Comment deux entreprises japonaises de construction de jouets et de manèges pour enfants sont devenues une entité unique qui s’est imposée comme l’une des meilleures entreprises de jeux vidéo à travers le monde ? Retour sur l’incroyable transformation de Bandai et de Namco, qui possèdent aujourd’hui plus de jeux vidéo que n’importe quel autre éditeur dans le monde entier.
L’histoire de Bandai
À l’origine, la société Bandai est créée en 1950 en tant que petit constructeur de jouets de l’époque : les voitures en métal. Elle évolue au cours des années 1970 avec l’arrivée des jouets en plastiques, qui formera son succès jusqu’à aujourd’hui avec la construction des jouets en plastique assemblables du type « Do-It-Yourself ». Un choix peu couteux et donc très rentable.
Toujours dans les années 70, Bandai obtient les droits de construction de jouets des grosses licences Tokusatsu, un terme qui définit les productions utilisant des effets spéciaux et une esthétique particulière comme Ultraman, Super Sentai (Power Rangers en occident plus tard) ou encore Kamen Rider.
Dans les années 80, le nombre de produits licenciés s’est élargi en sécurisant les droits pour des mangas tels que Dragon Ball Z, Saint Seiya : Les Chevaliers du Zodiaque, Ken le Survivant et bien d’autres. Et Bandai a même réussi à obtenir les droits pour Godzilla et surtout les robots Gundam, qui se déclineront sous un nombre incalculable de jouets encore aujourd’hui.
Il faudra attendre 1979, alors que l’ensemble des sorties s’inspirent de la sortie la plus populaire de l’époque, Pong, pour que Bandai sorte la Bandai Super Vision 8000 qui fait partie de la 2ème génération de consoles : les joueurs peuvent enfin choisir les jeux qu’ils veulent grâce aux cartouches au lieu d’acheter une console avec un jeu unique.
Cette console était donc en concurrence avec l’Atari 2600 mais elle n’a pas duré très longtemps : seulement 7 jeux ont été commercialisés durant ses 3 années de vie. Mais cela n’a pas arrêté Bandai dans la production vidéo-ludique puisqu’en 1985, ils ont produit un jeu inspiré du manga Kinnikuman (Muscleman) pour la NES/Famicon, afin de faire de la promotion des jouets qu’ils vendaient sur la même licence.
Dans les années 90, Bandai a tenté de revenir sur le marché des consoles en développant 3 consoles en 5 années : Playdia en 1994, la Pippin en partenariat avec Apple en 1996 et, la plus connue des trois, la Wonderswan en 1999. Cette dernière console est la première vraie console portable qu’ils ont sorti. Le design a été créé par la même personne qui a créé celui de la GameBoy : Gunpei Yokoi. Malheureusement pour Bandai, Yokoi ne pouvait pas mieux faire que ce qu’il avait déjà fait pour Nintendo.
Malgré cela, Bandai n’a pas eu que des mauvaises nouvelles. En 1993, les Super Sentai se sont exportés en Occident sous le nom de Power Rangers grâce à Haim Saban et c’est Bandai qui a obtenu les droits de construction des jouets. Et en 1994, leur succès reprend vers l’Est avec le rachat de Sunrise, le studio d’animation qui a animé les séries Gundam. Avec ce rachat, la franchise Gundam appartient à 100% à Bandai.
À partir de ce moment, Bandai a continué à développer de nouveaux jouets et à se renouveler constamment dans le monde de l’animation avec le lancement d’une division média (Bandai Visual) pour distribuer des animés japonais et des films. Les jouets ont évolué et donné naissance à une nouvelle ère avec les compagnons : les Tamagotchi naissent en 1996, un succès mondial qui va être bien exploité et même utilisé pour lancer la franchise Digimon qui part du même concept : un compagnon virtuel.
Et même après ça, Bandai a réussi à sécuriser des droits pour des licences à fort succès comme Ben 10, l’une des vedettes de la chaîne Cartoon Network. Le seul marché sur lequel Bandai n’était pas encore vraiment placé, ou « bien » placé, restait celui des jeux vidéo et c’est pour cela que la future acquisition de Namco prend tout son sens.
L’histoire de Namco
En 1955, l’entreprise Nakamura Manufacturing est créée et devient Namco en 1977. Le nom original est toujours présent puisque Namco est donc l’acronyme de Nakamura Manufacturing Corporation. À ses débuts, l’entreprise vendait des manèges pour enfants et des chevaux mécaniques à bascule pour les grands magasins.
Même si leur travail a continué dans cette construction de produits, notamment avec des produits de l’univers Disney, Namco s’est diversifié en développant le simulateur de conduite Racer en 1970 qui est devenu son premier succès dans l’industrie du logiciel.
Et c’est à partir de là que Namco s’est concentré sur la partie développement et plus sur la partie jeu vidéo : en 1978, Gee Bee est leur première sortie sur borne d’arcade. Et dans les deux années qui ont suivi, Namco aura développé 8 nouveaux jeux dont le plus populaire s’appelle Galaxian. Inspiré du célèbre Space Invaders, c’est une version améliorée qui challenge plus le joueur puisque les vaisseaux ennemis ont des vitesses de déplacement variables, donc moins prévisibles, et peuvent se déplacer en petits groupes, donc plus difficiles à gérer.
C’est en 1980 que la poule aux œufs d’or est trouvée avec la création de Pac-Man. C’est l’explosion de popularité pour l’entreprise qui continue sur sa lancée avec des sorties comme Galaga, Dig Dug, Xevious, Pole Position et plein d’autres… Un succès qui a permis à Namco de survivre au « krach du jeu vidéo de 1983 ». Dès que le marché s’est stabilisé, des jeux pour ordinateur et consoles de salon au Japon ont été commercialisés sous le nom Namcot (qui sera gardé pendant une dizaine d’années).
En 1993, l’actualité de la marque est assez chargée avec une fusion de ses opérations aux Etats-Unis (Namco Operations, Inc. devient donc Namco Cybertainment, Inc.) suite au rachat d’une chaîne de salles d’arcade pour s’imposer comme un géant du milieu de l’arcade dans le monde entier dans les années qui ont suivi. Dans les années 2000, Namco possède plus de 30 000 jeux et dépasse tous les autres distributeurs.
Retour sur l’année 1993 qui ne s’est pas terminée avec cette fusion d’une partie des opérations. Une nouvelle ère s’est lancée pour l’entreprise avec le lancement du jeu Ridge Racer sur Arcade, un jeu de conduite avec des graphismes 3D. Cette nouvelle ère a commencé sur Arcade, mais 1994 a aussi vu la création de la première console PlayStation (plus tard déclinée en PS One). Une sortie qui a permis aux prochains titres Namco de dominer le marché du jeu vidéo, surtout en termes de 3D à l’époque, avec Ace Combat, Soul Calibur (anciennement Soul Edge), la franchise des jeux Tales Of et bien sûr, le très célèbre Tekken.
Fusion des deux entreprises
Tout s’est déroulé en 2005, avec une date importante dans l’histoire de Namco. À l’aube de leur 50ème anniversaire, Namco avait annoncé en février leur intention de fusionner avec Bandai pour former une holding. C’est en septembre 2005 que la fusion a vraiment pris effet.
Bandai a donc racheté Namco pour la petite somme de 1,7 milliard de dollars. Avec ce rachat, Bandai est devenu l’actionnaire majoritaire avec 57%, Namco conservant les 43% restants. Ils vont donc devenir Namco Bandai Holdings, la troisième plus grande entité de jeux vidéo au Japon et septième dans le monde. Les deux entreprises dévoilent dans un communiqué commun que les raisons de cette fusion sont « la baisse du taux de natalité et les avancées technologiques au Japon » et aussi pour « augmenter leur pertinence auprès des nouvelles audiences ».
Jusqu’au 31 mars 2006, les deux entreprises nipponnes fonctionnaient de manière indépendante avant que les opérations jeux vidéo soient fusionnées pour devenir Namco Bandai Games. Banpresto, la marque de jouets qui appartenait partiellement à Bandai depuis 1989, est devenu une filière à part entière de la nouvelle entité. Et en 2008, la branche jeux vidéo de Banpresto a été absorbéé par Namco Bandai Games.
En janvier 2014, l’entreprise devient Bandai Namco Games afin d’uniformiser les différentes appellations qui ont été choisies à travers le monde. Et en décembre 2014, la société mère annonce que la branche jeux vidéo allait être renommée Bandai Namco Entertainment (BNE) à partir du 1er avril 2015.
Depuis 1998, Namco avait déposé un brevet qui rendait l’expérience de jeu un peu plus originale (et beaucoup moins pour les concurrents). Plusieurs titres de Namco, et de Bandai Namco par extension, intègrent des mini-jeux classiques d’arcade puis des jeux originaux lors des écrans de chargement. Les temps de chargement étaient toujours très longs… Cela permettait donc de rendre l’attente plus agréable et de garder le joueur « frais » pour continuer à jouer. Malheureusement pour Namco, ce brevet a expiré en 2015 (17 ans plus tard), mais jusqu’à aujourd’hui, très peu de jeux s’y sont mis…
BNE s’est imposé via ses différentes activités comme un acteur majeur de l’animation japonaise en produisant les différents produits dérivés des meilleurs animés de ces dernières décennies, mais ce n’est pas tout ce que l’entreprise fait. Entre le développement de jeux indépendants (Little Nightmares) et les partenariats bien choisis comme Spike Chunsoft (Dananronpa, Pokémon Donjon Mystère, Jump Force) ou même Nintendo (Super Smash Bros sur Wii U et 3DS ou encore Mario Kart), la liste des jeux sur lesquels sont nom apparaît n’arrête pas de grandir, pour toucher toutes les cibles. From Software (Dark Souls) et CD Projekt Red (The Witcher 3 : Wild Hunt) sont probablement deux des plus grands partenariats qui marquent les dernières années pour Bandai Namco Entertainment.
En septembre 2020, BNE a annoncé l’acquisition du développeur canadien de jeux vidéo Reflector Entertainment, lancé en 2016 et qui développe le jeu récemment annoncé Unknown 9 : Awakening parmi les sorties prévues pour la PlayStation 5. Ce rachat s’inscrit dans la stratégie de développement de son contenu à 50% en dehors du Japon.
Pour l’instant, l’ensemble de ses franchises les plus populaires sont japonaises et les sorties récentes continuent de porter la marque comme Dragon Ball Z : Kakarot, Naruto to Boruto : Shinobi Striker, One Piece Pirate Warriors 4, Tekken 7, Digimon Survive, One Punch Man : A Hero Nobody Knows, My Hero Academia: One’s Justice 2, Tales of Arise et Elden Ring.
Si vous n’aimez pas leurs animes, vous risquez d’aimer leurs produits dérivés. Et si vous n’aimez pas leurs produits dérivés, vous risquez d’aimer leurs jeux. La route a été longue pour Bandai Namco mais chaque achat ou fusion aura servi à agrandir cet empire qui est maintenant l’une des plus grandes entreprises dans le monde du divertissement.
Les titres majeurs de Bandai Namco
Dragon Ball
Sur pratiquement toutes les consoles, Bandai Namco aura apporté l’un des mangas les plus populaires à travers le monde entier avec des studios de développement comme Dimps (les premiers jeux Budokai et les deux jeux Xenoverse), Spike (les jeux Budokai Tenkaichi ainsi que l’ensemble des sorties suivantes comme Raging Blast) ou encore Arc System Works (des jeux sur consoles portables et le plus récent FighterZ).
Naruto
S’il y a bien un manga qui a trouvé le style parfait en jeu vidéo, c’est la saga des jeux Ultimate Ninja Storm, développée par CyberConnect2 et couronnée par l’excellent Ultimate Ninja Storm 4 qui offrait la conclusion à l’anime Naruto Shippuden.
Tekken
Née pratiquement avec la PlayStation, la franchise de jeux de combat lui a toujours été très fidèle, jusqu’à Tekken 7 sorti sur PS4. Namco a toujours sorti ses jeux Tekken sur les consoles Sony environ 1 ou 2 ans après leur sortie sur les bornes d’arcade japonaises, avec plus tard un accès sur PC et Xbox. La licence se renouvelle sans cesse avec de nouveaux modes qui débarquent à chaque nouvel opus comme le mode Bowling.
Darks Souls
Considérée comme la suite spirituelle de Demon’s Souls, cette trilogie s’est intégrée à part entière dans le line-up des jeux majeurs de Bandai Namco. La franchise est réputée pour sa difficulté élevée et son univers très bien travaillé. Dark Souls III est même devenu la meilleure vente de l’éditeur à son lancement.
Successeur de la série Dark Souls, Elden Ring a été adulé par la critique alors que le jeu était à peine sorti. Déjà considéré comme le meilleur jeu de l’histoire, Elden Ring bat tous les records pour le démarrage d’un jeu.