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Musique : au moins un titre généré par IA se classe dans le Billboard chaque semaine

03 novembre 2025
Par Pierre Crochart
Xania Monet est une “chanteuse” entièrement générée par IA.
Xania Monet est une “chanteuse” entièrement générée par IA. ©Talisha Jones/Billboard

Le magazine musical de référence, qui publie des classements musicaux depuis plus d’un siècle, tire la sonnette d’alarme sur la prolifération de l’IA dans l’industrie.

Alors que le service de streaming français Deezer avertissait, en septembre, que près de 30% des mises en ligne quotidiennes sur la plateforme étaient totalement générées par intelligence artificielle, Billboard vient aujourd’hui confirmer qu’une nouvelle digue a cédé. Plus une semaine ne passe, indique le média américain, sans qu’un artiste généré (ou assisté) par IA ne se hisse dans l’un de ses classements hebdomadaires.

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“De plus en plus difficile d’identifier si c’est de l’IA”

Depuis le mois de septembre, au moins six artistes générés ou assistés par l’IA se sont invités dans l’un des charts (classements) du Billboard. « Le chiffre pourrait même être plus élevé, alors qu’il devient de plus en plus difficile de dire qui, ou quoi, est fait par IA – et dans quelle mesure », reconnaît le média américain. Billboard indique avoir d’ailleurs utilisé l’outil de détection conçu par Deezer pour vérifier ses suspicions sur certain·es artistes du classement.

Après la tornade The Velvet Sundown l’été dernier, c’est désormais la « chanteuse » de R’n’B Xania Monet qui fait office de cas d’école pour la musique générée par l’intelligence artificielle. Conçue par la compositrice américaine Telisha « Nikki » Jones, Xania Monet s’est hissée dans les charts Hot Gospel Songs et Hot R’n’B Songs avec plusieurs morceaux. Let Go, Let God, désormais un véritable tube, culmine à 3,4 millions de vues sur YouTube et plus de trois millions d’écoutes sur Spotify.

Une popularité éclair qui fera date : Xania Monet est la première « IArtiste » à être courtisée par des labels, dont certains auraient offert jusqu’à 3 millions de dollars pour la signer. D’après Billboard, c’est finalement Hallwood Media, mené par un ancien d’Interscope, qui aurait remporté les enchères pour un montant inconnu, mais chiffré à « plusieurs millions de dollars », rapporte Billboard.

Une nouvelle ère pour la musique… sans les musiciens

Ce genre de constat ne va rien faire pour calmer les ardeurs des majors qui n’attendaient que ce genre de dynamique pour embrasser pleinement le virage de l’intelligence artificielle. La semaine dernière, Universal Music Group a d’ailleurs annoncé en grande pompe avoir signé un accord de licences avec l’application de génération audio par IA Udio afin de lancer une plateforme commune de création musicale.

La musique générée par IA est un pur produit de son époque, et sa qualité n’est en réalité même pas une question. Destinée à une écoute passive, en fond, dans des playlists thématiques, elle accumule les streams et génère, sans effort ou presque, des revenus. L’IA est capable de produire plusieurs albums « originaux » par jour, et donc de noyer littéralement les plateformes de streaming – invisibilisant de fait les artistes de chair et de sang, qui ont parfois besoin de plusieurs années pour faire aboutir un projet (dont le retour sur investissement sera par ailleurs encore amaigri à cause des royalties qui partent vers les IA).

Tout cela sans même parler des infractions majeures au droit d’auteur dont sont coupables ces outils d’intelligence artificielle générative. Tout comme les moteurs de génération d’images et de vidéos, les outils tels que Udio ou Suno sont de plus en plus convaincants, car ils se servent dans le catalogue d’artistes sans demander leur permission, copient le style de leur musique et empruntent le timbre de leur voix.

Une situation intenable pour les artistes, dont beaucoup se mobilisent pour lutter contre la prolifération de l’intelligence artificielle dans la musique. L’an dernier, plus de 200 artistes – dont Billie Eilish, Nicky Minaj ou Pearl Jam – signaient une lettre ouverte invitant les organisations, majors et labels à « cesser d’utiliser l’IA et [à] s’élever contre la dévaluation des droits des artistes humains ». Une lettre restée morte, donc.

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Article rédigé par
Pierre Crochart
Pierre Crochart
Journaliste