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[Astuce] Comment reconnaître un bon livre de Science-fiction ?

15 juillet 2015
Par Thomas
[Astuce] Comment reconnaître un bon livre de Science-fiction ?
©dr

GUIDE DE LECTURE – À chaque fois que vous passez dans votre librairie préférée, que vous consultez la rubrique « nouveautés » sur ce site, vous tombez face à un raz de marée de nouvelles publications, rééditions, intégrales… Bref, que choisir ? Comment trouver un bon livre de Science-fiction ? Cette question ne veut pas dire retour aux classiques – quoique parfois – car il sort tous les jours de sacrés bons bouquins. Allez, quelques astuces !

Ce dialogue a été retranscrit d’après une conversation entendue à un Congrès Mondial de la Grande Littérature à Bezonvaux, entre deux grands auteurs internationaux que la pudeur nous impose de ne pas nommer. Néanmoins pour faciliter la compréhension du lecteur nous les baptiserons Morpheus et C-3PO.

Extraits :

Michel C-3PO (Après une question pointue sur la notion de genre en littérature) : Alors ça, c’est un peu gros.

Michel C-3PO : C’est bien gentil, mais c’est un peu pour les geeks tout ça, non ? Moi j’aime bien Coelho, au moins c’est de la vraie littérature.

Jean-Jacques Morpheus : Vous êtes un peu vache, que faites-vous de Harry Potter ?

La Science-fiction, késako ?

Le terme Science-fiction apparaît aux États-Unis dans les années 1920 et faisait alors référence aux prospectives futuristes, aux utopies que l’on pensait possibles, à cette époque bénie du progrès scientifique et industriel. Mais bien avant ça on parlait déjà de merveilleux ou d’extraordinaire ; depuis des siècles, la littérature de l’imaginaire occupe le terrain sans distinction de genre, de L’Épopée de Gilgamesh à L’Iliade et l’Odyssée : les premiers récits écrits sont de grandes épopées mêlant chroniques historiques et paraboles imaginaires.

Mais revenons à la prospective, qui depuis les récits de Jules Verne à H.G. Wells au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, voit dans la Science-fiction l’occasion de « tester » différentes utopies – et dystopies – autant que mettre en scène, et pousser jusqu’au bout, de nombreuses expériences scientifiques réelles. Par la suite, le genre se développa énormément grâce aux pulp et se spécifia en une armée de sous-genres que l’on distingue : uchronie, cyberpunk, space opera, speculative fiction, planet opera, hard SF,…

On peut également rapprocher le Fantastique, le Merveilleux et la Fantasy de la Science-fiction, de par la proximité de leurs thèmes – et de leurs lecteurs – et de l’exclusion condescendante de ces genres de la littérature dite « blanche ». La SF est sortie des rayonnages des livres « sérieux », à l’exception d’auteurs emblématiques comme Ballard, Borgès, Bradbury, Nerval, Maupassant, Orwell ou Wilde, en dépit leur appartenance au genre. Le problème reste l’étiquette que l’on aime attribuer aux textes et aux auteurs en France, souvent au détriment de très bons écrivains qui restent à tort dans les marges de la grande histoire littéraire – et loin des mains des lecteurs.

Michel C-3PO (riant) : Littérature, littérature, je veux bien, mais ce n’est pas avec un robot ou un vampire qui court derrière une blonde en nuisette que tu vas me convaincre mon petit pote.

Jean-Jacques Morpheus : Ah ah…

Michel C-3PO : Car c’est bien beau, mais on voit bien que sur les couv’, c’est que des femmes à poil avec des épées ou des flingues qui marchent.

Jean-Jacques Morpheus (rêveur) : Ou des robots qui courent après des flingues à poils.

L’étrange esthétique des couvertures de SF

Dans l’édition, l’auteur n’a qu’un droit de regard, et sûrement pas le dernier mot, sur la partie publicitaire du livre que représentent la couverture et la quatrième de couverture. Et même parfois le titre. Ensemble, éditeur et auteur cherchent donc à faire un compromis entre le marketing, les attentes du lecteur et le point de vue de l’écrivain ; histoire de donner un livre qui donne envie d’être ouvert, manipulé, acheté et lu (enfin on espère !). Malheureusement, les temps sont durs pour l’industrie de la culture et un grand nombre d’éditeurs cède à la facilité en proposant des illustrations proches du fan service ; pour « récompenser » le lectorat fidèle et attirer fortement les regards, l’illustrateur réalise des scènes érotiques ou violentes. Pour le plaisir, replongeons-nous dans cette sélection des pires couvertures, une liste que l’on pourrait mettre à jour presque quotidiennement…

Dans la majorité des cas, la couverture se pare d’un simple cliché entretenant un vague rapport avec le thème abordé par l’auteur. En somme, la grande partie des couvertures SF est interchangeable. Néanmoins, parfois on tombe sur de belles éditions ! Avec un vrai travail de création de la part de l’illustrateur, qui a lu le texte et a réalisé un visuel spécialement pour l’occasion. D’autres fois, l’ouvrage s’accompagne de dessins, de graphismes intérieurs ou d’une mise en page particulière. La couverture moche n’est pas une fatalité !

Jean-Jacques Morpheus : J’avais remarqué, c’est pour ça que j’achète uniquement des livres approuvés par Stephen King ou Maxime Chattam.

Michel C-3PO (énergique) : Les bandeaux rouges sur les livres, ça c’est une bonne preuve.

Jean-Jacques Morpheus (docte) : Attends, ils engagent leurs noms et leur réputation, ce n’est pas rien !

Du bon usage des bandeaux promotionnels

Phrases hors contextes, citations fabriquées par le service marketing du même éditeur… Ces bandeaux pleins de « incroyable », de « le livre de la décennie », ou de « Machin livre ici son meilleur livre », permettent de rassurer, de flatter le lecteur, le piégeant dans un système du « si vous avez aimé Livre connu vous aimerez cette Daube infâme puisque l’auteur connu a aimé ».

C’est une technique (appelée fort joliment « Blurb » en jargon markerting) qui a fait ses preuves : sans avoir lu un bon livre, l’acheteur n’est pas vraiment déçu, pas vraiment content. Par contre ce qui est sûr c’est que le lecteur ne sort pas enrichi de cette expérience, alors que l’éditeur et l’auteur, si. Rien de plus mauvais donc, qu’un livre avec ce genre de bandeau ou avec la quatrième de couverture bardée de ce type de réclame – sauf rares exceptions – prenez-le comme un avertissement tacite et passez votre chemin. Préférons les quatrièmes de couverture sobres ou recherchées qui donnent un aperçu du texte, d’une préface ou un mot sur le contexte général. Ou rien, c’est pas plus mal…

Congrès Mondial de la Grande Littérature à Bezonvaux

Instagram du Congrès Mondial de la Grande Littérature à Bezonvaux devant le Goncourt


Michel C-3PO (légèrement déçu) : En fin de compte, le seul vrai critère, ce serait de savoir s’il y a une suite ? Plusieurs volumes.

Jean-Jacques Morpheus : Cela dépend de…

Michel C-3PO (il se lève d’un coup) : Comme au cinéma, si le bouquin a marché, on fait un numéro deux.

Jean-Jacques Morpheus (souriant) : Ok, ok. En gros, on en conclura que plus le livre est gros, plus j’en ai pour mon pognon quoi.

Michel C-3PO : Ah ouais pas bête.

Plus c’est gros, plus c’est… bon ?

Papier épais, typographie augmentée, marges étendues… Certains livres sont littéralement gonflés par leurs éditeurs. Une manière de proposer au lecteur un volume épais qui justifie la moyenne des 20-25 euros qu’on lui demande. Pour s’en convaincre, on peut comparer deux éditions, la version originale et la version française, dans le cas d’une traduction, ou la version grand format et la version poche ; c’est le jour et la nuit : certains textes qui paraissaient imposants sont réduits de dizaines de pages (et d’euros).

Autre phénomène, les livres bavards. Au hasard : Games of Thrones. Une saga qui déborde de bons moments, d’intrigues ficelées et de ressorts passionnants, mais où l’on perd des heures de lecture – un peu barbante – pour quelques bonnes idées. Les passages intéressants sont dilués et les intrigues taillées pour se terminer à la fin d’un volume : appelant une suite. Prévue en trois volumes à l’origine, la série qui en comporte six aujourd’hui, devrait en compter encore trois de plus. Pour l’instant…

Michel C-3PO (répond au public) : Pas de quoi s’inquiéter, il reste quand même les grands Prix ! … Récompenses je veux dire. Pas les euros.

Jean-Jacques Morpheus : Oui, du genre Palme d’Or de la SF. Ça doit exister ça, un « Tolkien d’or » ou quoi.

Michel C-3PO : Ou un « Mécha-Goncourt » !

Jean-Jacques Morpheus : Génial !

Jean-Jacques Morpheus : J’adore ce métier.

La guéguerre des prix littéraires

Il existe pas mal de prix, vous pouvez vous en convaincre en cliquant ici. Même si l’on trouve de très bons livres dans ces listes de lauréats et que l’on est rarement déçu, on croise souvent les mêmes têtes. Il arrive même fréquemment qu’un texte obtienne plusieurs prix – parfois la même année – ce qui limite le nombre de livres que vous pouvez découvrir par ce biais.

Mais les prix permettent de se faire une idée sur la qualité des ouvrages. Ils peuvent enrichir votre bibliothèque de belles découvertes. Attention, comme partout, ces prix sont aussi un filon exploité par certains éditeurs et on arrive à une profusion de distinctions pas toujours égales.

Jean-Jacques Morpheus (essayant de rétablir le calme dans la salle) : C’est bien beau de parler des libraires à tout bout de champ, comme si c’était une solution, mais qu’est-ce qui me prouve que je peux lui faire confiance à mon libraire, hein ?

Michel C-3PO : Surtout que parfois, on ne les reconnaît pas !

Michel C-3PO : S’il n’a pas de barbe ni de cheveux gras, j’imagine qu’il ne doit pas lire de la SF tous les jours le gars.

Jean-Jacques Morpheus : C’est prouvé, sans T-shirt marrant ou tatouage flippant : le libraire n’a jamais lu de SF.

Michel C-3PO : Bien dit.

Jean-Jacques Morpheus : C’est scientifique.

Michel C-3PO : Ah, ils veulent nous faire croire qu’on demanderait des renseignements à un bibliothécaire sans lunettes aussi…

Et si on demandait à son libraire ?

L’habit ne fait pas le moine, ni le geek le spécialiste. Ce cliché tenace véhiculé par pas mal de films ou de séries est surtout représentatif de la problématique des sous-genres, cliché qui aura encore du mal à être éradiqué, mais qu’importe.

À travers un conseil, on parle des livres que l’on a aimés et c’est déjà beaucoup : après l’auteur et l’éditeur, vous avez encore une nouvelle personne qui recommande ce livre et qui y croit. On reconnaît peut-être le bon libraire quand celui-ci vous propose les dernières nouveautés intéressantes, mais surtout quand il vous conseille des ouvrages de fond, des perles qui ne sont pas forcément en pile de nouveautés. Un bon libraire doit savoir s’adapter à vos envies, mais surtout avoir le courage de vous proposer quelque chose de différent, ce qui est le plus difficile puisqu’il va falloir lui faire confiance, aveuglément.

Une chose est sûre, lisez nos chroniques et coups de cœur – comparez – faites-vous une idée. Posez des questions à d’autres lecteurs, aux libraires autour de vous, même ici dans les commentaires, pour en savoir plus. Il n’y a rien de plus merveilleux que de découvrir des livres obscurs, cachés, oubliés, qui se révèlent être exactement ce que l’on a toujours voulu lire.

Jean-Jacques Morpheus : « Quand tu prends confiance en la confiance tu deviens confiant. »

Michel C-3PO : C’est de Proust ?

Jean-Jacques Morpheus : Nan, Jean-Claude Van Damme !

Michel C-3PO : Hummm.

Jean-Jacques Morpheus : Pour résumer, je fais bien d’attendre mon petit Bernard Werber annuel quoi.

Michel C-3PO : , je suis venu en Kangoo avec ma sœur, je te dépose ?



Article rédigé par
Thomas
Thomas
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