Cette année, on célèbre le 25e anniversaire de la sortie de Wannabe, le tube qui a révélé les Spice Girls. Un classique indémodable d’un des plus grands groupes de fille de l’Histoire. Mais le phénomène girls band ne date pas des années 1990. Il y a eu un avant et un après Spice Girls. Des Suprêmes à la K-Pop, retour sur ces groupes au féminin qui ont révolutionné la musique, entre fun, sexy et revendications féministes.
La genèse des groupes au féminin
Comme nombre de phénomènes, les origines des girls bands se trouvent outre-Atlantique. Dès les années 1940. Les hommes sont partis au front, mais il faut bien que l’on continue de chanter, de danser et d’espérer. Place aux femmes donc, avec un trio considéré comme le tout premier girl band de l’Histoire, les Andrew Sisters. Les trois sœurs Andrews revêtaient l’uniforme avec glamour pour apporter, autant aux militaires qu’aux classes ouvrières, un moment de grâce version jazz et boogie-woogie.
Elles ont interprété leurs titres désormais surannés jusqu’à la fin des années 1960, même si entre temps, elles ont été remplacées et supplantées. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Chordettes ont en effet fait leur apparition. Un quartet cette fois, s’inscrivant dans le mouvement folk et adeptes de l’harmonie vocale. Elles classent nombre de titres au sommet des charts, tels Mr Sandman, Lollipop ou encore Born to Be With You avant de se séparer en 1965.
Les hommes revenus du front, le monde de la musique redevient essentiellement masculin. On ne jure plus que pour Elvis Presley, les Beatles, les Rolling Stones ou les Jackson Five. C’est pourtant à cette époque que débarquent The Primettes qui accèderont au rang de stars en changeant de nom pour The Supremes. Icônes de la Motown Records, Mary Wilson, Florence Ballard et Diana Ross vont très vite faire danser l’Amérique tout entière. Tant et si bien qu’à ce jour, elles demeurent le groupe féminin qui a vendu le plus de disques dans le monde, derrière les Spice Girls.
Stop ! In the Name of Love, Where Did Our Love Go, Baby Love ou encore You Keep Me Hangin’On, sont quelques-uns des nombreux hits qui ont permis aux Supremes de dépasser leurs homologues masculins. Avant que la leader Diana Ross n’éclipse rapidement ses comparses et ne prenne son envol en solo avec succès. Un classique pour tout bon groupe musical qui se respecte. Une histoire d’ailleurs romancée dans le film Dreamgirls avec une certaine Beyoncé Knowles, qui fit une « Diana Ross » à son tour lorsqu’elle quitta les Destiny’s Child.
Les groupes féminins entrent dans la légende
Pour autant les girls bands – qui ne prennent pas encore ce nom – sont de plus en plus légion, grâce à la voix ouverte par leurs prédécesseurs. Et chacun se spécialise dans un domaine bien particulier. Labelle succède ainsi aux Supremes dans les années 1970 et fait bouger les dancefloors au son de leur Lady Marmalade avant de poser en couverture du magazine Rolling Stone.
The Bangles et leur Walk Like An Egyptien prend possession de la pop américaine au début des années 1980, bientôt suivies par Bananarama. The Runaways investissent la scène punk rock et les Salt n’Pepa, celle du monde fermé et testostéroné du rap. Du côté du R&B, le groupe En Vogue apparaît dans les années 1990 comme les descendantes directes des Labelle et Supremes.
Ces groupes signent de nombreux succès, se font connaître dans le monde entier et se révèlent encore davantage sur scène. La carte du sexy n’a pas encore fait son apparition, même si chaque groupe joue avec les codes de la sensualité à sa manière. Tout est progressivement mis en place pour les groupes féminins à venir qui eux, vont prendre le pouvoir. Et donner au nom de « girls bands » toutes ses dimensions.
L’apogée des girls bands
Dans les années 1980, les femmes investissent davantage la sphère musicale, grâce à des têtes d’affiche comme Cindy Lauper, Mariah Carey, Whitney Houston ou Madonna. Suivant leur exemple, au milieu des années 1990, plusieurs groupes féminins anglo-saxons vont se former. Certains sont composés d’amies intimes qui chantent déjà ensemble, d’autres sont créés ex-nihilo, au gré de castings plus ou moins heureux. Désormais, il ne suffit plus de savoir chanter, il faut en plus être belles et danser. La voix compte autant que le corps en mouvement.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, berceaux des tendances du moment, on est en train d’activer plusieurs machines à tubes (et à cash) en même temps. Du côté de l’Oncle Sam, on dégaine les TLC, entre pop et R&B. Elles jouent la carte du sexy, tout en revendiquant la libération de la femme. Elles sont concurrencées par les Destiny’s Child, tout en cheveux, chorégraphies, tenues courtes et refrains imparables. Ce dernier groupe révèle donc Michelle Williams, Kelly Rowland et Beyoncé Knowles, donnant à leur Survivor une force féministe qui emporte tout sur son passage. Jusqu’à faire de Beyoncé la superstar que l’on sait.
Au Royaume-Uni, on n’a pas dit son dernier mot. Certes les Destiny’s Child sont devenues le groupe référence depuis le début des années 1990, mais il est une vague de pop anglaise que personne n’a vu venir. Il suffira d’un seul mot pour faire la différence : « Yo ». Comme une sorte de provocation lancé non seulement à l’homme, mais aussi à leurs futures rivales. Les Spice Girls se font donc connaître en 1996 au grand public par cette interpellation, premier mot de leur tube Wannabe. Une pop imparable, des harmonies léchées et des paroles peuplées de punchlines. Les cinq chanteuses viennent de conquérir le monde en moins de trois minutes. Et plus rien ne sera comme avant, ou presque. Cet hymne féministe, ironique, festif se vend à plus de sept millions d’exemplaires et 25 ans plus tard, il continue de mettre l’ambiance dans la moindre fête. Anniversaire, mariage, pique-nique… Wannabe est certain de surgir à un moment ou un autre.
Les Spice Girls, reines des charts
Melanie Brown, Emma Bunton, Mélanie Chisholm, Victoria Adams (et bientôt Mme Beckham) et Geri Halliwell qui ne se connaissaient pas encore quelque temps auparavant, sont désormais des stars. Chacune a sa propre identité, son look, sa tessiture, son personnage. Entre femmes fatales et femmes-enfants, elles affirment leur sexualité, leur pouvoir sur les hommes, tout en donnant une image positive. Leur premier album, Spice, se vend à plus de 23 millions d’exemplaires, chacune de leurs chansons est un succès mondial, on parle de Spicemania entre records battus et merchandising. Elles sont partout : sur des T-Shirts, des mugs, au cinéma (avec Spice World, le film), à la télévision, dans des publicités et sur scène. Rien ne semble pouvoir les arrêter, même les groupes concurrents tels les All Saints.
Mais à la manière des Supremes ou des Destiny’s Child, quand le succès va trop loin, trop fort, trop vite, le public se détourne peu à peu et le groupe se fissure. Cela commence par le départ de Geri Halliwell en 1998, avant que chacune ne se lance en solo, avec plus ou moins de bonheur. Voire arrêtent la musique tout court, comme Victoria Beckham devenue styliste et femme de footballeur paparazzée. Malgré tout, le groupe ne sombre pas dans l’oubli : leur Greatest Hits est un succès et elles font régulièrement des tournées (à quatre). Et cette année, Wannabe ressort en K7 et en vinyle.
Les girls bands à travers le monde
Si le phénomène des boys bands a beaucoup essaimé, c’est un peu moins le cas concernant les girls bands. En France, par exemple, il y a eu pléthores de groupes masculins choisis par casting pour émoustiller les jeunes filles en fleurs avec leurs chansons pop et sucrées. Mais l’inverse fut moins vrai. Seul girl band franco-français a avoir réussi à percer pendant quelques années, les L5, formé lors de la première saison de l’émission Popstars sur M6 en 2001. Si aujourd’hui elles se sont transformées en New L5 après le départ de deux membres historiques, elles ont tout de même vendu plus de quatre millions de disques, notamment grâce aux tubes Toutes les femmes de ta vie ou Une étincelle.
Sur le continent asiatique, ce n’est pas la même chanson. Là-bas, les groupes féminins qui chantent et dansent sont légion, grâce au succès interplanétaire des Destiny’s Child et des Spice Girls. Surtout ces dernières d’ailleurs, à l’imagerie colorée, parfois humoristique et infantile et totalement décomplexée. Les Japonaises s’y sont totalement reconnues et on parle désormais de J-Pop, englobant à la fois les boys et girls bands. Des groupes qui s’inspirent du son pop-rock anglo-saxon et de la musique nippone des années 1970. Il existe des centaines de girls-bands japonais comme GEM, Passpo, Pink Lady (qui a existé entre 1976 et 2017, suivant toutes les influences de la musique occidentale) ou Sphere. Certains ont disparu rapidement des radars, le temps d’un unique tube ou album, d’autres continuent de coexister ensemble dans un marché saturé, en remaniement constant.
Les girls-band d’aujourd’hui : l’avenir est dans la K-pop ?
La plupart des girls-bands anglo-saxons se sont séparés. Ou se reforment le temps d’une tournée, d’un album-anniversaire. Les fans sont nostalgiques de cette belle époque où ces stars évoluaient ensemble, en trio, quartet ou quintet. Certains soutiennent la carrière solo de ces artistes qu’ils ont vu grandir, d’autres se sont détournés d’elles pour passer à autre chose. Dans une société où le girl power est de plus en plus affirmé, comme l’annonçaient déjà les Spice Girls, TLC et Destiny’s Child, quel avenir pour les girls bands sans avoir à jouer la carte du sexy et de la provocation ?
Il est peut-être encore en Asie, avec le phénomène K-pop qui fascine le monde entier. La pop de Corée du Sud s’exporte vitesse grand V et les plus grandes salles d’Europe, du Moyen Orient et des États-Unis s’arrachent ces nouvelles stars aux valeurs positives et à l’univers acidulé. Les BTS trônent en maîtres depuis 2017. Et du côté des femmes, après les Girl’s Generation qui leur ont ouvert la voie d’une carrière internationale, les Blackpink ne sont pas en reste, réussissant à se classer sur le podium des charts américains. Le salut des girls bands est là. C’est un éternel recommencement. Après tout, des Andrew Sisters aux Blackpink, qu’est-ce qui a changé ? Le plaisir de divertir les foules en musique est toujours le même.