Sur un ton revendicatif ou avec subtilité, en ayant l’air de rien, des bandes dessinées dégomment les stéréotypes de genre. À l’occasion du 8 mars et de sa symbolique journée internationale des droits des femmes, voici cinq albums qui participent au combat pour l’égalité.
| Histoires de sororité, de Caroline Cohen Ring
En finir avec le mythe de la rivalité féminine. C’est l’ambition de cette bande dessinée. Dans Histoires de sororité, Caroline Cohen Ring met à mal une histoire patriarcale qui fabrique l’idée que les femmes se sont toujours « tiré dans les pattes ». Or, si le mot s’impose de plus en plus dans le débat public et les mentalités contemporaines, la sororité est vieille comme le monde.
Dans les planches de sa BD, l’autrice se fait plaisir et organise « la réunion des sœurs de l’histoire ». Sont présentes : Cléopâtre, Jeanne d’Arc, Rosa Parks ou encore Marie Curie, des grandes figures féminines souvent représentées seules dans le cours de l’histoire, alors même que des femmes, actives et reconnues, étaient nombreuses autour d’elles, et ce, à toutes les époques. À travers une douzaine de récits, l’autrice interroge le manque d’archives autour de la sororité, pourtant intrinsèque au combat pour l’égalité. Une éloge de la solidarité et de la bienveillance entre femmes.
| Marcie, de Cati Baur
Caro a 50 ans. Pour le monde, ses collègues, les serveurs de café et les passants, elle est invisible. Après avoir été licenciée, sa fille adolescente lui glisse l’idée qu’elle ferait une super détective privée. Son super-pouvoir ? Elle est transparente, comme toutes les femmes de son âge… « Un bataillon en péri-ménopause », revendique la protagoniste qui se fait désormais appeler Marcie.
Discrète et observatrice, elle est recrutée par Dulac Détective pour enquêter sur une série d’enlèvements de chiens. La cinquantenaire active le mode filature. Mais son investigation va l’amener sur une toute autre enquête. Des quartiers de Paris à l’effervescence de New York, Marcie mène l’enquête sans relâche. À mesure que ses recherches avancent, Marcie se redécouvre, ose la couleur et les coups de folie. Un cosy mystery dessiné tout en douceur et en autodérision.
| Le prix à payer, de Lucile Quillet et Tiffany Cooper
Le couple accentue-t-il les inégalités économiques ? Avec Le prix à payer, la journaliste Lucile Quillet jette le pavé dans la mare. Comme d’autres autrices, elle considère que l’argent est la pierre angulaire de l’égalité dans les relations amoureuses hétérosexuelles.
Dans cette BD, une enquête décapante rendue ludique par l’humour mordant de la dessinatrice Tiffany Cooper, Lucile Quillet dissèque la question de l’argent, systématiquement mise sous le tapis de peur qu’elle n’écorne l’idéal du couple. Charge mentale, sacrifices professionnels et injonctions physiques… Dans la grande majorité, les femmes endossent tout et se retrouvent appauvries. Qui paie l’addition ? Est-ce une bonne idée de faire un compte commun ? Qui garde quoi lors d’une séparation ? Pour en finir avec les inégalités et les violences économiques, Lucile Quillet pose les bonnes questions. En bref : les bons comptes font les bons couples !
| Nos poils, de Lili Sohn
Pourquoi le poil féminin est-il tant détesté ? C’est la question que s’est posée l’autrice féministe Lili Sohn, qui dès l’apparition de ses premiers poils à la puberté, a voulu tous les éradiquer. Suite à cette prise de conscience, l’autrice se lance un défi : ne pas toucher à ses poils pendant une année. Dans Nos poils, une BD aux allures de carnet de bord, Lili Sohn renseigne les évolutions et les remarques qui lui sont faites, mais apporte aussi une documentation riche pour comprendre les rouages de ce tabou.
Avant de se mettre en maillot de bain sur la plage l’été ou d’avoir des relations sexuelles, la question de garder ses poils ou de les enlever se pose systématiquement pour les femmes. Mais, à mesure que ses poils poussent, Lili Sohn se réapproprie son corps et s’affranchit du regard extérieur et des diktats de la féminité. Avec sa patte pop et colorée, Lili Sohn dézingue le tabou de la pilosité féminine et offre un récit incarné, instructif et truffé de vannes !
| Ballades de Camille Potte
Il était une fois… un conte dessiné féministe ! La dessinatrice Camille Potte s’empare de l’univers fantastique des contes de fées dans Ballades, sa première longue bande dessinée, récemment distinguée par le Fauve révélation au Festival d’Angoulême en 2025. Un prince transformé en grenouille, une princesse coincée dans une tour, un dragon… Jusque-là, tous les ingrédients du conte sont présents, mais voici le twist : le chevalier servant est une chevalière !
Missionnée par le prince Gourignot de Fouët, coincé dans le corps d’une grenouille, la chevalière Gounel s’en va secourir la princesse Patine. Dans cet univers faussement médiéval – l’autrice a le souci du détail, puisqu’elle met même au point une sorte de vieux français – couplé à des influences seventies, aussi bien dans le scénario que dans son coup de crayon fluide et coloré, l’histoire repense les représentations stéréotypées, notamment des femmes, dans les contes. Avec cette BD, Camille Potte impose sa gouaille et réinvente nos imaginaires.