Entretien

Mélanie Laurent pour Le déluge : “J’ai été à plusieurs reprises en colère contre Marie-Antoinette”

23 décembre 2024
Par Alexia Francais-Arnaud
Mélanie Laurent et Guillaume Canet incarnent Marie-Antoinette et Louis XVI dans “Le déluge”.
Mélanie Laurent et Guillaume Canet incarnent Marie-Antoinette et Louis XVI dans “Le déluge”. ©Memento Distribution / Stefano Delia

À l’affiche du film Le déluge de Gianluca Jodice, en salle ce mercredi 25 décembre 2024, Mélanie Laurent et Guillaume Canet ont accepté de raconter à L’Éclaireur les coulisses du tournage.

Après Mon garçon de Christian Carion, sorti en 2017, Guillaume Canet et Mélanie Laurent se retrouvent dans un nouveau long-métrage chargé en émotions, mais surtout en histoire. Ils incarnent respectivement Louis XVI et Marie-Antoinette lors de leur incarcération en 1792 dans la tour du Temple, en attendant leur jugement, avant l’exécution. Une partie de leur vie et de l’histoire de France que personne n’avait encore racontée à l’écran. Les carnets de Cléry, valet de chambre de Louis XVI resté auprès de lui lors de son emprisonnement et jusqu’à sa mort, ont beaucoup inspiré le cinéaste Gianluca Jodice. C’est en lisant un passage sur le procès de Louis le Dernier que le réalisateur a eu l’idée de dévoiler les derniers mois du roi et de sa famille. 

Bande-annonce du film Le déluge.

Avant sa sortie officielle en salle, Le déluge a été présenté en ouverture du festival de Locarno, qui s’est tenu en août dernier. Mélanie Laurent et Guillaume Canet, métamorphosés dans ce drame grâce à la magie du maquillage et des prothèses, ont tous deux été honorés par le prix d’excellence Davide Campari, pour récompenser l’ensemble de leur carrière. À l’occasion de la sortie du long-métrage ce mercredi 25 décembre 2024, le duo a accepté de revenir auprès de L’Éclaireur sur le tournage, les difficultés qu’ils ont pu rencontrer ou encore leur rapport à leurs personnages historiquement emblématiques. Rencontre.

Qu’avez-vous ressenti lorsqu’on vous a proposé d’incarner Marie-Antoinette et Louis XVI et lorsque vous avez lu le scénario ?

Guillaume Canet : J’ai été assez surpris qu’on pense à moi. Je ne me trouvais pas forcément de ressemblance avec Louis XVI ! J’ai rencontré le réalisateur, qui avait l’air très investi dans ce projet et cette partie de l’histoire de France, que je ne connaissais pas beaucoup. J’étais très content, surtout quand j’ai lu le scénario. J’ai trouvé le personnage très intéressant, dans son état psychologique. Cet homme qui est un peu perdu dans un rôle qui ne lui va pas et qu’il est incapable de mener. Comme l’avait dit son père, Louis XV : “Après moi, le déluge.” D’où le titre du film !

Mélanie Laurent : C’était un vrai choc de lecture. Le scénario est très bien écrit et structuré. Trois actes avec trois titres très forts : Les dieux, Les hommes et Les morts. C’est assez rare d’être acteur d’un rôle aussi bien écrit et de personnages historiques. Ce sont de nouveaux costumes à enfiler qui sont terrorisants, mais on a cette chance de parler d’une partie de l’histoire où souvent les films s’arrêtaient.

Vous reconnaissez-vous dans vos personnages ?

G. C. : J’ai quelques points communs, dans la difficulté d’être avec du monde. C’est quelque chose qui me parle. Dans la description du personnage que j’ai lue, notamment dans les carnets de Cléry, qui était son valet de chambre, il décrit un homme qui n’aime pas trop le bruit et le monde. C’est vrai que je suis quelqu’un qui ne se sent pas très à l’aise quand il y a beaucoup de personnes. À part ça, je me sens très différent de lui dans le caractère. Je pense que je ne me suis jamais pris pour un dieu [rires] !

Mélanie Laurent et Guillaume Canet incarnent le couple royal qui s’est longtemps déchiré, avant de finalement se soutenir dans les derniers instants.©Memento Distribution / Fabio Lovino

M. L. : Quand j’ai préparé le film, j’ai lu la biographie de Zweig. J’ai été à plusieurs reprises en colère contre Marie-Antoinette. Quand je voyais le manque de curiosité, le manque d’envie de connexion avec tout ce qui l’entourait… Je me sens très à l’opposé de tout ça. On me reproche souvent d’avoir trop de curiosité [rires] ! Après, il faut aimer les personnages quand on les interprète. J’ai beaucoup d’empathie pour n’importe quel personnage complexe qui se retrouve confronté à la mort et qui, lorsqu’il est trop tard, a envie de devenir mère, de s’intéresser à la politique, d’être une bonne épouse, de comprendre les choses… Qui laisse derrière elle beaucoup de frivolité pour s’intéresser à tout. Il y a quelque chose dans le domaine du “déjà trop tard” qui est passionnant à jouer et à regarder, qui représente totalement l’humanité qui attend toujours d’être au pied du mur pour se réveiller… [Rires]

Comment avez-vous appréhendé le challenge du maquillage et des costumes ?

G. C. : Le déluge est effectivement un des films où j’ai eu le plus de transformations. J’avais quatre heures de maquillage tous les matins. J’avais déjà eu pas mal de maquillage sur le tournage de Rock’n roll (2017) et j’avais eu ce même genre de prothèses. Mais je n’avais pas les costumes de Louis XVI…

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M. L. : Pour ma part, j’étais très heureuse lors du moment de dépouillement le plus total, à partir de l’acte II. Lorsque j’enlevais cette perruque, j’enlevais le corset et la robe. Très vite, dans le film, Marie-Antoinette n’a plus besoin de cette prestance. Elle n’est plus bijoutée ni maquillée. J’étais alors souvent en pyjama. J’avais seulement cinq minutes de préparation. Nous n’avions pas les mêmes heures de maquillage avec Guillaume [rires] ! Je compatissais beaucoup ! C’est par ailleurs très agréable de jouer la laideur, le côté fantomatique. Ne travailler que des cernes, fatiguer le visage et jouer le dépouillement. Pour un acteur, c’est agréable de lâcher prise là-dessus et de ne plus avoir à jouer une fraîcheur ou une prestance.

L’une des scènes les plus fortes, celle où Marie-Antoinette ne peut plus retenir ses émotions et éclate, a-t-elle été la plus difficile à jouer ?

M. L. : C’était au début du tournage. Il y avait un côté : “C’est cool, on va s’en débarrasser” [rires]. J’ai un souvenir du moment où j’ai vu dans le scénario : “Elle crie comme un animal et la légende dit qu’on l’entendait à l’autre bout de Paris.” Quand j’ai lu cette phrase… Je ne savais pas trop comment on allait l’aborder [rires]. Je ne savais pas ce que j’allais en faire jusqu’à ce que je le fasse. Je ne crie jamais, donc c’est compliqué pour moi de jouer un cri. Du coup, j’ai la voix qui part dans les aigus et qui n’est pas du tout maîtrisée [rires]. C’était ça qui me terrorisait. Quand on connaît des sentiments ou des émotions qu’on a dans la vie, on sait à quoi se raccrocher. Un hurlement, c’était vertigineux pour moi. On n’a pas fait beaucoup de prises et je ne sais pas si j’aurai pu en faire d’autres, ne serait-ce qu’en termes d’endurance. Je me souviens de m’être cassé la voix très vite.

G. C. : Je n’ai pas le souvenir d’une scène qui a été particulièrement compliquée. Par contre, il y a une scène que j’ai eu beaucoup de plaisir à tourner, celle où je parle avec le bourreau. C’est une longue scène qui aurait pu être compliquée, mais j’ai pris beaucoup de plaisir, parce que j’avais vraiment le temps de faire monter quelque chose. J’ai vécu un moment extrêmement sympathique en tant qu’acteur. C’est très excitant pour un comédien d’avoir le temps de jouer sans être interrompu. C’est un beau souvenir.

Mélanie Laurent et Guillaume Canet dans les rôles de Louis XVI et Marie-Antoinette, attendant le procès du roi.

Le déluge, de Gianluca Jodice, avec Guillaume Canet et Mélanie Laurent, 1h41, en salle le 25 décembre 2024.

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