Surtout actif pendant les années 1980-1990, Junji Ito reste l’un des maîtres incontestés du manga d’horreur. Son œuvre, aussi dérangée qu’élégante, continue de passionner les amateurs d’épouvante grâce à des intrigues inventives et à un dessin horriblement détaillé. Portrait d’un mangaka hors du commun.
Un jeune homme mordu d’horreur
Après avoir gagné un concours de manga, Junji Ito laisse tomber sa carrière naissante de dentiste pour se consacrer entièrement au dessin. Adepte du format de l’histoire courte, il développe des thèmes angoissants, tous plus étranges les uns que les autres.
À terme, ses talents lui obtiennent une juste reconnaissance du public et de la critique, souvent considéré comme le « maître de l’épouvante » dans l’univers du manga.
Junji Ito s’est dit influencé par Kazuo Umezu et par l’univers de Howard Phillips Lovecraft. Capable de traiter de tous les sujets, il s’inspire des espèces inconnues, de la transformation du corps humain, des parents détraqués, et intérieurs qui prennent vie ou se décomposent.
Ses intrigues détournent des problèmes du quotidien pour en tirer une vision horrifique totalement inattendue.
Un style reconnaissable entre mille
Le style de Junji Ito évolue drastiquement au fil de son travail pour atteindre des sommets de raffinement, notamment dans ses œuvres les plus connues et abouties, Spirale et Tomie. Doté dès le départ d’une vision très cinématographique, comme en témoigne l’une de ses premières histoires, La Maison Bio (1987), dont les cases pourraient appartenir à un film d’horreur, ses premiers essais révèlent néanmoins un trait initial un peu épais, pas encore totalement stable. Lui-même dévoile qu’il a très longtemps pris de mauvaises habitudes dans sa technique de dessin.
Pourtant, il va rapidement se démarquer de ses pairs, d’abord par ses scénarios originaux, puis par son style gracieux, fouillé et de plus en plus réaliste. Hideyuki Kikuchi, un auteur connu de romans d’horreur très admirateur de Junji Ito, parle de cette « ligne d’une finesse qu’il qualifierait de morbide ». En effet, le dessin d’Ito peint à merveille la transformation horrifique dans tous ses détails sinistres.
L’œuvre de Junji Ito préservée chez Tonkam
L’éditeur Tonkam (une collection spécialisée chez Delcourt) a entrepris le noble projet de publier l’ensemble de son œuvre, dont de nombreux recueils où l’on remarque bien l’évolution du style de l’auteur.
Ils rassemblent des histoires courtes publiées à partir de la fin des années 1980. Parmi les mangas de plusieurs tomes, on peut retenir Gyo, où des « poissons-marcheurs » menacent d’envahir le Japon, et Le Journal de Soichi, centré sur un garçon renfermé et capricieux, qui a toujours des clous dans la bouche et qui pratique le vaudou sur ceux qui l’énervent.
À destination des plus grands amateurs de Junji Ito et des collectionneurs, Tonkam a récemment édité deux magnifiques intégrales de Spirale et de Tomie, où l’on retrouve des images parmi les plus emblématiques du mangaka et des illustrations en couleur.
Tomie : sur base d’éléments autobiographique…
Tomie est la série la plus longue de Junji Ito, publiée de 1987 à 2000 sur 20 épisodes, d’abord dans le Mensuel Halloween puis dans la revue Nemuki. Le premier épisode lui a valu un prix de consolation délivré par le défunt magazine Halloween, qui eut l’avantage de le faire connaître.
L’histoire est celle d’une magnifique jeune fille, assassinée par ses camarades et un professeur, atteints d’une folie collective. Elle revient sous la forme d’une créature démoniaque assoiffée de sang et de vengeance qui envoûte ses victimes et se régénère à l’infini. D’une beauté vénéneuse et d’un caractère capricieux, elle est une version horrifique de l’archétype de la femme fatale.
Junji Ito se serait inspiré d’une époque de sa jeunesse à l’ambiance toute particulière, empreinte de frustration sexuelle et de curiosité macabre. En effet, le modèle pour Tomié serait une fille de son lycée, tellement jolie qu’elle provoquait des réactions hostiles de jalousie. D’autre part, le lycée avait perdu l’un des étudiants dans un accident tragique qui plongea ses camarades dans une fascination de la mort.
Autant de faits réels qui permirent à Junji Ito d’explorer les aspects les plus sombres de l’adolescence et du désir.
Spirale : vous n’aurez pas fini d’avoir le tournis
Spirale relate la domination de Kurouzu, un village paisible sur la côte, par une figure mystérieuse de spirale. La spirale se répand partout, tel un virus, jusqu’à prendre possession des habitants…
L’histoire parut d’abord en 20 parties (18 épisodes, un chapitre final et une histoire spéciale) dans le magazine Shûkan Big Comics (ou Big Comic Spirits), entre 1998 et 2000. Le manga fut adapté au cinéma en 2000 par Higuchinsky sous le titre Uzumaki.
Cette fable horrifique est racontée par une jeune fille de Kurouzu, Kirie Goshima. La première victime de la Spirale est le père de son petit ami, tellement obsédé par cette forme qu’il finit par se tuer en s’enroulant sur lui-même. Isolée entre la mer et les montagnes, la ville devient de plus en plus angoissante, et la présence maléfique tantôt invisible, tantôt visible, oppresse les habitants.
Les victimes se succèdent rapidement, happées par l’attraction inexorable de la Spirale.
Mais les oeurves de Junji Ito ne s’arrêtent pas là. Toutes des emblêmes, elles sont aujourd’hui des représentations du genre grâce à cet auteur vu comme le maître de l’épouvante. De quoi avoir la chair de poule !
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