
Pour public averti – Au sein du manga d’horreur, se niche le sous-genre de l’ero guro, pour « érotique-grotesque » ou horreur érotique. L’ero guro mêle des éléments d’épouvante, de gore et de sexe plus ou moins explicites, jouant avec les tabous et les frontières du bon goût. Ce genre vise à titiller le lecteur, en explorant des situations où l’érotisme rencontre la violence et la peur. Plongez dans l’univers de l’ero guro avec 3 auteurs contemporains du genre : Hanawa, Mazuo, et Kago.
Pour public averti – Au sein du manga d’horreur, se niche le sous-genre de l’ero guro, pour « érotique-grotesque » ou horreur érotique. L’ero guro mêle des éléments d’épouvante, de gore et de sexe plus ou moins explicites, jouant avec les tabous et les frontières du bon goût. Ce genre vise à titiller le lecteur, en explorant des situations où l’érotisme rencontre la violence et la peur. Curieux ? Plongez dans l’univers de l’ero guro avec 3 auteurs contemporains du genre : Hanawa, Mazuo et Kago.
Une brève histoire de l’ero guro
Plus souvent appelé « ero guro », le genre de l’ero guro nansensu est un mouvement artistique et littéraire apparu dans les années 1930 dans la littérature japonaise. Les œuvres qui en font partie incorporent à l’érotisme des éléments grotesques et sinistres. La pornographie et la violence sanglante ne suffisent pas à définir le genre, et ne figurent pas automatiquement dans les œuvres. Après la Seconde Guerre mondiale, l’ero guro se répand dans d’autres milieux artistiques, dont la musique, le manga, le théâtre et le cinéma.
Selon les auteurs, le genre trouve son inspiration chez divers précurseurs comme le marquis de Sade et certains surréalistes (dont Georges Bataille). D’autres détectent ses racines dès les ukiyo-e, des estampes gravées sur bois, surtout dans la catégorie du shunga (art érotique) et du fantastique, qui ont atteint leur apogée durant l’ère Edo (1603 à 1867). Ces illustrations représentent des scènes érotiques, des créatures mythologiques, mais aussi des événements violents de l’Histoire japonaise, comme des décapitations ou mutilations.
Les mangakas les plus connus du genre sont : Hajime Yamano, Go Nagai, Jun Hayami, Toshio Maeda, Henmaru Machino, Horihone Saizo, Waita Uziga.
Nous allons en évoquer trois principaux, du plus ancien au plus jeune : Kazuichi Hanawa, Suehiro Maruo et Shintaro Kago.
Kazuichi HANAWA, le prisonnier
Influencé par Yoshiharu Tsuge, Kazuichi Hanawa commence à publier des mangas au début des années 1970 dans des magazines spécialisés comme Garo, puis SM Select. Parmi ses contextes historiques préférés, il affectionne le Moyen-âge japonais (Contes du Japon d’autrefois), et la période Edo, mais également les histoires sur le bouddhisme et les légendes de créatures imaginaires (Tensui, l’eau céleste).
Son dessin très fin, la cruauté des intrigues et ses touches d’absurdité ont suscité des comparaisons avec Suehiro Maruo. Au milieu de sa carrière, il est arrêté pour détention illégale d’armes à feu et condamné à 3 ans de prison. Il fait le récit de cette expérience avec Dans la prison, qui lui valut d’être nommé à Angoulême en 2007.
La Demeure de la chair, publiée en 2013 chez Le Lézard Noir, regroupe plusieurs de ses premières œuvres, méconnues en France, telles que les mangas éponymes :
– Le Sein maudit,
– La Bête maudite,
– Le Rouge et la Nuit,
– Le Chasseur,
– La Vengeance de la femme lézard,
– La Truie,
– Le Grenier en terre,
– Histoires de monstres japonais, 1 à 6.
Ces mangas reprennent des thèmes obsédants pour Hanawa, comme le karma, la malédiction et les femmes mauvaises.
Les histoires du recueil partagent les mêmes éléments d’ero guro : profusion de sang, folie, scatologie, et sado-masochisme.
Illustrations © Le Lézard Noir
Suehiro MARUO, l’artiste colérique
Après avoir dessiné pour des revues porno, Suehiro Maruo fait son début officiel de mangaka dans la revue Garo en 1980. En plus de ses mangas, il est reconnu au Japon en tant qu’artiste, ayant illustré des affiches, pochettes de disque, magazines, romans, etc.
Parmi ses inspirations, on retrouve les ukiyo-e, surtout ceux de Yoshitoshi, qui décrivent des scènes de tortures et de meurtres. Il lui rend hommage avec Kazuichi Hanawa dans le recueil Bloody Ukiyo-e. Pour cette raison, son œuvre manga est souvent comparée à des muzan-e contemporains (un sous-genre de l’ukiyo-e consacré à la violence et aux mutilations historiques). Maruo est également inspiré par le mouvement surréaliste occidental, incorporant des clins d’œil à Luis Buñuel, Tod Browning, Otto Dix ou Georges Bataille dans ses œuvres.
À partir de 2005, la plus grande partie de son œuvre est publiée en France chez Le Lézard Noir : Yume no Q-Saku, Lunatic Lover’s, Vampyre, La Chenille, DDT, L’Enfer en bouteille, et Le Monstre au teint de rose. Une de ses œuvres les plus connues, La Jeune fille aux camélias, est publiée chez IMHO, et a été adaptée en anime en 1992. Il a également adapté en bande dessinée un roman du Edgar Allen Poe japonais, Ranpo Edogawa : L’île panorama (Casterman).
Parmi ses sujets de prédilection, on retrouve souvent des personnages difformes ou handicapés, les curiosités et monstres, la violence extrême, le viol, l’abus et maltraitance des enfants, la scatologie.
Son style graphique moderne, avec une utilisation caractéristique du rouge, peut évoquer tour à tour le collage, les images de propagande, et le cinéma, dont l’influence se ressent également dans la construction narrative et les choix de cadres. De plus, Maruo représente volontiers des scènes explicites qui se rapprochent de la pornographie.
Illustrations © Le Lézard Noir
Shintaro KAGO, l’expérimental
Ce mangaka de la « paranoïa chic » a débuté dans le magazine Comic Box en 1988, et se rapproche plus du genre pur guro, en incorporant parfois des éléments érotiques. Réalisateur de courts métrages expérimentaux, il collabore avec d’autres artistes du cinéma et de la musique.
Shintaro Kago adopte souvent un ton ironique dans ses mangas, qui traitent de sexe violent, de folie, de modification du corps et de scatologie, témoignant d’un goût prononcé pour le grotesque. Il a également écrit des mangas de science-fiction (non guro), publiés dans Weekly Young Jump, dans un genre hybride de fantastico-horrifique.
Depuis 2010, l’éditeur IMHO publie ses œuvres comme Anamorphosis, Fraction, deux Carnets de massacre, L’Extase de la chair à canon, ou La Grande invasion mongole.
Le « one-shot » Fraction illustre à merveille cette envie d’expérimenter avec la forme traditionnelle du manga et de détourner les codes de l’ero guro. Kago crée une mise en abyme du récit, en se mettant lui-même en scène. En effet, une éditrice rend visite à Shintaro Kago, réputé dans le genre de l’ero guro, mais qui a envie de passer à autre chose. S’engage alors une conversation entre eux, où le mangaka lui explique la manipulation du lecteur par les choix de cadrage. En parallèle, un autre récit raconte les meurtres en série de jeunes filles dans la ville de Kôtarô. On soupçonne un jeune employé de café, hanté par son frère disparu. Sauf que rien n’est ce qu’il paraît, et de rebondissement en rebondissement, les deux histoires vont se rejoindre de manière surprenante.
Illustrations © éditions IMHO