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Quand l’IA s’empare du style Ghibli : la tendance ChatGPT qui interroge

28 mars 2025
Par Sarah Dupont
OpenAI a ouvert une nouvelle fonctionnalité le 25 mars : générer des images à partir de photos ou de descriptions.
OpenAI a ouvert une nouvelle fonctionnalité le 25 mars : générer des images à partir de photos ou de descriptions. ©OpenAI

Transformés en créatures de Totoro ou en héros de Mononoké, les utilisateurs de ChatGPT ont propulsé le style Ghibli au cœur d’une vague virale sur les réseaux sociaux. Un succès visuel qui relance un débat pourtant complexe : l’intelligence artificielle peut-elle s’approprier des univers artistiques sans en respecter les droits ?

Lancée le 25 mars, la nouvelle fonctionnalité d’OpenAI, intégrée au modèle GPT-4o de ChatGPT, offrait une nouvelle fonctionnalité attendue : la possibilité de générer des images à partir de descriptions ou de photos.

Mais, en quelques heures, cette fonctionnalité – disponible à peine une journée pour les comptes gratuits – a vu émerger une tendance massive sur les réseaux sociaux : la transformation de portraits ou de scènes en illustrations « à la manière de Ghibli ».

Familles, animaux de compagnie, mèmes… Tout est passé à la moulinette visuelle du studio japonais de Hayao Miyazaki, réputé pour son univers poétique et animé. En apparence, une prouesse technique. En réalité, un point de bascule.

Un outil puissant, des règles floues

OpenAI assure ne pas avoir signé d’accord de licence avec le studio japonais. Pourtant, la capacité de GPT-4o à imiter avec autant de justesse un style interroge : a-t-il été entraîné sur des images tirées de films comme Le voyage de Chihiro ou Le château ambulant ?

Officiellement, OpenAI affirme respecter les droits d’auteur en refusant la reproduction du style d’artistes vivants. Mais Ghibli, bien qu’identifiable à Hayao Miyazaki, est un studio collectif : une zone grise dans laquelle l’IA s’est s’engouffrée.

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Le style artistique, rappelons-le, n’est pas protégé par le droit d’auteur en tant que tel. Une création « inspirée de » peut donc légalement exister. Mais lorsque des millions d’utilisateurs génèrent des images dans le style d’un studio sans que ce dernier ne perçoive ni rémunération ni reconnaissance, la question dépasse le simple cadre juridique.

Miyazaki face à l’IA

Hayao Miyazaki n’a pas officiellement réagi à la déferlante d’images produites par ChatGPT. Pourtant, sa position est connue depuis longtemps. Dès 2013, dans le documentaire Le royaume des rêves et de la folie, il se disait profondément choqué par une démonstration d’animation générée par IA.

« Je suis profondément dégoûté… Je ressens fortement que c’est une insulte à la vie elle-même », avait-il alors déclaré. Quelques années plus tard, il réitérait son refus de toute collaboration avec une technologie, qu’il jugeait incompatible avec l’acte de création.

La créativité automatisée : opportunité ou pillage ?

OpenAI a temporairement suspendu l’accès à cette fonctionnalité pour les comptes gratuits, sans doute surpris par l’ampleur du phénomène. Mais les abonnés payants peuvent toujours générer des images de style Ghibli. Pendant ce temps, les réseaux sociaux débordent de portraits féériques et de détournements de scènes cultes.

Cette démocratisation graphique pose une question de fond : si l’IA peut produire en quelques secondes un visuel dans le style d’un studio, que reste-t-il de l’originalité ? Et surtout, qui bénéficie de cette création ? Le débat, bien au-delà de Ghibli, concerne déjà d’autres studios emblématiques de l’animation – Pixar, Disney, Cartoon Network… – dont les esthétiques se retrouvent, elles aussi, mimées, sans que leurs auteurs n’en soient informés ni rémunérés.

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En filigrane se dessine donc une problématique que la technologie accélère : à mesure que l’IA devient plus précise et plus accessible, la frontière entre inspiration et appropriation devient de plus en plus floue. Le style Ghibli, autrefois fruit d’un travail artisanal et méticuleux, devient ainsi un filtre parmi d’autres. Une transformation que son créateur aurait sans doute qualifiée, une fois encore, d’insulte à la vie.

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