Critique

« Le pays des autres » de Leïla Slimani : un Maroc amer

18 mai 2021
Par Melanie C.
« Le pays des autres » de Leïla Slimani : un Maroc amer

Après le triomphe de Chanson douce, qui l’a propulsée dans le cercle restreint des auteurs qui comptent, Leïla Slimani est de retour avec un troisième roman ouvrant une trilogie à venir. Saga familiale et fresque historique, Le Pays des autres souligne une nouvelle facette du talent de la jeune lauréate du Goncourt 2016. A retrouver en poche dès à présent !

Le-pays-des-autresDébut d’une trilogie

Prix Goncourt adapté au cinéma et best-seller traduit dans le monde entier, Chanson douce a révélé Leïla Slimani. Devenue ambassadrice de la Francophonie et personnalité aux multiples engagements, elle quitte, avec son troisième roman, les intérieurs parisiens pour gagner les espaces rocailleux du Rif marocain.

Premier volet d’une trilogie, Le pays des autres s’inspire de son histoire familiale, notamment celles de ses grands-parents maternels, pour dresser un tableau contrasté de la décolonisation, rétablir la complexité de son pays d’origine, affirmer ses positions féministes et questionner son rapport aux origines.

Décolonisation désenchantée

Couvrant une décennie de l’histoire marocaine de l’après-guerre, Le pays des autres débute en 1944 par la rencontre de Mathilde, une française Alsacienne, et d’Amine, un Marocain engagé dans l’armée française. Mariés à la Libération, les époux s’installent au Maroc dans la ferme familiale des plateaux arides du Rif. Commence alors une vie rurale d’une grande rudesse où la violence du déracinement, du patriarcat, de la ségrégation coloniale et de la décolonisation, vont fracasser les rêves du couple.

À partir de là, Leïla Slimani orchestre la perte cruelle des illusions d’un marocain qui s’imaginait un avenir prospère et radieux dans son pays et le désenchantement d’une française piégée par le carcan du déterminisme culturel. Deux êtres en perdition, privés de l’avenir ensoleillé qu’ils s’étaient promis, devenant malgré eux et au gré des mouvements de l’Histoire marocaine de misérables fermiers minés par leurs contradictions.

Le pays des autres

Avec ce roman choral et personnel, Leïla Slimani introduit une sensibilité inédite au style limpide et efficace qui la caractérise. En chargeant d’émotion son évocation du Maroc des années 50, elle dessine sur cette toile de fond la complexité d’un pays tenaillé entre le poids de sa culture, un nationalisme indépendantiste naissant et une volonté d’émancipation sociale, notamment dans l’éducation des femmes. En multipliant les points de vue, elle met en lumière le ressentiment des colonisés marocains envers l’ingratitude d’un pays qu’ils idéalisaient et l’arrogance indécente des colons français.

Féministe revendiquée, l’autrice porte une attention particulière à Mathilde, femme française élevée dans l’esprit de la France coloniale puis exilée dans un Maroc soumis à d’immuables traditions rétrogrades que son époux ne remettra jamais en cause.

Pour Leïla Slimani, Le pays des autres devient alors une prison dont on ne s’échappe pas.

Parution le 6 mai 2021 – 416 pages

Le pays des autres, Leïla Slimani (Gallimard) sur Fnac.com

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Melanie C.
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