Décryptage

Qui était le « Père Castor » ? Petite histoire d’une collection devenue culte

08 février 2020
Par Anna
Qui était le « Père Castor » ? Petite histoire d’une collection devenue culte

« Roule galette » et « Poule rousse », entre autres albums du père Castor, ont rejoint notre patrimoine mondial. Mais pourquoi ces livres jeunesse sont-ils devenus des classiques ?

Père Castor, raconte-nous une histoire…

Pour comprendre ce que représente la collection Père Castor pour la littérature jeunesse et pour ses jeunes lecteurs, il faut d’abord remonter aux origines de l’histoire.

C’est en 1931 que la collection voit le jour, au sein des éditions Flammarion, dans un contexte de renouveau éditorial. Entre-deux guerres, la littérature jeunesse telle que nous la connaissons se développe. Déjà, en 1919, la publication de Macao et Cosmage ou l’Expérience du bonheur d’Edy Legrand bousculait les normes de la littérature moralisatrice et religieuse qui prévalait jusqu’alors. L’album moderne sera pensé pour les enfants et fera la part belle aux images. Et Père Castor pourra être célébré comme l’égérie d’un genre nouveau.

La collection privilégie d’abord des albums très concrets, qui s’appuient sur des activités manuelles. Les deux premiers albums publiés sont des livres-jeux illustrés par Nathalie ParainJe fais mes masques et Je découpe.

Je fais mes masques, Nathalie Parain (1931)

Je fais mes masques       Je fais mes masques    

La collection se diversifie ensuite et présente des images du quotidien, élaborées à partir d’une observation précise de la nature. C’est une forme de « poésie du réel » qui est revendiquée à travers ces dessins qui, aujourd’hui, nous paraissent délicieusement vintage…  

Michka, écrit par Marie Colmont et illustré par Feodor Rojankovski (1941)

Michka

Les albums du Père Castor continuent ensuite de se décliner en différentes collections (albums de contes, histoires vraies, théâtre…) et rencontrent un succès grandissant. Parmi eux, certains sont devenus des classiques et sont encore réédités aujourd’hui, d’autres sont tombés dans l’oubli. 

Paul Faucher, l’éditeur pédagogue

Mais qui se cache derrière le « Père Castor » ? Celui que l’on finira par surnommer d’après le personnage qu’il a inventé, c’est Paul Faucher, un éditeur passionné par les théories de la nouvelle éducation en vogue à l’époque. Ces théories, soutenues par les observations de psychologues, proposent de revoir les méthodes d’éducation traditionnelles en s’appuyant sur une meilleure connaissance de l’enfant. Paul Faucher se montre très tôt intéressé par ces réflexions, alors qu’il travaille en tant que libraire chez Flammarion.

Surtout, le déclic vient de sa rencontre avec Frantisek Bakulé, un instituteur tchèque qui applique dans sa classe de nouvelles méthodes pédagogiques. Après avoir hésité entre les métiers d’éducateur et d’éditeur, Paul Faucher décide finalement de mettre en œuvre ses convictions à travers l’édition de livres pédagogiques.

« C’est parce qu’ils apportent des jeux constructifs aux enfants que ces albums furent placés sous le signe d’un animal voué d’instinct à la construction : le castor », expliquait-il au sujet de la collection du Père Castor.

Les albums sont conçus entièrement dans l’idée de favoriser l’autonomie de l’enfant, qui devient constructeur de sa personnalité et de ses savoirs grâce à un apprentissage ludique. Et rien n’est laissé au hasard : avant parution, les livres sont testés auprès des enfants, en présence d’une pédagogue qui prend en note ce qu’ils ne comprennent pas. Paul Faucher finira même par ouvrir, en 1947, une école du Père Castor.

Des artistes venus de toute l’Europe

La collection du Père Castor est donc une initiative pédagogique… mais si elle a traversé le temps, c’est aussi parce qu’elle est un régal pour les yeux !

Il faut dire que Paul Faucher a su s’entourer : dès la création de la collection, des artistes viennent de toute l’Europe pour illustrer les albums du Père Castor. « L’école russe » en particulier, influence beaucoup la ligne graphique de la collection. On y retrouve son goût pour les couleurs vives, pour la peinture plutôt que l’illustration, et pour les compositions géométriques.

Nathalie Parain-Tchelpanova, illustre les premiers albums, et son ami Rojankovsky, peintre animalier, s’occupe de la collection « Roman des bêtes » (dont l’auteure est la tchèque Lida Durdikova, épouse de Paul Faucher).

Panache l’Écureuil, écrit par Lida Durdikova et illustré par Feodor Rojankovski (1934)

panache

  

De nouvelles pages s’écrivent

Après la mort de Paul Faucher en 1967, la collection poursuit son chemin. D’ailleurs, ce que nous en retenons le mieux aujourd’hui, c’est probablement son adaptation télévisée, Les Histoires du père Castor, dont le générique a trotté dans la tête de nombreux enfants depuis sa première diffusion en 1993… 

Mais l’actualité du Père Castor, c’est aussi l’inscription de son fonds au registre « Mémoires du Monde » de l’Unesco. Dessins originaux, notes de l’éditeur, dossiers de fabrication, courriers d’enfants, essais d’albums : quelques 500 boîtes d’archives conservées à la Médiathèque du Père Castor à Meuzac (Haute-Vienne) rejoindront ce programme qui recense le patrimoine documentaire du monde entier… au côté de l’appel du 18 juin ou de la Déclaration des droits de l’homme, excusez du peu ! Le Père Castor a encore beaucoup d’histoires à nous raconter…

Visuel d’illustration : Rojan / Belvès

Article rédigé par
Anna
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