Décryptage

Écomodulation : est-il enfin plus intéressant d’acheter des appareils plus “vertueux” ? 

16 mars 2025
Par Alexandra Bellamy
Écomodulation : est-il enfin plus intéressant d'acheter des appareils plus “vertueux” ? 
©JDzacovsky

Depuis le 1er janvier 2025, le mécanisme d’écomodulation prend en compte l’indice de réparabilité. Alors, les produits plus « respectueux de l’environnement » coûteront-ils moins cher, comme on a pu le lire ici et là ?

Si le terme d’écomodulation ne vous dit rien, voilà de quoi il s’agit. Ce principe consiste à accorder une prime ou une pénalité financière aux produits selon qu’ils sont ou non écoconçus. Le but : inciter les fabricants à développer des équipements plus durables et réparables. Dans le cas des appareils électriques et électroniques qui nous intéressent, à savoir tous les produits high-tech tels que les smartphones ou les ordinateurs, mais aussi l’électroménager, cette écomodulation influe sur l’écoparticipation qui est soit réduite (s’il y a une ou des primes) soit majorée (dans le cas de pénalités). Pour rappel, l’écoparticipation est supportée par les consommateurs, puis reversée par les fabricants aux éco-organismes pour financer la collecte et le recyclage des produits.

Éco-modulation : est-il devenu plus intéressant financièrement d'acheter des appareils plus "vertueux" ?
L’écoparticipation finance la collecte, le démantèlement, la dépollution et le recyclage. ©François Daburon

Six critères pour évaluer l’écoconception

En réalité, le principe d’écomodulation existe depuis 2010. Mais, comme prévu par la loi Agec (loi antigaspillage), le système a évolué pour devenir plus incitatif pour les fabricants. De nouveaux critères s’appliquent donc depuis le 1er janvier 2025 – certains sont nouveaux, d’autres existaient déjà et ont évolué.

Pour déterminer si les produits sont écoconçus, six critères ont ainsi été retenus :

  • la possibilité de séparer la batterie de l’appareil,
  • la présence de gaz nocifs (gaz HFC, qui concernent les lave-linge et lave-vaisselle),
  • la présence de retardateurs de flamme bromés dans les pièces plastiques (sauf pour les câbles et cartes électroniques),
  • le caractère jetable d’un équipement,
  • l’indice de réparabilité,
  • l’incorporation de matières plastiques recyclées.
Éco-modulation : est-il devenu plus intéressant financièrement d'acheter des appareils plus "vertueux" ?
Les primes liées à l’utilisation de plastique recyclé lors de la fabrication d’un produit sont calculées à la tonne. ©L'Éclaireur Fnac

La carotte dans une main, le bâton dans l’autre

Mais attention, c’est là que ça se complique ! À la suite d’une annonce un peu prématurée du ministère de la Transition écologique, de nombreux médias avaient relayé la possible mise en place d’un système de bonus-malus, calculé en fonction de l’indice de réparabilité. Des sommes avaient même été avancées : 40 € de bonus pour les smartphones les plus réparables et 20 € de malus pour les moins bons élèves. 

Au final, ni le dispositif ni les sommes ne correspondent à ce qui était attendu. Il existe bien un système de primes et de pénalités, mais ils ne s’appliquent pas simultanément : certains critères ouvrent droit à un « bonus » tandis que d’autres occasionnent un « malus ».  Cela fait d’ailleurs partie des reproches que les associations adressent au dispositif, notamment HOP, qui aurait souhaité que le système récompense d’un côté les produits affichant les meilleurs indices, tout en pénalisant de l’autre les équipements les moins réparables.

Comme on peut le lire sur le site d’ecosystem, les critères considérés comme de « bonnes pratiques », faciles à appliquer, entraînent une pénalité s’ils ne sont pas respectés. Cela concerne : la présence de gaz HFC, la présence de retardateurs bromés, la non-séparabilité de la batterie sur tous les équipements autres que les smartphones et les tablettes et, enfin, tous les appareils à usage unique (comme les appareils photo jetables et cigarettes électroniques, par exemple). Quant aux critères jugés plus « ambitieux », ils donnent lieu à une prime s’ils sont atteints. Il s’agit principalement de la séparabilité de la batterie sur les téléphones portables et tablettes. 

Les deux critères restants – l’indice de réparabilité et l’incorporation de matières plastiques recyclées – ouvrent bien droit à une prime, mais ils fonctionnent différemment. Il ne s’agit pas de critères d’écomodulation mais de supermodulation.

Éco-modulation : est-il devenu plus intéressant financièrement d'acheter des appareils plus "vertueux" ?
Vision globale des primes et pénalités. Source : Note technique OCAD3E, « Primes et pénalités applicables aux DEEE ménagers à compter du 1er janvier 2025 ».©L'Éclaireur Fnac

Les appareils les plus réparables moins chers ? 

On a pu lire ici et là que les appareils bénéficiant des meilleurs indices de réparabilité verraient leur prix baisser. Or, c’est faux, dans la mesure où il n’y a rien de systématique ; c’est simplement une possibilité parmi tant d’autres. Claire Lemarchand, directrice de la communication chez ecosystem, développe : « Il faut distinguer écomodulation et supermodulation ; c’est une autre mécanique. La supermodulation n’augmente pas ou ne diminue pas l’écoparticipation. Ce ne sont que des primes qui récompensent les efforts d’écoconception des fabricants. C’est exogène au mécanisme d’écoparticipation. »

Prenons un exemple concret : un fabricant reçoit une prime de 10 € TTC (par unité) parce que son aspirateur affiche un excellent indice de réparabilité, de 9,8 ou plus. Cette prime ne change rien à l’écoparticipation payée par le consommateur. Le fabricant est libre d’utiliser la somme reçue comme bon lui semble. Il peut choisir de diminuer le prix de son aspirateur ou de réinjecter l’argent dans la R&D, par exemple. Pour les primes liées à l’utilisation de plastique recyclé, le fonctionnement est exactement le même.

Et il y a une raison très pragmatique à cela, que nous détaille Jean-Paul Auberger, directeur de la relation producteurs chez ecosystem. « Dans le cas de la modulation, il s’agit de critères qui ont un impact direct sur le coût de dépollution et de recyclage. Tandis que les critères de supermodulation n’ont pas d’impact direct ou quantifiable. Ainsi, un indice de réparabilité élevé ne rend pas systématiquement un équipement plus ou moins cher à démanteler. De même, l’incorporation de plastique recyclé n’a pas d’incidence sur le coût de traitement. »

Éco-modulation : est-il devenu plus intéressant financièrement d'acheter des appareils plus "vertueux" ?
Montants des primes et seuils d’éligibilité. Source : Note technique OCAD3E 2025.©L'Éclaireur Fnac

Ce système de supermodulation vise à inciter les fabricants à développer des appareils plus réparables ; il n’est pas question ici d’encourager le consommateur dans ses choix. Les indices servant de seuils pour obtenir une prime, qui seront réévalués régulièrement, sont calculés de manière à récompenser environ 10 % d’appareils dans chaque catégorie. En l’occurrence, les primes s’élèvent à 10 ou 20 € TTC selon les appareils.

Et, d’après Jean-Paul Auberger, elles sont effectivement incitatives : « Si on prend l’exemple du lave-linge, alors que l’écoparticipation est de 12,85 €, la prime s’élève à 16,67 €. Ce qui signifie qu’on donne au fabricant une prime supérieure à l’écoparticipation qu’il a versée. Donc, oui, c’est incitatif. Surtout sachant que certaines marques pourraient avoir tous leurs produits éligibles. » 

Quid des appareils soumis à un indice de durabilité ?

Les appareils qui seront soumis à un indice de durabilité ne seront pas exclus du dispositif. Il est prévu que le mécanisme évolue (tout comme l’indice). Quand cela sera possible, le seuil pour obtenir une prime ne sera plus défini sur la base de l’indice de réparabilité, mais sur celle de l’indice de durabilité. Toutefois, cela ne pourra pas se faire dès le lancement dudit indice, car il est nécessaire de pouvoir observer les indices dans leur globalité pour pouvoir définir des seuils. 

Ecosystem nous explique que pour les appareils concernés par l’indice de durabilité, pendant cette phase de transition, les fabricants devront continuer à calculer et fournir l’indice de réparabilité. C’est selon ce critère que les appareils méritant une prime continueront à être choisis.

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Article rédigé par
Alexandra Bellamy
Alexandra Bellamy
Journaliste