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Madame de Merteuil, la perverse libérée

27 mai 2020
Par Béatrice
Madame de Merteuil, la perverse libérée

Grande libertine de la littérature française, l’héroïne des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos étonne par son art de la manipulation. Jugée immorale lors de la parution du livre en 1782, elle n’a rien perdu de son piquant aujourd’hui. Et nous séduit toujours par sa liberté de ton et sa soif de puissance, en duo avec le cynique Vicomte de Valmont.

Pierre-Ambroise-Francois-Choderlos-De-Laclos-Les-liaisons-dangereusesLes Liaisons dangereuses : les humains comme des pions

C’est d’abord une histoire de vengeance. La marquise de Merteuil a une dent contre le Comte de Gercourt. Celui-ci doit justement épouser Cécile de Volanges, une jeune fille de quinze ans tout juste sortie de son couvent. Il n’en faut pas plus à la Merteuil pour imaginer un scénario de revanche : elle charge son ancien amant, Valmont, de séduire la naïve demoiselle, avant de l’expédier à son futur mari. Qu’importe si la blonde Cécile y perd en passant sa réputation et ses chances de bonheur. Car Merteuil n’a pas peur d’appliquer les froids raisonnements du Prince de Machiavel pour obtenir ce qu’elle veut.

Roman épistolaire, Les Liaisons dangereuses nous expose sa stratégie, en filigrane de missives bien tournées. Lettre après lettre, c’est comme une partie d’échecs qui se joue sous nos yeux, avec pour enjeu la probité d’une candide jeune fille.

La marquise de Merteuil : veuve, donc libre

Choderlos de Laclos la décrit comme très belle. Elle a d’ailleurs été incarnée à l’écran par des actrices aussi splendides que Jeanne Moreau, Glenn Close, Sarah Michelle Gellar et Catherine Deneuve.

Tour à tour blonde et brune, elle affiche une plastique et une élégance parfaites. De cette beauté, elle fait son arme dans un combat choisi dès l’adolescence : celui de la liberté. Maîtresse de ses émotions comme de son langage corporel, elle s’interdit tout sentiment amoureux. Seul compte l’empire qu’elle parvient à prendre sur les hommes et le plaisir qu’elle en tire.

Devenue veuve, elle bénéficie des droits supplémentaires que la société accorde à ces femmes : commence alors pour elle une brillante (et discrète) carrière de manipulatrice. Où elle rejoint les grandes figures de dominatrices de la littérature que sont Carmen, Lady Macbeth, ou encore Scarlett O’Hara.

Carmen     Macbeth     Autant-en-emporte-le-vent

Merteuil : féministe… ou dangereuse ?

Anticonformiste, indépendante et libre. Serait-elle donc féministe ? C’est bien possible. Elle raconte avoir très tôt refusé « le silence et l’inaction » que l’époque impose aux femmes. Mieux encore : elle assume et revendique son plaisir. Voilà qui la rend particulièrement moderne.

Ce serait parfait si elle ne se livrait pas à une apologie du viol : lorsque Valmont peine à obtenir les faveurs d’une femme dite « prude », elle lui explique qu’une « attaque vive et bien faite » plaît souvent à celles qui hésitent. Inacceptable.

Voilà donc que le lecteur contemporain, comme celui du XVIIIe siècle, se prend à l’exécrer et à souhaiter sa chute. Qu’il se rassure : prisonnière de ses vices, elle finit par tomber de son trône. Choderlos de Laclos sait rassurer son lecteur, qu’il soit ancien ou moderne.

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