Entretien

Entretien avec Nicolas Michaux : spleen, love & rock’n’roll

23 octobre 2020
Par Julien D.
Entretien avec Nicolas Michaux : spleen, love & rock'n'roll

Même si vous n’avez jamais mis les pieds à Liège, sa ville natale, vous avez peut-être croisé la route de Nicolas Michaux il y a quatre ans sur « A la vie, A la mort », un premier album solo d’une maturité musicale sans égale. Le deuxième round, « Amour Colère » sort ces jours-ci et boxe toujours dans la même catégorie, entre mélancolie pop, rock polyglotte et songwriting sans bavures. Nos questions, ses réponses : c’est par là !

Même si vous n’avez jamais mis les pieds à Liège, sa ville natale, vous avez peut-être croisé un jour la route de Nicolas Michaux sur album ou sur scène. Faisant suite à un premier album d’une maturité musicale sans égale, le deuxième round Amour Colère sort ces jours-ci et boxe toujours dans la même catégorie, entre mélancolie pop, rock polyglotte et songwriting sans bavures. Nos questions, ses réponses : c’est par ici !

Nicolas Michaux, nouveau prince du rock belge

En 2016, on était tombé sous le charme de ce touche-à-tout venu de chez nos voisins belges. Son album A La Vie, à La mort s’était d’ailleurs vu récompensé d’un chouette succès critique même si on peut regretter qu’il ait eu du mal à trouver un public plus large que le cercle des convertis, convaincus d’avoir trouvé en lui un songwritter aussi délicat que talentueux.

Amour-Colere

Ces jours-ci parait son second disque, Amour Colère. Un 10 titres qui poursuit l’œuvre solo amorcée quatre ans auparavant par ce musicien érudit, doté d’un sens de la mélodie pop au top et qui possède toute la panoplie et les ressources pour rivaliser avec les cadors de l’indie rock international. Pour l’occasion et pour Fnac.com, Nicolas Michaux s’est prêté au jeu d’une « petite » interview qui nous en apprend un peu plus sur sa démarche artistique, son parcours, le rock made in Belgique et sur Amour Colère, sa nouvelle partition que l’on vous conseille grandement de vous procurer si ce n’est déjà fait.

Amour Colère est disponible en CD et en Vinyle.

8 questions à Nicolas Michaux

Fnac : En France, public et industrie musicale aiment bien les étiquettes. Laquelle ou lesquelles collerai(ent)t le mieux à votre univers, à ce nouvel album ?

Nicolas Michaux : Alors il se trouve que personnellement, je n’aime pas trop les étiquettes. Peut-être parce que je ne suis pas français et que je ne travaille pas dans l’industrie musicale. Je pense qu’il y a un point à partir duquel résumer c’est mentir. Mais prêtons-nous au jeu malgré tout : on pourrait dire que j’évolue dans les parages de l’indie rock. 

Depuis quelques années maintenant, la Belgique est un formidable pourvoyeur de groupes, de chanteurs, chanteuses, musiciens, musiciennes qui jouissent d’une excellente réputation auprès du public français. Comment expliquez-vous la richesse et la singularité des différentes scènes musicales (rock, rap, chanson, pop…) pour un si petit pays ?

N.M : Il est vrai que la Belgique est devenue un pays assez dynamique culturellement. A mon avis, le phénomène que tu décris peut s’expliquer par au moins trois éléments :

– C’est un petit pays certes, mais un pays très densément peuplé. Sur un relativement petit périmètre, on retrouve un grand nombre de villes habitées notamment par des jeunes : Bruxelles, Liège, Charleroi, Gand, Anvers, Tournai… et interconnectées entre elles. 

– Je dirais que la Belgique est le carrefour de l’Europe et Bruxelles est une ville sans hégémonie culturelle ou en tous les cas avec une hégémonie culturelle limitée. On y parle plusieurs langues (français, néerlandais, anglais et arabe) et chaque communauté peut vivre librement comme elle l’entend. Ca fait que Bruxelles est peut-être plus malléable et moins figée dans une identité culturelle que d’autres capitales.

– Enfin et surtout, la Belgique reste un pays relativement bon marché comparé à d’autres régions et villes alentours. Des villes comme Liège ou Charleroi connaissent la crise depuis les années 70 et les loyers y sont très abordables. Or pour que les scènes musicales puissent éclore, il faut, on le sait, que les grandes villes abritent encore les artistes, les vagabonds, les anarchistes… et pas seulement les familles bourgeoises. 

Concevez-vous vos albums seul, en totale autonomie dans votre studio ou entouré d’une équipe complète (production, musiciens, réalisateurs, arrangeurs…) ?

N.M : Chaque album a son histoire et son processus créatif. Mon premier album A la vie A la mort était le résultat d’un processus personnel et collectif. J’avais commencé l’album seul mais l’avait achevé avec l’aide précieuse d’un producteur, Julien Rauïs et d’un certain nombre de musiciens talentueux : Clément Nourry, Ted Clark, Morgan Vigilante, Rodriguez Vangama… Cette fois pour Amour Colère, j’ai décidé de fonctionner autrement, je voulais enregistrer un maximum moi-même à la maison. Je voulais faire un disque domestique. C’est pour ça que je l’ai enregistré à Samsø où j’ai vécu les deux dernières années et que je l’ai enregistré quasiment seul. Je joue de tous les instruments sauf de la batterie et du vibraphone. Cela étant dit, je suis un homme de collectif et je suis impliqué dans la vie du label Capitane Records qui sort ce disque et ceux de mes amis et collègues. Je pense dans le fond qu’on a tous besoin de cet équilibre entre solitude et aventures collectives. Le disque a été mixé de main de maître par Remy Lebbos au Rare Sound Studio. 

nicola michaux photo promo 1

Vous publiez vos albums au format physique (CD & Vinyle), comment vivez-vous et appréhendez-vous la dématérialisation constante de la musique ?

N.M : La musique a toujours été immatérielle en un sens. Avant l’invention de l’enregistrement, la prestation musicale était éphémère, vivante et non reproductible. Quand la possibilité d’enregistrer est devenue réalité et que les disques sont apparus, cela a soulevé énormément d’oppositions, certaines personnes voyaient cela comme une attaque aux fondements même de l’art musical. 

Mais malgré tout, la musique enregistrée l’a emporté et un marché du disque s’est créé avec le succès que l’on sait. Aujourd’hui, cela se fait par streaming plutôt que via des objets, il y a du pour et du contre. Mais je ne vois pas ça comme un événement historique majeur. Selon moi, ce ne sont que des détails de consommation. Mais je peux me tromper. 

Sur un plan plus personnel, je suis attaché à l’objet simplement parce que c’est le rapport que ma génération a développé avec la musique. J’aime le format vinyle et suis attaché à la forme album. Je me vis comme un artisan. Je fais des disques, des albums, j’essaie qu’ils soient les plus beaux et les plus vrais possibles. J’ai parfois l’impression d’être un maréchal ferrant. Un artisan spécialisé d’un métier presqu’oublié.

Si une forme de mélancolie, de spleen, habite souvent vos chansons, on retrouve en filigrane des sonorités particulièrement joyeuses (guitares en mode afro, basses funk, reflets soul et des claviers parfois tres groovy …). Une explication ?

N.M : Belle analyse. Ce doit être un mélange de pudeur et une espèce de pulsion de vie. J’ai grandi dans les années 90 dans une région post-industrielle. Ma génération et celle de mon frère ont grandi sur les débris d’un monde devenu fou. Nous étions déjà fracassés avant que quoi que ce soit ne commence pour nous. Cela explique la noirceur et la dureté de certains de mes textes. Mais pour moi la musique a toujours été un échappatoire, un appel vers un autre monde plus pur, plus coloré et moins oppressant. J’ai besoin de cet air-là, sinon j’étouffe. La joie présente dans ma musique vient de ça je pense. Gamin, j’écoutais plutôt les Beatles que Nirvana

L’utilisation alternative du français et de l’anglais : un choix pour l’exportation de vos albums, une posture indie-rock revendiquée ou une simple envie personnelle ?


N.M : Plutôt la troisième solution. J’essaie de rester dans l’instinct sur ces questions. Je suis francophone de naissance, je partage mon temps entre la Belgique et le Danemark, j’ai une vie très européenne où je suis amené à interagir avec des gens d’horizons culturels très différents. Comme tout le monde, je suis fait de pleins de choses. Nous sommes tou(te)s devenu(e)s des créoles. Pour le moment, chanter dans ma langue natale ainsi que dans la koinè mondiale me semble à la fois correspondre à ma réalité et avoir du sens.

Nicolas MichauxVous vivez une bonne partie de l’année sur une petite île du Danemark. Comment l’insularité influence t-elle votre travail de musicien, d’artiste ?


N.M :  Je pense que Samsø et la relative solitude dans laquelle j’ai vécu là-bas pour faire le disque m’ont permis d’augmenter les niveaux de concentration sur mon travail. J’ai enregistré l’album en plein hiver quand le soleil se lève timidement vers 10h et se couche déjà vers 15h. C’était comme une plongée parallèle à la fois en moi et dans la musique. Plus généralement, l’île est très belle mais elle est aussi dure et elle invite à l’humilité et au dépouillement. Je pense que si l’album est si nu, c’est sans doute en partie pour cela. Il n’y a pas moyen de faire semblant ou de faire le malin là-bas. Le vent froid, les longs hivers et la mer ne sont pas dupes. 

Y avait-il un disquaire (une Fnac ?) dans la ville où vous avez grandi qui aurait contribué à cette solide culture musicale que vous semblez posséder ?


N.M : Bien sûr, pendant des années mon argent de poche partait en grande partie en achats de disques à la Fnac de Liège, place Saint-Lambert.

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Article rédigé par
Julien D.
Julien D.
Disquaire à la Fnac Montparnasse
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