Entretien

Naidra Ayadi : « En France, dans les séries, on parle d’humanité, d’émotions, d’échanges »

29 mars 2022
Par Agathe Renac
Naidra Ayadi joue dans la série “Parallèles”, disponible sur Disney+.
Naidra Ayadi joue dans la série “Parallèles”, disponible sur Disney+. ©Rémy Tortosa

Comédienne, actrice, réalisatrice… Naidra Ayadi passe sa vie à jouer. Son dernier terrain de jeu : Parallèles, une série fantastique et familiale aux allures de Stranger Things et Dark. À l’occasion de sa sortie sur Disney+, on l’a interrogée sur les séries qui ont marqué sa vie.

Parallèles est la deuxième création française de Disney+. Entre le soutien des grosses productions américaines pour nos programmes et le succès international de certains shows comme Dix pour cent, les séries françaises sont-elles en train de s’imposer sur le marché ?

Oui, je pense. Et je l’espère ! Tous les pays ont leur singularité. Par exemple, le second degré et l’humour des Anglais sont indétrônables. Nous, on est beaucoup dans le psychologique, dans les relations humaines. On nous voit peut-être comme des cérébraux nombrilistes, mais on parle juste d’humanité, d’émotions, d’échanges et de questionnements sociaux. Par exemple, Parallèles est une série fantastique, mais elle traite de parentalité, d’adolescence, d’amitié, de la peur de grandir, de solidarité…

Vous êtes plutôt séries ou films ?

C’est hyper dur. J’adore aller au cinéma toute seule, le matin. Voir un film sur grand écran est un moment magique. C’est irremplaçable. Je suis assez pudique, et j’aime le fait de découvrir l’œuvre, de ressentir des émotions sans personne et repartir avec. C’est mon moment, je n’ai pas besoin d’en parler et de faire un débrief sur ce que je viens de voir. La série, c’est différent. C’est un plaisir qui se partage plus facilement, dans l’immédiat. Je les regarde chez moi, à la maison, soit avec mon chéri, soit avec mes filles. On est tenu en haleine, on veut savoir ce qu’il va se passer. Contrairement au film, on spécule entre chaque épisode et on devient tous des scénaristes, à imaginer la suite.

Vous vous souvenez de la toute première série que vous avez regardée ?

Madame est servie ! C’était le rendez-vous de toute la famille. Je la regardais avec mes parents et ça nous faisait bien marrer. À la fin des épisodes, on se refaisait les dialogues de Tony Micelli et Angela Bower avec mon frère.

Celle que vous binge-watchez en ce moment ?

Je suis en train de dévorer Drôle. Au début, on se dit : “Ok, c’est une série sur le stand-up”. Mais en réalité, ça parle de notre France, de jeunes d’origines et de milieux différents. Elle montre notre société, les différences sociales et culturelles. C’est drôle, intelligent. Ça nous permet aussi de réaliser que faire rire est un vrai travail, qu’il faut du talent et persévérer. C’est brillant, tout comme sa créatrice.

Celle qui vous a fait pleurer ?

La Servante écarlate. Ce n’est pas celle qui m’a le plus émue, mais elle m’a fait peur, car on se dit qu’on n’est pas loin de cette réalité. Ça m’a bien fait flipper, en fait. Quand je n’étais pas bien le soir, je ne pouvais pas la regarder, parce que je me disais que ça allait encore plus m’angoisser. Je pense que si on ne fait pas gaffe, on pourrait tendre à cette réalité. Quand on voit l’actualité, ça fait peur. Il suffit de regarder les talibans qui ferment les écoles pour les filles… Je n’arrive pas à voir cette série comme une réelle fiction.

Celle qui vous fait le plus rire ?

Friends, c’était quand même génial ! Ça doit être un bonheur d’être comédien dans cette série. Et je ne pourrais pas définir celui qui me fait le plus marrer, je les aime tous. Chandler, tout le monde l’adore. Joey est trop drôle. Les filles aussi… Ok, je ne pourrais pas dire celui que je préfère. C’est vraiment la bande de potes qu’on adore et leur jeu est génial. J’adorerais voir ça en France. Mais ce genre d’humour et ce format sont très américains. Cette liberté, ça leur appartient. On ne se permettrait pas de le reproduire ici, on dirait que les personnages en font des caisses.

Celle qui vous révolte ?

Unorthodox. C’est l’histoire d’une jeune fille qui fuit sa famille très religieuse. Elle est reniée par tout le monde parce qu’elle n’est pas heureuse avec cette religion qu’on lui impose. Je suis révoltée par le fait que ça puisse encore exister aujourd’hui.

Celle qui vous retourne le cerveau ?

Euphoria, dans tous les sens du terme. Elle m’a retourné le bide, la tête… Tout ! Voir toute cette drogue chez les jeunes me fait peur. Déjà, c’est pas mon truc. Mais là, cette addiction chez les ados… C’est une période tellement courte, précieuse et innocente. C’est le moment où on est le plus révolté, où on a le plus d’envies, on se découvre. Je me dis que c’est hyper triste de passer à côté de tout ça. Personnellement, j’ai commencé le théâtre à ce moment-là. J’étais une meneuse, j’avais envie de tout. J’étais hyperactive, j’avais ma bande de potes et je voulais dévorer la vie.

Celle qui vous a le plus marquée ?

The Wire. J’adore cette série parce qu’elle décortique bien les aspects de la société et ses rouages. C’est hyper bien mené. Il y a une analyse sur la police, l’éducation, la politique… Il faut s’accrocher pour rentrer dedans et comprendre le mécanisme, mais, quand on y est, on se rend compte que c’est très bien écrit et joué. Il y a des personnages qu’on n’oublie pas, on a de l’empathie pour eux. Je l’aime vraiment beaucoup et je pense qu’on ne peut pas se lasser de la regarder parce que c’est super dense, il y a tellement de choses à voir.

Justement : celle que vous pourriez voir des millions de fois sans vous lasser ?

Je ne regarde pas plusieurs fois la même série parce que je me dis qu’il y a toujours de nouvelles choses à découvrir. Et je n’ai pas le temps. Par contre, il y a certains films que je pourrais revoir comme L’Épouvantail, une œuvre magnifique de Jerry Schatzberg et l’un des premiers films d’Al Pacino, Une femme sous influence, et tous les films de John Cassavetes parce que sa recherche sur le jeu m’intéresse. Mais si je devais choisir une série, je reverrais plutôt Les Mystérieuses Cités d’or, un dessin animé que je regarderais avec mes filles, pour le côté madeleine de Proust.

Le personnage de série que vous aimeriez être dans la vie de tous les jours ?

Une maman super-héroïne. Et non, ce n’est pas déjà le cas, parce que quoi qu’on fasse, on merde et c’est de notre faute, même si ça part d’une bonne intention. Mais j’adorerais être une super-héroïne. Mon super-pouvoir, ce serait le fait de pouvoir couper le micro à ceux qui racontent tout et n’importe quoi et qui essaient de nous faire croire que tous nos maux sont de la faute d’une certaine catégorie de personnes. Franchement, y’a du taf.

Celui que vous aimeriez avoir comme ami ?

Peut-être Bilal, dans Parallèles. C’est un bon copain. Tout va bien pour lui, mais il décide de revenir dans le passé pour changer le monde et faire en sorte que son pote aille mieux. C’est hyper généreux, il est touchant.

Parallèles, depuis le 23 mars sur Disney+.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste