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Deauville 2024 : 50 ans de cinéma américain, entre légendes et nouveaux talents

17 septembre 2024
Par Pablo Baron
Deauville 2024 : 50 ans de cinéma américain, entre légendes et nouveaux talents
©Festival de Deauville 2024

Cette année, le Festival du cinéma américain de Deauville célèbre ses 50 ans avec éclat, réunissant des icônes du cinéma et des films qui interrogent les fractures de la société américaine.

Le 6 septembre, sous des trombes d’eau, le maire de Deauville, Philippe Augier, a ouvert la 50e édition du Festival du cinéma américain, désormais piloté par Aude Hesbert et présidé cette année par Benoît Magimel. Après les années Covid-19, la grève des scénaristes puis des acteurs à Hollywood en 2023, qui avaient contraint la venue des vedettes hollywoodiennes, cette fois-ci, les stars invitées ont toutes répondu présent.

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L’événement, qui a rassemblé 14 films en compétition, dont huit premiers films, a rendu hommage au réalisateur francophile James Gray et au documentariste Frederick Wiseman. Outre les films en compétition et les hommages, 50 films qui ont marqué l’histoire du cinéma américain étaient projetés au Morny, le fameux cinéma de Deauville – d’Intolerance (1916) de D. W. Griffith à Once upon a time in… Hollywood (2019) de Quentin Tarantino, en passant par Psychose (1960) d’Alfred Hitchcock, Easy Rider (1969) de Dennis Hopper ou encore E.T L’extraterrestre (1982) de Steven Spielberg.

Entre hommages et avant-premières, une excitation palpable

Un Deauville Talent Award a été décerné à Michelle Williams et Natalie Portman. Cette dernière a également reçu un hommage remarqué d’Isabelle Adjani. Des films en avant-première ont également suscité beaucoup d’enthousiasme, des tonnerres d’applaudissements retentissant avant chaque projection.

Natalie Portman a reçu un Deauville Talent Award des mains d’Isabelle Adjani.©Pablo Baron/L'Éclaireur

On retient notamment l’inclassable Megalopolis (déjà présenté à Cannes et qui sortira en France le 25 septembre) du grand Francis Ford Coppola qui s’est rendu sur place pour le présenter. Les spectateurs sont cependant ressortis de la salle plus dubitatifs que transportés. Idem pour le très attendu Beetlejuice Beetljuice de Tim Burton, présenté en avant-première, qui n’a malheureusement pas créé de véritable engouement, retravaillant la recette du Beetlejuice de 1988 sans vraiment innover, comme nous vous l’indiquions dans notre critique il y a quelques jours.

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A contrario, Sean Baker, fraîchement récompensé de la Palme d’or à Cannes pour son film Anora, a captivé l’audience, mêlant habilement rires et mise en valeur des travailleuses du sexe dans un récit mordant et plein de finesse. Concernant les films en compétition, de nombreux jeunes réalisateurs ont dévoilé leurs premiers films, puissants et intimistes, reflétant les nombreuses failles de la société américaine.

La nouveauté de cette année est la création d’une nouvelle récompense : le prix Nouvelle génération. Il a été décerné à la fille de l’ancien couple présidentiel américain Michelle et Barack Obama, Malia Ann (qui a utilisé son deuxième nom pour jouer la carte de l’anonymat), pour son premier court-métrage, The Heart.

Un festival américain familial

Cette année, un habitué de l’événement était l’invité d’honneur – le flamboyant Michael Douglas. « Tout le monde dit que le Festival de Deauville est spécial, mais peu de gens peuvent affirmer comme moi qu’il a changé leur vie. » L’acteur fait ici référence au coup de foudre qu’il a eu dans la station normande en 1998 pour Catherine Zeta-Jones, qui partage sa vie encore aujourd’hui.

Michael Douglas au Festival de Cannes. ©Shutterstock/Featureflash Photo Agency

Son père, Kirk Douglas, avait notamment permis à l’événement de se faire connaître à Hollywood. Né en 1975 sous l’impulsion du publicitaire Lionel Chouchan et de son ami, le critique de cinéma André Halimi, et soutenu par l’ancien maire Michel d’Ornano et Lucien Barrière, fondateur du groupe éponyme, le Festival de Deauville est parvenu à se frayer une place entre ceux de Venise et de Toronto. La famille Barrière, présente à l’événement, a rappelé son attachement au Festival, tout comme Anne d’Ornano, la femme de l’ancien maire, qui n’a jamais raté une édition depuis 50 ans.

Les travers de la société américaine

Si les films en compétition cette année sont des récits portant sur « l’héritage, la filiation et la transmission », on pouvait surtout y lire, derrière des histoires intimistes, les failles qui hantent la société américaine. À commencer par la discrimination du milieu carcéral américain avec Sing Sing, les fusillades et la prolifération des armes en Floride avec The School Duel (prix Canal+), la condition de la working class noire et la puissance de l’art dans Exhibiting Forgiveness, ou encore le système judiciaire américain faussement impartial dans The Knife (prix du jury).

Color Book, de David Fortune.©Autumn Bailey Entertainment

C’est donc un cinéma sociétal, révélé à travers des histoires individuelles fortes, que la plupart des réalisateurs ont transmis. Avec en outre deux films sur le handicap qui ont fortement marqué les esprits : Color Book (prix de la critique) de David Fortune, qui raconte la difficulté d’un père dévoué qui élève seul son fils atteint de trisomie 21 ; et A Different man d’Aaron Schimberg, avec Sebastian Stan (lauréat de l’Ours d’argent à la Berlinale 2024) et Adam Pearson, le récit d’un comédien qui jalouse un acteur souffrant d’une difformité.

Deauville 2024 a su captiver, émouvoir et faire réfléchir, confirmant une fois de plus que le cinéma américain, entre tradition et modernité, trouve en Normandie un écrin propice à l’échange et à l’émotion. Un festival qui, après 50 ans d’existence, reste plus que jamais en phase avec son temps.

Le Palmarès 2024 du festival de Deauville :

  • Grand Prix : In The Summers, d’Alessandra Lacorazza Samudio
  • Prix du jury : The Knife, de Nnamdi Asomugha
  • Prix Barrière du 50e : La Cocina, d’Alonso Ruizpalacios
  • Prix Fondation Louis Roederer de la révélation : In The Summers, d’Alessandra Lacorazza Samudio
  • Prix du public de la Ville de Deauville : The Strangers’ Case, de Brandt Andersen
  • Prix de la critique : Color Book, de David Fortune
  • Prix Canal+ spécial 50e anniversaire : The School Duel, de Todd Wiseman Jr.

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