Décryptage

Portrait de Carlos Ruiz Zafón, écrivain hors-frontières

12 mars 2013
Par Thomas
Portrait de Carlos Ruiz Zafón, écrivain hors-frontières
©DR

Avec Barcelone comme ville de lettres mise à l’honneur cette année au Salon du livre de Paris, impossible de ne pas saluer la venue à Paris de Carlos Ruiz Zafón. En quelques années, il est devenu l’un des auteurs européens les plus lus au monde. Après une entrée en fanfare avec la traduction française de « L’Ombre du vent » en 2004, son éditeur Robert Laffont publie en parallèle ses nouveaux romans et ses textes plus anciens.

Auteur à ce jour de sept romans, l’écrivain barcelonais, né en 1964, vit aujourd’hui en Californie. Après une carrière dans la publicité et une autre comme scénariste à Hollywood, Carlos Ruiz Zafón se lance dans un premier roman orienté jeunesse Le Prince de la brume.

Les premiers succès de ce roman l’encouragent à continuer et il en découlera une trilogie : Le Palais de minuit et les Lumières de septembre suivront. Marina, le livre suivant, se place également dans les bibliothèques des jeunes lecteurs bien qu’aujourd’hui l’auteur se défend de cataloguer ce texte : « C’est le dernier d’une série de quatre livres destinés à un lectorat de jeunes adultes. Aujourd’hui, honnêtement, je ne sais plus. Selon moi, Marina, c’est tout simplement un roman pour les gens qui aiment lire » *

Un roman et une série « young adult » qui expliqueront, en partie, pourquoi les lecteurs français attendront véritablement L’Ombre du vent pour découvrir l’écrivain barcelonais. La réédition de ses premiers romans en a surpris plus d’un. Difficile de renoncer à ce qui nous a charmés dans L’Ombre du vent, et ces ouvrages jeunesse sont des œuvres… de jeunesse. Mais les thèmes, l’ambiance et les prémices du style de l’auteur sont déjà là ; il appartient au lecteur d’y voir de bons romans, mais surtout de voir la genèse, le creuset où l’écrivain à expérimenté/cherché/trouvé ce langage qui séduit tant de lecteurs dans L’ombre du vent.

Des textes du début aux livres aboutis, L’Ombre du vent, et la trilogie dite du Cimetière des livres oubliés (avec Le Jeu de l’ange et Le Prisonnier du ciel), mettent pourtant en scène l’adolescence du narrateur, un jeune garçon passionné par les livres – par un livre. Gardant les thématiques gothiques et mystérieuses, aux limites du fantastique ; laissant les personnages avec leur passé enfoui, leurs promenades nocturnes et leurs quêtes romantiques ; Carlos Ruiz Zafón ne cesse d’explorer un monde qu’il connaît bien. Contrairement aux livres précédents (ou plus récents de par chez nous), le propos et le ton se veulent résolument plus adulte, l’écriture plus aboutie. Jusqu’au succès que l’on connait.

Invité au Salon du Livre de Paris cette année, les rencontres et les interviews de l’auteur vont se succéder, ce qui nous amène à jeter un œil à l’ensemble des entretiens que l’auteur a accordées ces dernières années et qui ont toutes un point commun : quand on aborde la question des références et des sources d’inspirations de l’auteur, nous retrouvons à chaque fois une double réponse avec les grands auteurs classiques du 19ème siècle d’une part (Dickens, Tolstoï, Dostoïevski, Balzac, Hugo, Hardy, Dumas, Flaubert) et le cinéma (par exemple : Citizen Kane , Blade Runner et la trilogie du Parrain) d’autre part.

« Mon travail en tant que scénariste a influencé ma fiction. L’écriture de scénarios vous oblige à prendre en considération de nombreux éléments concernant la structure de l’histoire et d’autres dispositifs narratifs qui peuvent être utilisés pour améliorer les exigences infiniment plus complexes d’un roman. Je crois que le roman moderne devrait essayer de retrouver la grande portée et l’ambition des classiques du 19e siècle, mais l’infusant avec tous les outils narratifs que le 20e siècle nous a laissé, à partir de l’avant-garde de, pourquoi pas, la syntaxe d’images et sons de « l’écran doré ». »**

Carlos Ruiz Zafón en tant que scénariste pour l’industrie du cinéma américain et par la culture populaire, intègre ces préoccupations à des ambiances romantiques et gothiques héritées de ses auteurs favoris du 19ème siècle.

« J’ai écrit des romans depuis dix ans qui ont assez bien réussi dans le domaine jeune adulte, mais pour celui-ci je voulais créer quelque chose de très spécial, quelque chose qui était alors tout ce que je voulais dans un livre. Alors j’ai fait ce qui pour moi était très important, qui est de prendre toute la grande ambition de tout ces romans du dix-neuvième siècle, et d’essayer de les reconstruire – les Tolstoï, les Dickens, les Wilkie Collins – mais tout cela avec les éléments narratifs que le 20e siècle nous a donné, à partir de la grammaire du cinéma, du multimédia, de la fiction en général et au-delà, pour créer une expérience de lecture beaucoup plus intense pour les lecteurs. » ***

C’est cette écriture, hybride et post-moderne, très référencée et qui emprunte ce qu’il faut aux grands romans des deux derniers siècles, tout en développant une écriture et un ton dans l’air du temps. De l’aveu de l’auteur, il y a un véritable jeu avec le lecteur autour des multiples références et niveaux de lecture dans ses textes, tout un jeu avec l’intertexte. Un syncrétisme littéraire, une métafiction réussie qui embarque le lecteur dans une expérience rassurante, familière et pourtant nouvelle à la fois.  

Plaisir de la lecture, plaisir de l’écriture – ça fait un peu mauvaise pub d’un magasin de souvenirs littéraires, je sais – en somme à la recherche du roman idéal, celui que l’auteur aurait aimé lire ****, Carlos Ruiz Zafón continue d’explorer ce monde avec le plaisir constant du conteur, entrainant les lecteurs derrière lui comme seuls savent le faire les bons les grands auteurs populaires.

On comprend mieux dès lors l’engouement des nombreux lecteurs de par le vaste monde qui attendent les prochains livres de l’auteur avec impatience. On espère aussi que sa venue en tant qu’invité d’honneur au Salon du Livre de Paris 2013 contribuera à faire découvrir son oeuvre à un nouveau public.

Un passage très intéressant sur les références de Carlos Ruiz Zafón dans ses écrits tiré du site officiel de l’auteur : http://www.carlosruizzafon.com/index.php 

Sources :

–        * Citation extraite d’un entretien sur le site québécois Chatelaine.com :  http://fr.chatelaine.com/societe/entrevues/carlos-ruiz-zafon/

–        ** Citation extraite de l’entretien accordé par l’auteur sur le site de Barnes and Noble en 2005 : http://www.barnesandnoble.com/writers/writerdetails.asp?cid=1386295#interview

« My work as a screenwriter has influenced my fiction. Writing screenplays forces you to consider many elements regarding story structure and other narrative devices that can be used to enhance the infinitely more complex demands of a novel. I believe the modern novel should try to recapture the great scope and ambition of the 19th century classics, but infusing it with all the narrative tools the 20th century has left us, from the avant-garde to, why not, the syntax of images and sounds of the golden screen.»

–        *** Citation extraite de l’entretien accordé par l’auteur au site officiel anglais : http://www.carlosruizzafon.co.uk/authorqanda.html

« I’ve been writing novels for ten years which were pretty successful in the young adult field, but for this one I wanted to create something very special, something that was all I ever wanted in a book. So what I did was take what for me is very important, which is take all the great ambition in all those nineteenth-century novels, but try to reconstruct those big novels – the Tolstoy, the Dickens, the Wilkie Collins – but try to reconstruct all of that with all the narrative elements that the twentieth century has given us, from the grammar of cinema, from multimedia, from general fiction, from everything that is out there, to create a much more intense reading experience for the readers. »

–        Site officiel de l’auteur : http://www.carlosruizzafon.com/index.php

–        Le mini-site Le Jeu de l’ange : http://www.lejeudelange.fr/

–        Le site du Salon du livre : http://www.salondulivreparis.com/ 

–        Un portrait sur le site de l’Express : http://www.lexpress.fr/culture/livre/qui-est-carlos-ruiz-zafon_785449.html

–        Une revue de presse sur le site catalan Xtec (Corpus Literari Ciutat de Barcelona) : http://www.xtec.cat/~jducros/Carlos%20Ruiz%20Zafon.html

–        Un podcast sur Zocalo public square : http://www.zocalopublicsquare.org/2010/05/24/carlos-ruiz-zafn-on-inspiration-mystery-and-women/

–        **** Selon la formule consacrée © sagesse populaire. 

Article rédigé par
Thomas
Thomas
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