Critique

Tenir jusqu’à l’aube : Maman en perdition

23 mai 2020
Par Melanie C.
Tenir jusqu'à l'aube : Maman en perdition

Sixième roman d’une artiste plasticienne devenue romancière, Tenir jusqu’à l’aube plonge dans les failles d’une mère célibataire aimante mais autodestructrice. Avec empathie mais sans mièvrerie, Carole Fives nous raconte l’enfer intérieur d’une jeune femme dramatiquement douée pour le malheur.

Tenir-jusqu-a-l-aubeEros et Thanatos


Fidèle à sa réputation de fine observatrice de la place de la femme au sein de la cellule familiale et de la maternité en particulier, Carole Fives se penche cette fois sur le cas d’une fille-mère – une « solo » – en pleine crise. Elle dresse le portrait saisissant d’une jeune femme totalement dévouée à un fils qu’elle aime par-dessus tout, mais qu’elle ne peut s’empêcher d’abandonner, jusqu’à l’irréparable. Excessive et radicale dans l’avant – le roman débute alors qu’elle vient de vivre deux années en quasi autarcie avec son enfant -, comme dans l’après, quand vient la prise de conscience fatale qui la pousse à brûler la chandelle par les deux bouts, elle prend le risque de se perdre pour se sauver. Mais la raison lui est étrangère. Rongée par la douleur de ce qu’elle est et aveuglée par la nécessité de larguer les amarres pour vivre des rêves qui ne sont peut-être que des chimères, la maman n’a d’autre issue que de fuir de plus en plus loin de cet adorable petit garçon qu’elle abandonne à son sommeil et qu’elle considère malgré elle comme sa pulsion de vie comme de mort.

Rédemption tragique


Chronique douce-amère, Tenir jusqu’à l’aube se distingue par son style vivace et une précision clinique pour entrer avec pudeur dans l’intimité de cette jeune adulte décidée (quoi qu’il en coûte) de s’évader de la prison maternelle qu’elle s’est elle-même créée. Avec une grande tendresse pour son héroïne, que l’on pourrait pourtant facilement ranger dans la catégorie des mauvaises mères, Carole Fives nous raconte le cauchemar d’une femme en perdition, commandée par une impérieuse légèreté à la fois rédemptrice et autodestructrice.

À ce titre la référence récurrente à la fable de La Chèvre de Monsieur Seguin que la maman raconte sans cesse à l’enfant qu’elle délaisse, résonne comme une métaphore inquiétante. Comme si elle savait d’avance qu’il lui faudra tenir jusqu’à l’aube pour que l’histoire finisse… mal.

Parution le 16 août 2018 – 192 pages

Tenir jusqu’à l’aube, Carole Fives (Gallimard) sur Fnac.com

Article rédigé par
Melanie C.
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