Ces technologies sont de plus en plus employées, mais elles peuvent avoir des conséquences sur la santé dont le public n’a pas forcément conscience.
Entre le metaverse, le développement des équipements et l’utilisation thérapeutique, la réalité virtuelle et la réalité augmentée font souvent l’actualité ces derniers temps. Alors que la première permet à un utilisateur de s’immerger complètement dans un monde virtuel à l’aide de différents appareils, la seconde ne fait qu’enrichir la réalité avec des éléments virtuels. L’utilisation croissante de ces technologies par le grand public pousse à s’interroger sur leurs éventuels effets sanitaires.
Avec des impacts potentiels sur la santé de nature physique ou psychologique, ce sujet a fait l’objet d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) publié en juin 2021. « L’Anses a réuni un groupe d’experts pluridisciplinaires avec des ophtalmologues, des ergonomes, des psychologues et des spécialistes de la réalité virtuelle. L’expertise a duré 3 ans », déclare Dina Attia, coordinatrice scientifique de cette expertise à l’Anses. Ce rapport a permis d’exposer certains effets liés à l’exposition aux réalités virtuelle et augmentée.
Des effets sanitaires physiques prouvés
Une séance en réalité virtuelle ou en réalité augmentée est susceptible d’avoir plusieurs effets physiques sur une personne. Le mieux documenté est connu sous le nom de cybercinétose, qui peut s’apparenter au mal des transports, selon Dina Attia. Ce terme est utilisé pour regrouper plusieurs symptômes comme les nausées, les vertiges, les sueurs, la pâleur ou encore la fatigue. Ils peuvent se manifester dès les premières minutes d’utilisation chez les personnes considérées comme sensibles comme les femmes enceintes, les personnes épileptiques ou celles sujettes aux migraines. Ces effets sont liés aux énormes efforts cognitifs fournis par un individu lorsqu’il s’immerge dans un monde virtuel. « Lors de son immersion dans le monde virtuel, le cerveau peut recevoir des signaux contradictoires, ce qui peut générer la cybercinétose. On peut tout à fait imaginer qu’être en mouvement dans le monde virtuel, mais statique dans le monde réel puisse générer un inconfort sensoriel et donc des symptômes », explique Dina Attia. Ces symptômes sont cependant temporaires, ils disparaissent généralement dans les minutes ou les heures suivant la séance.
Des effets sanitaires sont également liés à la lumière bleue émise par les écrans des dispositifs de réalité virtuelle et de réalité augmentée. L’exposition à cette lumière peut engendrer une perturbation du rythme circadien, soit l’horloge interne du corps humain, qui régit des processus physiologiques comme le sommeil et l’alimentation. Ce dérèglement est susceptible d’entraîner plusieurs effets sur la santé : la qualité et la durée du sommeil d’un individu en seraient affectées, il pourrait développer des troubles métaboliques… Il est donc possible que les écrans riches en lumière bleue aient des conséquences sur le long terme sur la santé d’une personne.
Enfin, l’accidentologie est une autre répercussion physique des réalités virtuelle et augmentée. Elle correspond aux chutes ou aux heurts liés à un déficit d’éclairage ou à l’occultation de l’espace environnant. Alors qu’une personne est plongée dans le monde virtuel, elle peut rencontrer des obstacles du monde réel qu’elle ne voit pas. « Avec la réalité virtuelle, nous changeons totalement notre environnement. Nous perdons nos sens, de nombreuses vidéos sur Internet montrent des gens qui se jettent dans le vide ou vont nager alors qu’ils sont dans leur salon », explique Jean-Christophe Bonis, un conférencier spécialisé dans les nouvelles technologies.
Bien que ces impacts physiques sur la santé puissent survenir avec la réalité virtuelle et la réalité augmentée, la première est plus dangereuse que la seconde par sa nature. « Au début de l’expertise, nous avons tenté de distinguer les effets sanitaires liés à la réalité augmentée de ceux spécifiques à la réalité virtuelle. Mais, il existe peu de données pour les effets sanitaires liés à la réalité augmentée (accidentologie, effets liés à l’ergonomie, etc). Néanmoins, on peut supposer que les symptômes ressentis en réalité augmentée seront du même type que ceux ressentis en réalité virtuelle, mais de plus faible intensité grâce au contact avec le monde réel encore possible en réalité augmentée », indique Dina Attia.
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Des conséquences psychologiques et psychosociales
L’usage des réalités virtuelle et augmentée peut aussi aboutir au développement de problèmes psychologiques, en particulier avec le metaverse, qui est censé permettre à ses utilisateurs de travailler, de socialiser et de se divertir dans un monde virtuel. Des individus sont capables d’y créer la vie dont ils rêvent. « Une personne qui n’est pas heureuse dans sa vie réelle va avoir une espèce de dose de dopamine et d’endorphine qui va arriver dans son cerveau et lui donner un plaisir dans le monde virtuel », explique Jean-Christophe Bonis. Il considère que cela entraîne une véritable distorsion de la vie entre le monde réel et le monde virtuel, avec des personnes qui ne seront plus en mesure de faire la différence entre les deux. Ce problème se manifestera également avec le développement de technologies impliquant davantage les sens des personnes.
Les risques d’addiction et de changement de comportements sont d’autres effets à prendre en considération. « Est-ce que le fait d’être violent dans le monde virtuel n’augmentera pas notre risque de l’être dans le monde réel ? Est-ce qu’une personne fuit sa propre vie réelle avec une immersion continue dans le metaverse ? », sont des exemples de questions que l’Anses s’est posé, précise Dina Attia. Ces interrogations sont cependant sans réponse pour le moment, car le monde virtuel n’est pas encore bien développé.
Des recommandations pour informer et prévenir la survenue des effets
Face aux multiples risques sur la santé que présentent les réalités virtuelle et augmentée, il devient nécessaire d’avertir le public. Selon Jean-Christophe Bonis, cela doit surtout passer par les géants de la tech, qui devraient être tenus de mettre en place des mesures de prévention. Certains fabricants, comme Meta, le font déjà. Le groupe californien fournit des informations relatives à la santé et à la sécurité aux utilisateurs de ses casques Quest dans l’emballage de ses appareils, mais aussi pendant leur installation. Il recommande, entre autres, de « dégager une zone sûre » autour de soi avant d’utiliser le casque, de faire des « des pauses régulières » et plus particulièrement d’en faire « toutes les 30 minutes » lorsqu’une personne s’habitue à utiliser l’équipement ou à un nouveau contenu. Il suggère également de retirer l’appareil en cas de sensation de gêne ou d’effets sur l’équilibre.
Des mesures préventives que l’Anses conseille également. Elle préconise surtout de prévoir un temps de repos d’une à deux heures après une séance de réalité virtuelle ou de réalité augmentée si celle-ci est suivie d’une activité nécessitant une certaine vigilance, comme la conduite. Elle recommande par ailleurs de mener des recherches sur les risques psychologiques et psychosociaux.