On pouvait craindre le pire à l’annonce d’une suite de Monstres & Cie : Pixar sur une mauvaise pente signant des suites faciles et bâclées après un Toy Story 3 et Cars 2 jugés plutôt opportunistes et assez moyens. Monstres Academy prouve, s’il le fallait, que Pixar demeure le plus grand studio d’animation à l’heure actuelle.
Disons le tout de go : je ne suis qu’un grand enfant aveuglé par son amour pour l’écurie Pixar. Adulant les studios au point de défendre bec et ongles chacune de leur création… et de honnir littéralement les –nombreuses- œuvres concurrentes.
Et je suis loin d’être le seul car quel studio peut se targuer d’être à ce point mondialement réputé au point que chacun de ses nouveaux films, en moyenne un par an, est attendu tel le Messie ?
Dreamworks (Shrek, Kung-Fu Panda, Madagascar…) ou Blue Sky Studios (Age de Glace, Horton, Rio…) pour ne citer que les plus prolifiques, malgré le succès de leurs franchises, ne bénéficient pourtant pas d’une telle aura. Car là où ces studios se focalisent sur la réputation de personnages récurrents plus ou moins réussis, Pixar eux ont construit leur notoriété grâce à un talent d’écriture et une technique rarement égalée. On attend le nouveau Shrek mollement d’un côté, mais l’on jubile à l’annonce d’un nouveau Pixar. La nuance est de taille.
Mais qu’est-ce qui rend ce studio si attachant à mes yeux ? (mode subjectif –ON–)
– C’est le bruit si tordant de ses volatiles dans le court-métrage « Drôles d’oiseaux sur une ligne à haute tension » (diffusé avant Monstres & Cie).
– Ce sont les quinze premières minutes de Là-haut, presque sans parole, d’une émotion rarement égalée.
– C’est Monsieur Patate qui, comme gage de sa fidélité à la vue d’un groupe de barbies se déhanchant, se répète frénétiquement : « Je suis une patate mariée ! Je suis une patate mariée ! »
– C’est le plan final de Monstres & Cie sur le visage illuminé de Sully en entendant la voix de Boo.
– C’est le cirque des insectes de Lilipuce dans 1001 Pattes.
– Ce sont ces extraterrestres à trois yeux qui répètent inlassablement « le grappin est notre maître » ou « Nous vous devons une reconnaissance éternelle ».
– C’est le regard humide du robot Wall-E fixant les étoiles dans le ciel, comme seul rêve.
– C’est une collection hilarante de court-métrages inventifs, de personnages détaillés (fussent-ils secondaires), des musiques, des génériques, des bêtisiers, des centaines de petits détails qui font la force de cette écurie.
Jusqu’au logo du groupe, la lampe Luxor, instantanément culte depuis son premier court-métrage.
Pixar c’est l’alchimie parfaite entre une technique irréprochable, une sensibilité touchante et un humour qui fait toujours mouche.
John Lasseter, fondateur de Pixar et désormais directeur de Disney (il possède également une étoile sur le Walk of Fame et siège aux Oscars), l’a toujours clamé haut et fort : « Chez Pixar, nous sommes avant tout attachés à l’histoire. Raconter une belle histoire avec des personnages solides ».
Et on aurait tendance à croire le bonhomme au vu des réussites signées Pixar : Toy Story (trois films), 1001 pattes, Monstres & Cie, Le Monde de Némo, Les Indestructibles, Cars, Ratatouille, Wall-E, Là-Haut, Cars 2, Rebelle, et depuis peu Monstres Academy.
14 longs-métrages : 7 oscars, 6 Golden Globes. Le constat est éloquent ! (Si toutefois vous en doutiez encore, je vous invite à consulter les chiffres du box-office des films Pixar, notamment la rentabilité. Hallucinant !)
Pourtant, depuis 2010, Pixar traîne un peu la patte. Mésentente et rachat par le groupe Disney, les suites sont au cœur du débat : Toy Story 3 et Cars 2 étaient loin d’égaler leurs prédécesseurs, la faute à une bataille interne entre le groupe Walt Disney d’un côté (et leur studio d’animation Circle 7 Animation) et Pixar de l’autre. Bref, un micmac juridique et financier qui se traduit par des suites inutiles mais surtout bâclées. Même si l’on retrouve avec plaisir nos personnages préférés, la magie s’en trouve fortement altérée.
Il faut attendre 2012 et Rebelle pour constater que non, Pixar n’est pas mort et enterré et est prêt à en découdre avec les nombreux concurrents qui rêvent de déboulonner les studios de leur piédestal.
Alors il y avait de quoi craindre le pire à l’annonce de ce Monstres & Cie 2 intitulé Monstres Academy. Faire une suite à l’un des films d’animation les plus créatifs et réussis de ces dix dernières années, il fallait oser. De l’appréhension face à cette suite opportuniste, mais aussi un plaisir fou à retrouver Bob et Sully, nos deux héros.
A la sortie de Monstres Academy, il n’y a plus aucun doute : Pixar a frappé fort. Très fort même ! Le film regorge d’une multitude de couleurs, de formes, d’idées, de monstres en tout genre. En un mot : on en prend plein les yeux.
Monstres Academy fait honneur à son prédécesseur qui était pourtant déjà d’une inventivité folle, et continue de développer un univers extrêmement riche et détaillé, d’une cohérence (malgré le sujet) et d’une profondeur fabuleuses.
Tous les clichés du campus sont là : les confréries avec leurs blousons et leurs soirées arrosées, les dortoirs, les pompoms girls ou les gothiques, tout ici est à la sauce Monstres & Cie. Et ça fonctionne à merveille. Très vite, on n’a qu’une seule envie : suivre les cours dans cette académie.
Le film se focalise sur Bob Razowski qui, dès son plus jeune âge, rêve de devenir une terreur : les monstres les plus terrifiants qui récoltent les cris d’enfant en les effrayant. Seul problème : il est tout sauf terrifiant. A vrai dire ici, aucun monstre ne fait réellement peur. C’est là toute la contradiction de Monstres & Compagnie : des monstres peu terrifiants font peur aux enfants qui, eux-même, les terrifient (vous suivez ?). Et les premières scènes du film avec un Bob Razowski enfant ne font que confirmer ce triste constat : Bob est trop choubidou (synonyme : mignon, trognon).
C’est à la prestigieuse université de la Terreur qu’il fera la connaissance de Jacques Sullivan alias Sully mais aussi de leur ennemi juré Leon.
Le thème récurrent du développement personnel est ici personnalisé par Bob qui, malgré ses efforts, se trouve bien incapable d’effrayer quoi que ce soit. Il trouvera alors une aide providentiel chez ses amis, et surtout chez les Oozma Kappa : une confrérie de loosers excessivement attachants.
-Une belle brochette de vainqueurs-
On retrouve bien sûr des clins d’œil et idées déjà exploitées dans le premier opus, et quelques acteurs connus au doublage : Catherine Deneuve tout d’abord qui double la terrifiante doyenne du campus Dean Hardscrabble et Jamel Debbouze pour un tout petit rôle, l’hilarant Art.
Et l’on ressort de la séance comblé, heureux, lessivé mais le sourire aux lèvres (aaaah la scène des oursins). Aucun répit, aucun temps mort, le film enchaîne les blagues à un rythme effréné sans oublier les moments plus intimes (la scène devant le lac). Même le pré-générique de fin à la Very Bad Trip est d’une limpidité évidente lorsqu’il s’agit de faire le lien avec Monstres & Cie.
Mais c’est surtout l’aspect technique de Monstres Academy qui éblouit : les textures de chaque monstre sont particulièrement réussies (la fourrure de Sully), les reflets dans les yeux (un, deux, ou une dizaine suivant le monstre) et les expressions faciales de chaque personnage, la beauté de certains plans et sa richesse… ça fourmille de détails, on ne sait plus où donner de la tête.
Monstres Academy fait honneur à son prédécesseur et offre une suite particulièrement éblouissante, drôle, émouvante. En un mot : jouissive !
Du grand Pixar ! (mode subjectif –OFF–)