Critique

Avec Fantasian Neo Dimension, que cherche vraiment à prouver le créateur de Final Fantasy ?

04 décembre 2024
Par Valérie Précigout (Romendil)
“Fantasian Neo Dimension”, le 5 décembre sur PC et consoles.
“Fantasian Neo Dimension”, le 5 décembre sur PC et consoles. ©MISTWALKER/SQUARE ENIX

Le rapprochement de Hironobu Sakaguchi avec l’éditeur Square Enix est bien plus qu’un symbole. Mais que cherche vraiment à prouver le créateur de la saga Final Fantasy en étendant la diffusion de son jeu Fantasian à un nouveau public ?

En quittant le giron de Square en 2001 pour fonder la société Mistwalker trois ans plus tard, Hironobu Sakaguchi a dû faire ses adieux à Final Fantasy. Cette franchise qu’il avait créée et portée pendant de si nombreuses années avait également révélé le talent du compositeur Nobuo Uematsu et de l’illustrateur Yoshitaka Amano. Tous deux répondront présents au moment d’apporter leur soutien aux nouveaux projets de Sakaguchi.

Gérer l’après Final Fantasy

En s’émancipant du confort octroyé par son éditeur, le créateur choisit alors de se concentrer sur des œuvres plus personnelles. Dévasté par l’échec commercial retentissant du film en images de synthèse Final Fantasy : les créatures de l’esprit qu’il avait porté à bout de bras, Hironobu Sakaguchi veut tourner la page en revenant à l’essence du RPG à la japonaise. Blue Dragon, The Last Story et surtout Lost Odyssey comptent parmi ces créations imparfaites qui finiront par gagner une place toute particulière dans le cœur des fans.

L’effet de flou des environnements de Fantasian Neo Dimension nuit un peu à la qualité des dioramas.©MISTWALKER/SQUARE ENIX

Mais c’est surtout avec le concept diaboliquement prenant du jeu mobile Terra Battle que le génie de Sakaguchi refait surface, même si son exclusivité sur smartphones limite son attrait aux yeux des joueurs. Et l’histoire fait mine de se répéter avec Fantasian : ce RPG conçu pour le service d’abonnement Apple Arcade décroche des notes très positives dans la presse, mais les passionnés de jeux de rôle passent majoritairement à côté.

L’ajout des voix japonaises (ou anglaises) constitue le point fort de ce portage.©MISTWALKER/SQUARE ENIX

Si le créateur veut offrir davantage de visibilité à son nouveau bébé, il n’a pas le choix : il doit se rapprocher de Square Enix pour renouer avec son public initial qui joue désormais sur les consoles nouvelle génération.

Square Enix au secours de Fantasian

Pour la toute première fois depuis plus de 20 ans, Hironobu Sakaguchi s’associe donc à l’éditeur Square Enix qui a désormais la main sur la franchise Final Fantasy. Ce revirement s’explique sans doute par la confiance de l’homme envers le producteur Naoki Yoshida qui est responsable du sauvetage de l’un des jeux auxquels il est devenu littéralement accro : FFXIV.

C’est donc à Naoki Yoshida que Sakaguchi confie la tâche de distribuer le portage de Fantasian à une plus grande échelle. Retravaillé pour s’adapter aux machines actuelles, Fantasian Neo Dimension s’affranchit des limites du support mobile pour tenter l’aventure sur PC, PS5, PS4, Switch et Xbox Series. Une opportunité unique pour son créateur d’interpeller le public qui l’a suivi pendant ses années Final Fantasy. Mais les joueurs sont-ils toujours en demande d’un RPG aux accents résolument old-school ?

Un Final Fantasy qui ne dit pas son nom ?

Si Sakaguchi tient autant à démontrer les qualités de son dernier projet aux possesseurs de machines nouvelle génération, il doit y a une raison. Même dans sa version remaniée, Fantasian Neo Dimension n’a pas l’envergure d’un AAA et sa réalisation revendique clairement son héritage mobile. L’important se trouve donc ailleurs que dans ses environnements numérisés à partir de sympathiques dioramas ou dans le design un peu trop lisse de ses protagonistes.

Il faut courber la trajectoire de certaines attaques pour toucher un maximum de cibles.©MISTWALKER/SQUARE ENIX

La véritable raison d’être de Fantasian Neo Dimension est qu’il s’agit d’une œuvre à la fois nostalgique et audacieuse. Le jeu s’inspire de tout ce qui a fait le succès des premiers Final Fantasy, mais expérimente aussi avec un certain brio de nombreuses mécaniques de jeu innovantes.

Le système de combat au tour par tour est repensé pour faire intervenir des trajectoires courbes ou rectilignes, le but étant de toucher un maximum de cibles à chaque frappe en ajustant nos tirs. Et de nombreuses subtilités viennent enrichir la formule au fil de la partie pour une durée de vie de plus de 50 heures.

Une problématique enfin résolue

Plus étonnant, le titre offre enfin une solution sur mesure pour nous permettre de réguler la fréquence des rencontres aléatoires de manière innovante. En stockant ces batailles dans un donjon dimensionnel (« Dimengeon ») limité à 30 puis 40 ennemis, on peut se concentrer pleinement sur l’exploration. Le joueur décide à quel moment il veut déclencher les hostilités et le fait d’affronter des dizaines d’adversaires en une seule fois représente un vrai gain de temps.

La possibilité de stocker les combats pour les déclencher librement est vraiment bienvenue.©MISTWALKER/SQUARE ENIX

Car des bonus spéciaux apparaissent régulièrement et, plus la bataille s’éternise, plus il devient possible de recourir à une attaque dévastatrice disponible une fois la jauge de Tension remplie. C’est le meilleur endroit pour tester des combinaisons de pouvoirs exploitant au maximum la possibilité de tordre la trajectoire des attaques pour faire des ravages dans les rangs ennemis.

Des références en pagaille

Sakaguchi n’a jamais caché sa préférence pour le neuvième volet, qui représente selon lui l’idéal de ce que devrait être un Final Fantasy. Et cela se ressent de manière flagrante lorsqu’on joue à Fantasian Neo Dimension. Le jeu fusionne les routines old-school des RPG les plus emblématiques avec des subtilités dignes du génie de Terra Battle. Chaque combat de boss est l’occasion de mettre à l’épreuve nos talents de stratège, au point de prendre parfois en compte leur animation pour nous obliger à les frapper à des moments bien précis.

La seconde partie du jeu est bien plus longue et ouverte que la première.©MISTWALKER/SQUARE ENIX

Ce souci du détail évite la lassitude inhérente aux affrontements classiques au tour par tour, sans oublier les clins d’œil à la saga Final Fantasy. Magie et technologie cohabitent dans l’univers de Fantasian Neo Dimension qui abrite plusieurs royaumes aux populations radicalement distinctes. L’ambiance est à la fois fantaisiste et futuriste et le terme de « Mechteria » résonne directement avec les « matérias » de FF7.

Le challenge grimpe en flèche dans la dernière ligne droite de l’aventure.©MISTWALKER/SQUARE ENIX

Rythmée par les mélodies de Nobuo Uematsu (compositeur légendaire de la saga Final Fantasy), l’aventure adopte le même type de vue à l’ancienne, avec ses angles de caméra qui masquent les coffres pour mieux nous les révéler lorsqu’on sait comment les trouver. Dans Fantasian aussi, on peut piloter son propre aéronef, affronter des pots magiques qui se gavent d’items rares, et partir à la recherche de ses compagnons dans un monde en ruine.

La présence de chaque personnage se justifie dans l’équipe.©MISTWALKER/SQUARE ENIX

Cette référence à FF6 met en évidence le fait que le jeu se divise en deux parties, l’aventure ne démarrant réellement qu’au moment où elle semble se terminer. Et c’est seulement à partir de là que la linéarité laisse place à une structure entièrement ouverte visant à développer le potentiel de chaque membre de l’équipe. Même les arbres de compétences ont le bon goût de rester modifiables en permanence pour nous inciter à expérimenter.

Le dernier pari de Sakaguchi ?

Fantasian Neo Dimension est un titre qui évolue en continu, intégrant sans cesse de nouvelles mécaniques pour déjouer toute lassitude. Il parvient à rendre chaque membre de l’équipe suffisamment unique et intéressant à jouer en nous laissant jongler entre eux sans contrepartie. Si le titre ne bénéficie pas de traduction française, il peut compter sur son doublage intégral japonais-anglais pour insuffler de la tension dans sa narration.

Espérons que ce portage offre davantage de visibilité à la création de Mistwalker.©MISTWALKER/SQUARE ENIX

Dommage que cette version n’introduise pas davantage d’améliorations, en dehors de l’affichage en 4K sur PS5, du doublage et du mode de difficulté supplémentaire. Mais il donne au titre de Mistwalker une dernière chance de trouver son public. Selon le média Bloomberg, le dépôt de marque « Fantasian Dark Edge » pourrait laisser présager d’une suite, même si Sakaguchi n’a pas souhaité apporter davantage d’éclaircissements à ce sujet.

À partir de
59,99€
Voir sur Fnac.com

À lire aussi

Article rédigé par
Pour aller plus loin