Critique

Ernest et Célestine, le roman de Daniel Pennac. Un bel hommage !

25 octobre 2012
Par Mélanie
Ernest et Célestine, le roman de Daniel Pennac. Un bel hommage !
©DR

Quand Ernest et Célestine, la série créée en 1981 par Gabrielle Vincent (1928-2000), reprennent vie sous la plume de Daniel Pennac. L’auteur a écrit ce roman pour son amie Gabrielle Vincent (le pseudonyme de Monique Martin, auteure-aquarelliste-peintre belge) afin de lui rendre hommage, mais aussi pour que le public ne l’oublie pas. Cette artiste avec qui il a entretenu une belle amitié épistolaire et qu’il n’a jamais rencontré aurait pu être fière de lui car l’exercice est réussi.

Quand Ernest et Célestine, la série créée en 1981 par Gabrielle Vincent (1928-2000), reprennent vie sous la plume de Daniel Pennac, on ne peut que dire: « Merci monsieur Pennac et bravo ! » 

Ernest et Célestine Le film

Daniel Pennac a écrit ce roman pour son amie Gabrielle Vincent (le pseudonyme de Monique Martin, auteure-aquarelliste-peintre belge) afin de lui rendre hommage, mais aussi pour que le public ne l’oublie pas. Cette artiste avec qui il a entretenu une belle amitié épistolaire et qu’il n’a jamais rencontré aurait pu être fière de lui car l’exercice est réussi.

Daniel Pennac raconte une nouvelle histoire d’Ernest et Célestine donc, et voilà comment se déroule leur rencontre dans cette nouvelle version. Ici, Célestine vie dans le monde d’en bas avec les autres souris, elle travaille pour le Grand Dentiste à la Clinique Blanche. Sa mission est de récupérer le plus de dents de lait possible. Mais pour cela, elle doit se rendre chaque nuit dans le terrifiant monde d’en haut afin d’effectuer son travail… En haut, le danger est présent partout, il faut faire attention à ne pas être repéré car c’est bien connu, les ours dévorent les pauvres petites souris… Mais Célestine ne rêve que d’une chose : dessiner ! Un soir, Célestine échappe de peu à une famille d’ours l’ayant surprise chez eux. Elle s’enfuie et termine sa course bien malgré elle dans la poubelle.

Ernest quant à lui est une sorte de vagabond qui n’a qu’une envie : manger. N’ayant pas d’argent, il cherche de la nourriture dans les poubelles, c’est comme cela qu’il va tomber sur Célestine… mais les souris ont peur des ours, c’est bien connu ! Elle va donc pour lui échapper, car elle croit qu’il veut la manger, lui indiquer où trouver de bons caramels et autres confiseries, à savoir dans la cave du Roi du sucre. Ernest laisse Célestine qui se dépêche de retourner dans le monde d’en bas afin de ramener son pauvre butin : une seule dent ! Quant à Ernest, après être passé par le soupirail du magasin, il se goinfre de douceurs…

Dans ce roman, ces anti-héros prennent la parole. En effet, Ernest et Célestine dialoguent avec l’auteur pour remettre en question la façon dont s’est déroulé un évènement, ou simplement parce qu’ils ne sont pas d’accord entre eux. Par exemple, lors de leur première rencontre Célestine est persuadée qu’Ernest veut la dévorer, alors que celui-ci affirme qu’il était juste en train de bailler car il avait sommeil. L’auteur essaie de les résonner, et on notera également la présence d’un lecteur qui demande aussi des explications ou donne son avis sur ce qui vient d’être raconté.

Un code couleur pastel est reconnaissable tout au long du roman réinstaurant l’ambiance des albums de Gabrielle Vincent. Lors des discussions entre tous les protagonistes, l’association des couleurs est celle-ci : jaune moutarde pour l’auteur, vieux rose pour le lecteur, vert olive pour Ernest et bleu gris pour Célestine. Des amis d’Ernest et Célestine interviendront également afin de donner leur point de vue vers la fin du roman. Une sorte de mini intervention théâtrale. Certains dialogues sont mis en avant et apparaissent dans des espèces de phylactères ou bulles de texte de la couleur de l’intervenant. De même, tout au long du roman des silhouettes ou ombres colorées d’Ernest et Célestine peuvent apparaitre au fil des pages lors de certains dialogues, laissant planer l’ombre de Gabrielle Vincent. Tout cela contribue à rendre le récit plus vivant.

Pour en revenir à l’histoire, car je ne vais pas tout vous dévoiler, Ernest et Célestine se retrouveront chacun ayant besoin l’un de l’autre, ils se retrouveront chez Ernest et apprendront à se découvrir l’un et l’autre. Mais les bêtises faites pour s’en sortir et qu’ils ont essayé de fuir vont finir par les rattraper. Ils se retrouveront chacun devant les tribunaux. Ernest sera jugé dans le tribunal d’en bas et Célestine dans celui d’en haut. Daniel Pennac dénonce la crainte des différence, la haine, la peur de l’inconnu, de l’autre entre le monde d’en haut et celui d’en bas, une sorte de racisme ordinaire lié à la différence où la dénonciation et le jugement sont permanents. On ne peut s’empêcher ici, de penser au nazisme bien sûr. Aucune discussion n’était possible, vous étiez jugé par rapport à votre apparence et appartenance sociale (ici ours ou souris), mais rassurez-vous, tout finira bien pour les deux compagnons.

Dans ce roman Daniel Pennac rend vie aux personnages d’Ernest et Célestine sans les dénaturer. On comprend que la petite souris Célestine peut être espiègle et un peu impatiente. Quant à l’ours Ernest, il garde sa bonhomie naturelle et sa patience. Au fur et à mesure du récit, leur amitié se renforcera de plus en plus.

Le nom des chapitres est aussi très intéressant : chapitre 1 – les présentations, chapitre 13 – chapitre abominable, chapitre 14 – chapitre bien pire, chapitre 15 – chapitre un peu plus calme… Et chaque chapitre se voit comme annoté, par exemple : Chapitre 15 – chapitre un peu plus calme (Il était temps !). Les chapitres sont relativement courts ce qui permet de lire rapidement ou plus lentement selon son niveau et surtout comme dirait Daniel Pennac, selon son envie ! Le rythme aussi est très intéressant, il ajoute une pointe d’humour aux évènements contés. Un chapitre très court sera dû à une accélération dans le récit : chapitre 9 – Comment Ernest s’est fait prendre (Chapitre très court parce que ça s’est passé très vite), chapitre 10 – Comment Ernest s’est évadé (Chapitre deux fois plus long parce qu’il est deux fois plus difficile de s’évader que de se faire prendre).

Le dernier chapitre, le trente et unième est dédié à : Mon amie Gabrielle Vincent (il y a toujours une histoire avant l’histoire), où il raconte comment leur amitié a débuté. Un jour en flânant dans une librairie, il est tombé sur Un jour un chien. Un album sans textes qui racontait la journée d’un chien qu’on avait abandonné en le jetant d’une voiture. Daniel Pennac raconte: « J’en ai été si ému, les dessins étaient si beaux, que j’ai écrit à son auteur pour la remercier. Elle m’a répondu, je lui ai répondu, et, pendant très longtemps, nous nous sommes écrit. Mais jamais nous ne nous sommes vus. Ni jamais téléphoné. Une amitié épistolaire. Elle s’appelait Monique Martin ». Il ajoute également que lorsqu’il découvrit son visage après sa mort, « elle ressemblait à Célestine ! Et comme Célestine, elle dessinait de la main gauche. En fait, je crois bien que mon amie Gabrielle Vincent était Célestine ».

Tout au long de ce roman, on peut ressentir la belle âme de Gabrielle Vincent. En effet, Daniel Pennac s’est servi de certains albums d’Ernest et Célestine comme support à son travail : Ernest et Célestine vont pique-niquer, Ernest est malade… Par contre, ici, la vie de Célestine et sa rencontre avec Ernest diffère totalement de l’album la naissance de Célestine, laissant ce magnifique album et cette belle histoire la propriété exclusive de Gabrielle Vincent. Ce roman attachant et sensible est un peu la vraie fausse histoire d’Ernest et Célestine. Une belle découverte !Daniel Pennac s’est véritablement appuyé sur le travail de son amie. Ce qui frappe lorsqu’on termine ce roman c’est que l’on a véritablement l’impression d’avoir lu un album d’Ernest et Célestine. Des thèmes chers à Gabrielle Vincent sont également présents avec la musique (le violon d’Ernest) et le dessin (Célestine dessinant Ernest sur tous les supports possible).On est immergé dans son univers grâce aussi aux silhouettes pastels qui illustrent au détour de certaines pages le roman. Les albums de Gabrielle Vincent représentent des tranches de vie dont s’est inspiré Daniel Pennac pour faire revivre Ernest et Célestine dans ce roman d’aventures, où tendresse, amitié, entraide, sincérité et humour sont au rendez-vous.

 Je vous en ai déjà beaucoup dit, mais vous avez encore tant à découvrir ! Alors bonne lecture à tous !

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Article rédigé par
Mélanie
Mélanie
libraire spécialisée BD à Fnac Lyon Bellecour
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