Critique

Les impatientes, Djaïli Amadou Amal : quand le droit divin fait mal

14 décembre 2020
Par Anastasia
Les impatientes, Djaïli Amadou Amal : quand le droit divin fait mal

Parce que la condition des femmes au Sahel est loin d’être la nôtre aujourd’hui. Parce qu’il existe encore des inégalités à combattre. Parce qu’il est nécessaire d’avoir une voix qui porte haut et une arme tonnante. Parce qu’il faut lire Les impatientes, pas seulement pour son prix (Goncourt des Lycéens 2020) mais pour ce qu’il est : le commencement d’une bataille actée du sceau de l’espoir.

Les-ImpatientesMunyal, mes filles !

Dans patience, il y a silence.

Les femmes doivent être reconnaissantes, pudiques, discrètes. Ne rien dire, ne rien demander. Accepter.

Accepter les abus dans le couple dont celui du viol conjugal, sujet bien présent mais tabou.

« Que jamais vos parents ne sachent ce qui est désagréable dans votre foyer, gardez secret vos conflits conjugaux. »


Au cours de la lecture nous vivons le douloureux viol d’Hindou qui nage dans son sang, le corps couvert d’hématones. Malheureusement pour elle, il n’y a rien à dire car du droit du mari découle le droit divin, justifiant à lui seul tous les actes brutaux.

« Ce n’est pas un crime ! C’est un acte légitime ! Le devoir conjugal. (…) Ce n’est pas un viol. C’est une preuve d’amour. (…) D’ailleurs, qui a osé évoquer le mot “viol” ? Le viol n’existe pas dans le mariage.»

Si elle s’était laissée faire, elle ne se serait pas retrouvée dans cet état. En criant et se débattant, Hindou n’avait fait que rendre honteuse sa famille ! Une femme devait être discrète. N’est-ce pas ce qu’avait dit son père et ses oncles avant de l’offrir à cet homme ?

« Quel manque de courage, de munyal ! Quel manque de semteende, de retenue ! »

Dans patience, il y a soumission.

Si la fille n’appartient plus au père, elle appartient à l’époux… Son seul moyen pour elle d’être une femme accomplie.

Ramla en fait les frais après avoir dit au revoir à ses rêves tandis qu’Hindou se laisse tomber peu à peu dans la dépression et que Safira subit les douleurs de la polygamie.

La condition de la femme au Sahel

Les violences faites aux femmes sont multiples, pouvant être de l’ordre physique et psychologique. Dans Les impatientes, Dajïli Amadou Amal narre le destin de trois femmes (Ramla, Hindou et Safira) au Sahel. Trois femmes qui vont subir leur condition féminine dans un pays où la femme n’est pas l’instruite, la commandante, la décisionnaire mais la soumise, la troisième ou la première, l’esclave.

D’ailleurs, après la litanie d’un « munyal » répété tout au long du livre, vient celui d’une énumération glaçante qui rappelle à la future mariée sa place :

« Soyez soumise à votre époux. Soyez pour lui une esclave et il vous sera captif. Ne soyez pas bavardes. Qu’il ne s’affame jamais à cause de votre paresse, de votre mauvaise humeur ou encore à cause de votre mauvaise cuisine. »


Là-bas, un mariage réussi ne se nourrit pas d’amour mais d’honneur, de responsabilité et de religion ; il « se compte sur le nombre de parures en or ».

Là-bas, une femme heureuse n’est pas une femme indépendante mais une femme qui fait des « voyages à la Mecque et à Dubaï », accouche de nombreux enfants et décore son intérieur avec soin.

La vraie vie de Ramla, Hindou et Safira n’est malheureusement pas la nôtre, devant trouver dans leurs silences le moyen de supporter leurs vies.

Alors que le mariage bat son plein, que tout n’est que bruit, danse et chant, nous entendons, dans la prière de Ramla, le cri de détresse de ces femmes qui n’ont comme seul droit que celui de se taire :

« Sauvez-moi, je vous en supplie, on me vole mon bonheur et ma jeunesse ! (…) On m’impose une vie dont je ne veux pas. (…) Sauvez-moi, je vous en supplie, on m’arrache mes rêves, mes espoirs. On me dérobe ma vie. »

Parution le 4 septembre 2020 – 252 pages

Les impatientes, Djaïli Amadou Amal (Emmanuelle Collas) sur Fnac.com

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