissent, quand d’autres refusent l’idée même de cette maladie comme le fait de se faire tester croyant à un complot du gouvernement pour les contrôler et les mettre à l’index.
Et pourtant… même si on connaît la vérité, on ne peut s’empêcher de les suivre et d’attendre, anxieux, de savoir quel sort leur sera réservé.
Des survivants il y en en aura heureusement, mais plus fort que tout, c’est cette humanité avec ses failles et sa recherche de beauté et d’espoir d’un monde meilleur qui restera envers et contre tout.
« C’est la différence entre optimisme et naïveté. Personne dans cette pièce n’est naïf. Les gens naïfs n’ont pas encore connu de véritables difficultés, alors ils pensent que cela ne pourra jamais leur arriver. Les optimistes ont déjà traversé des épreuves. Et nous continuons à nous lever le matin, parce que nous croyons pouvoir empêcher que cela se produise à nouveau. Ou alors nous nous forçons à y croire. »
L’espérance, peut-être la plus belle définition de l’optimisme, celle qui luit dans ce roman que l’on n’oublie pas.
Paru en 2020 aux éditions Les Escales, il est désormais disponible en poche chez 10/18.
Couronné de succès autant critique que public dans le monde entier, Les Optimistes vient d’obtenir le Prix des Libraires 10/18, auquel je suis fier d’avoir participé et contribué !
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Parution le 14 janvier 2021 – 672 pages
Les Optimistes, Rebecca Makkai (10/18) sur Fnac.com
Traduit de l’américain par Caroline Bouet
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Retrouvez tous les épisodes du Journal d’un libraire : #journal d’un libraire * Sébastien est libraire à la Fnac de Parly 2 rayon fiction, spécialisé en littérature française. Il participe depuis plusieurs années au prix du Roman Fnac et écrit des chroniques sur son blog Fnac.com