Le groupe britannique s’ajoute au plus grand succès francophone de 2024. Une version étendue, titre phare d’Arcane signé Stromae et Pomme, voit le jour ce 4 avril. Mais fallait-il vraiment rallumer une flamme déjà parfaitement consumée ?
Impossible d’y échapper : à la fin de l’année 2024, Ma meilleure ennemie résonnait partout. Dans les playlists, sur les réseaux, au cœur d’une scène charnière d’Arcane, la série phénomène de Netflix inspirée de l’univers League of Legends. Le titre signé Stromae et Pomme est rapidement devenu un hymne – celui des regrets et des utopies. En 24 heures, il s’est imposé comme la chanson francophone la plus écoutée au monde. Rien que ça.
Un succès mérité
Et il faut dire que la magie a opéré. Une instrumentation à la fois ample et intime, une rythmique presque valsée, un texte d’une poésie sombre et belle – où le verbe de Stromae venait s’opposer à la voix cristalline de Pomme, perchée dans les aigus.
L’équilibre était parfait : deux sensibilités musicales dialoguant dans un duo pensé comme un miroir, à l’image du lien entre Jinx et Ekko dans la série. Ce que la chanson racontait – une projection, un fantasme de réconciliation dans un monde parallèle – trouvait un écho bouleversant à l’écran. Ce n’était pas simplement une belle chanson : c’était une narration à part entière.
La surprise Coldplay
Mais voilà que le 4 avril, une nouvelle version voit le jour. Étendue, enrichie, « augmentée » – selon le terme consacré – d’une collaboration avec Coldplay. Le groupe britannique, habitué des grands coups transversaux (BTS, Beyoncé, The Chainsmokers…), vient poser sa patte sur le morceau déjà mythique. L’intention est claire : prolonger l’écho. Capter de nouveaux publics ? Certainement. Offrir une relecture artistique ? Peut-être. Enrichir l’expérience musicale ? C’est là que le bât blesse.
Car, à l’écoute, cette version revisitée ne bouscule rien. Quelques ajouts instrumentaux, un soupçon de nappes sonores typiquement « coldplayesques », et un couplet de Chris Martin glissé après celui de Pomme… sans nécessité.
Oui, sa voix est belle. Oui, elle se fond dans l’univers du morceau. Mais voilà : le duo d’origine fonctionnait déjà comme une œuvre achevée, équilibrée dans sa forme, pensée dans sa complémentarité. En faire un trio, c’est comme ajouter une troisième voix à un dialogue amoureux : si on n’en éprouve pas le besoin, le charme est rompu.
Une reprise ou un recyclage ?
Il y avait pourtant de la place pour une vraie réinterprétation. Une cover intégrale par Coldplay, par exemple, qui aurait permis au groupe de s’emparer du texte, de le traduire, le transformer, le faire sien. Là, il ne s’agit que d’un simple appendice – joli, mais creux. Le morceau original, à force d’avoir été tant écouté, a déjà atteint une forme d’usure. Le prolonger artificiellement, c’est risquer de le vider de sa force.
Faut-il vraiment capitaliser sur chaque succès jusqu’à l’essoufflement ? La réponse est dans la question. Ma meilleure ennemie n’avait pas besoin de Coldplay. Elle n’avait pas besoin de prolongation. Elle avait déjà dit tout ce qu’elle avait à dire. Avec grâce.
