Critique

Jurassic World : le monde d’après, l’extinction de la franchise ?

06 juin 2022
Par Lisa Muratore
Bryce Dallas Howard dans “Jurassic World : le monde d’après”.
Bryce Dallas Howard dans “Jurassic World : le monde d’après”. ©Universal Pictures

Jurassic World : le monde d’après est attendu ce mercredi 8 juin dans les salles de cinéma françaises. Un troisième volet brouillon qui précipite la franchise vers une possible extinction.

Dans Jurassic World : le monde d’après, les dinosaures font désormais partie du quotidien de l’humanité. Mais la cohabitation reste fragile. Non seulement les humains craignent quotidiennement pour leur vie, mais l’arrivée de ces espèces préhistoriques favorise plusieurs activités illégales, comme le commerce d’animaux rares, les élevages intensifs, les expériences scientifiques et le braconnage.

Alors, lorsque le bébé vélociraptor de Blue et Maisie est capturé, Owen (Chris Pratt) et Claire (Bryce Dallas Howard) n’ont pas d’autre choix que de se lancer à leur recherche, jusque dans une réserve de dinosaures aux intentions obscures.

Sam Neill reprend le rôle d’Alan Grant dans Jurassic World : le monde d’après.©Universal Pictures

Un scénario imaginé par Colin Trevorrow, de retour derrière la caméra après avoir cédé la place à Juan Antonio Bayona pour Jurassic World: Fallen Kingdom (2018). Avec ce nouveau volet, le metteur en scène a vu les choses en grand et a choisi de réunir les franchises Jurassic. Un pari alléchant qui filme la rencontre des deux univers, mais surtout le come-back du trio original dévoilé par Steven Spielberg en 1993.

Un retour (pas) historique

Aussi prometteur soit-il, force est de constater que ce choix scénaristique fait davantage office de pétard mouillé. Après le projet avorté de Star Wars dans lequel Colin Trevorrow aurait dû réunir Mark Hamill et Carrie Fisher, le réalisateur s’est lancé comme défi d’organiser les retrouvailles de Sam Neill, Laura Dern et Jeff Goldblum en les persuadant de repartir chasser les dinosaures.

Néanmoins, et bien que Jurassic World 3 ne tombe pas dans le piège du fan service gratuit – se contentant de quelques clins d’œil subtils au premier film –, la rencontre entre les deux franchises n’a pas franchement l’effet escompté. La faute, tout d’abord, à une écriture des personnages peu convaincante. La pudeur d’Alan Grant est intacte, Ellie Sattler en impose toujours autant et le mégalo Ian Malcolm n’a pas perdu de son charme. Pourtant, le côté épique, nostalgique, émouvant que l’on espérait retrouver 29 ans après leur première apparition sur grand écran n’est pas au rendez-vous.

Qui plus est, leur relation avec la franchise Jurassic World n’est pas pleinement exploitée. Bien que la dynamique entre Ellie Sattler et Claire Dearing fonctionne, on regrette la faible alchimie entre les personnages d’Alan Grant et d’Owen Grady. Et pour cause, ce dernier matche plus en une scène avec Omar Sy qu’en dix prises aux côtés de Sam Neill. Le personnage de Chris Pratt – en dépit d’une scène de course-poursuite à moto bien orchestrée – est relayé au second plan. Un argument qui contraste avec les précédents volets, marqué qui plus est par une direction d’acteur parfois bâclée, parfois surjouée.

Chris Pratt poursuivi par un vélociraptor dans Jurassic World : le monde d’après.©Universal Pictures

« Les dinosaures mangent les hommes, et la femme hérite de la Terre »

Néanmoins, ceci permet de faire la part belle aux femmes dans le film. En effet, les personnages de Bryce Dallas Howard et de Laura Dern sont les vrais éléments centraux du long-métrage. Un choix stratégique post #MeToo pour la production, qui offrira une nouvelle dimension à la réplique culte du premier volet de Jurassic Park, prononcée par le Dr. Sattler : « Les dinosaures mangent les hommes, et la femme hérite de la Terre. »

Les personnages féminins prendront en main le sauvetage de toute l’équipe, quitte à faire face aux pires dinosaures, avec l’aide de la mercenaire, Kayla, incarnée par l’excellente DeWanda Wise – sûrement la meilleure protagoniste de l’épilogue.

Perdus dans le monde d’après

Mais les femmes sont également mises en lumière grâce à la photographie de Colin Trevorrow. On sent l’envie du réalisateur d’offrir un blockbuster travaillé et épuré, à travers certains plans mettant en scène Bryce Dallas Howard. Pourtant, ceci n’efface pas un scénario trop abondant, qui veut condenser en un film les arcs narratifs des vétérans et des nouvelles recrues.

Laura Dern dans Jurassic World : le monde d’après.©Universal Pictures

Les thématiques sont trop variées, malgré la volonté d’offrir au blockbuster une identité proche du thriller écologique. Un sujet à fort potentiel finalement survolé, qui aurait pu donner une patte plus profonde au long-métrage, après un postulat intéressant à l’issue de Jurassic World: Fallen Kingdom.

L’action prend en effet rapidement le pas sur le fond, et nous perd dans le jargon des technologies, les dérives du clonage ou encore les véritables intentions d’antagonistes à la caractérisation creuse. Autant d’aspects caricaturaux qui rappellent Jurassic Park : le monde perdu (1997). À l’instar du film de Spielberg, celui de Colin Trevorrow exploite la présence des dinosaures dans la société, mais les dialogues et le montage sont aussi bancals que l’ensemble d’un script qui tire en longueur, et qui ne tient que sur le retour de protagonistes phares.

Cette conclusion aurait peut-être méritée d’être séparée en deux films, afin de développer davantage les arcs narratifs des personnages et de construire un final digne de ce nom. Malgré des intentions scénaristiques liées aux enjeux environnementaux actuels, des personnages féminins ou encore la mise en scène, Jurassic World : le monde d’après symbolise finalement l’essoufflement d’une franchise ; une extinction lente et pénible, qui a manqué son pari.

Jurassic World : le monde d’après, de Colin Trevorrow, avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Sam Neill, Laura Dern, Jeff Goldblum et DeWanda Wise, 2h26, en salle le 8 juin 2022.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste