Critique

La Corde, une fable métaphysique sur le sens de la vie

07 janvier 2022
Par Héloïse Decarre
Au milieu de la Norvège et sans téléphones portables, un petit groupe de scientifiques décide de suivre une  mystérieuse corde qui s’enfonce dans la forêt.
Au milieu de la Norvège et sans téléphones portables, un petit groupe de scientifiques décide de suivre une mystérieuse corde qui s’enfonce dans la forêt. ©Les Films de l’instant/G. Chekaiban/Arte

La suivrez-vous jusqu’au bout ? En tout cas, cette Corde vous fera grimper en tension. En trois épisodes, la minisérie d’Arte, adaptée d’un roman de l’Allemand Stefan aus dem Siepen, est pleine de doutes et de mystères. Un questionnement existentiel qui résonnera en chacun et chacune d’entre nous.

Au pied des arbres, entre les branchages et les feuilles mortes, elle s’enfonce dans l’ombre d’une forêt gigantesque. Une corde. Une corde énigmatique et sans fin, apparue du jour au lendemain, sans explication. C’est ce que découvre un petit groupe de scientifiques, installé dans l’observatoire jouxtant le bois. Que faire face à une telle trouvaille, quand on est un chercheur isolé au milieu de la Norvège ? Une partie du groupe décide de suivre la corde, déterminée à percer ce mystère. L’autre
reste à la base. Et chacun devra vivre avec les conséquences de son choix.

En quête de foi

Car ce qui commence comme une joyeuse balade entre collègues se transforme rapidement en une dangereuse quête, d’apparence sans fin. Les protagonistes sont des scientifiques : la mission de leur vie, c’est de chercher. Face à un problème (la corde) sans réponse (où conduit-elle ?), ils n’ont donc d’autre choix que de trouver la solution.

Manifestement rationnels, ces chercheurs et chercheuses vont peu à peu être amenés à faire confiance à des éléments plus forts que leur logique. Par définition, ces femmes et hommes de science ne croient pas en Dieu. Ce rejet est parfaitement représenté par le personnage de Dani (Planitia Kenese). La jeune femme est dans un processus de rejet de sa religion : elle écrit un essai sur la fin de Dieu, et enlève le crucifix qu’elle portait autour du cou avant de partir suivre la corde. Mais, malgré cette défiance envers une possible force surnaturelle, les membres du laboratoire ne sont pour autant pas dénués de croyance. Ils ont foi en la science.

La Corde questionne la place des croyances dans nos vies, rappelant que chaque être humain a foi en quelque chose.©Les films de l’instant – G. Chekaiban / Arte

S’ils sont en Norvège, au milieu de nulle part, c’est pour écouter l’espace. Ils sont persuadés, au plus profond de leur âme, que leurs recherches vont les mener à une découverte, quelle qu’elle soit. Ils ont foi en leurs antennes satellites, ils croient en des choses qu’ils n’ont ni vues ni entendues – des ondes aux tréfonds de l’univers. Dans leur métier, ils suivent leur instinct. Et c’est exactement ce qu’ils vont faire avec la corde, rappelant qu’en toute chose, la vie est avant tout une histoire de croyance et de foi.

Suivre la direction préétablie ou dévier du chemin : il faut choisir

La seule différence entre les personnages, c’est qu’ils choisissent en quoi ils veulent croire, que ce soit une possible découverte scientifique ou un hypothétique trésor au bout d’une corde sans fin. Les choix et leurs conséquences sont centraux. La corde montre un chemin prédestiné, que l’on peut décider de suivre ou non.

Mais beaucoup de celles et ceux qui ont choisi de suivre la corde connaissent une issue fatale. D’anciens restes humains rencontrés au fil du chemin en attestent. Peu à peu, l’appel de l’inconnu va faire perdre la raison aux scientifiques engagés sur une voie ne satisfaisant jamais leur besoin de comprendre. Perdant peu à peu leur esprit critique, ils continuent le long de la corde, aveuglément.

Pourtant, c’est justement une aveugle qui réussit, seule, à s’extirper de cette voie préétablie. Très inquiète de la disparition de son mari parti dans l’expédition, Agnès (Suzanne Clément) part à sa recherche. Non-voyante, elle suit la corde au toucher. Elle finira même par la couper afin de l’utiliser à son avantage.

“Qu’est-ce que ça peut faire d’aller au bout ?”

Restée maîtresse de son destin, Agnès a utilisé son handicap à son avantage. Les autres personnages, – Leïla (Christa Théret), dépressive, Sophie (Jeanne Balibar), atteinte d’un cancer et persuadée que la corde a sur elle un effet guérisseur, Serge (Jean-Marc Barr), qui n’a pas pu sauver sa fille de la noyade – seront tous victimes de leurs faiblesses.

Presque dénué d’effets spéciaux, La Corde parvient pourtant à maintenir une narration rythmée et marquée par un fort suspense, sans jamais négliger les émotions des personnages.©Les Films de l’instant/G. Chekaiban/Arte

C’est par ailleurs grâce à cette diversité de personnages que la série fonctionne aussi bien. Tout le monde peut s’identifier à un ou une des scientifiques. Le casting, composé d’acteurs et d’actrices de plusieurs nationalités (les Français Jean-Marc Barr et Jeanne Balibar, l’Allemand Richard Sammel, la Québécoise Suzanne Clément, l’Israélien Tom Mercier et le Danois Jakob Cedergren) pour jouer les membres de ce laboratoire international, n’en est que plus crédible.

Le scénario est également appuyé par une alternance de narration entre les aventures de ceux qui partent et les errances de ceux qui restent. De fait, la série, réalisée par Dominique Rocher et Éric Forestier, est très rythmée et le suspense soutenu. Tout ça presque sans aucun effet spécial. Mais jamais sans négliger les émotions des personnages.

Car La Corde parle avant tout d’amour. Si Agnès choisit de suivre la corde, elle se fiche de savoir ce qu’il y a au bout : son but est avant tout de retrouver son mari disparu. Et quand Leïla fait demi-tour sans avoir atteint son but, c’est pour retrouver son compagnon qu’elle rejetait jusqu’alors. Parce que ce que nous rappelle La Corde, c’est que le plus important ce n’est pas la destination, mais bien le chemin, et ceux qu’on y a aimés.

La Corde est disponible sur Arte.tv jusqu’au 25 février 2022 et sera diffusée sur Arte à partir du 27 janvier 2022.

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Article rédigé par
Héloïse Decarre
Héloïse Decarre
Journaliste
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