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iPhone 13 Pro : intérêts (et limites) du format ProRes

03 décembre 2021
Par Paul Nicoué
Apple iPhone 13 Pro.
Apple iPhone 13 Pro. ©Apple

Promise par Apple lors de l’annonce de sa nouvelle génération de smartphones, la possibilité de filmer au format ProRes avec les iPhones 13 Pro et 13 Pro Max est désormais effective. Si cette fonctionnalité a été accueillie favorablement – et ce, à juste titre – par les vidéastes professionnels, son utilité pour le grand public semble un peu moins évidente.

Conformément à leur appellation, les récents iPhone 13 Pro et 13 Pro Max tentent de véhiculer une image d’outils professionnels. Dans sa stratégie de communication, Apple ne se montre d’ailleurs pas avare dans l’utilisation de ce qualificatif : les nouveaux smartphones de la marque bénéficient ainsi d’un « système photo Pro » avec une fonctionnalité Portrait qui permet de créer des « effets d’éclairage de qualité professionnelle », tandis que le nouveau mode Cinématique nous invite à changer « la mise au point comme les pros ». Le format de compression vidéo Apple ProRes est bel et bien utilisé par des cinéastes et vidéastes de métier. Il comporte donc logiquement des intérêts et limites propres à ce cadre.

Un format de compression avec une faible perte de données

Avant de définir le format Apple ProRes, il convient de s’attarder quelques instants sur la notion de compression d’images. En vidéo comme en photo, les images que l’on observe ont bien souvent été compressées dès leur enregistrement. Cela permet non seulement de les rendre aisément lisibles par des logiciels courants, mais aussi de réduire leur poids – et par conséquent de restreindre les moyens mobilisés pour leur stockage ainsi que leur partage. Dans le domaine de la vidéo, si les programmes permettant la compression de données sont variés et proposent différents algorithmes, ils reposent bien souvent sur la suppression d’informations jugées dispensables, c’est-à-dire qui impactent peu la perception générale des images par l’œil humain. Ces programmes sont appelés des codecs, le procédé de compression est l’encodage, et la quantité de données restituées après compression est notamment exprimée en bits/s.

L’application Apple Photos sur l’iPhone 13 Pro.©Apple

Le format Apple ProRes ne désigne pas un unique codec, mais un ensemble de codecs développés par Apple depuis 2007. On trouve au sein de cet ensemble deux codecs dits « sans perte de données » et six codecs « avec perte », qui nous intéressent plus particulièrement dans le cas des iPhone 13 Pro. Classés sur le site Internet d’Apple du plus qualitatif en termes de qualité d’image au plus agressif en ce qui concerne la compression des données, ces derniers sont le ProRes 4444 XQ, ProRes 4444, ProRes 422 HQ, ProRes 422, ProRes 422 LT et ProRes 422 Proxy.

Ces codecs sont considérés comme intermédiaires, c’est-à-dire qu’ils ont été conçus pour compresser des vidéos destinées à un travail en postproduction et non à une diffusion immédiate. En effet, la faible perte de données qu’ils engendrent permet, lors de l’étalonnage, de modifier la luminosité, le contraste et les couleurs des images capturées avec un faible impact sur la qualité de celles-ci. Après cette étape, il est cependant nécessaire de convertir les séquences enregistrées vers un autre format afin que des outils de diffusion classiques soient en mesure de les décoder.

Une qualité d’image exceptionnelle recherchée par les pros

Mise en avant dès le mois de septembre 2021 à l’occasion de l’annonce des iPhone 13 Pro et 13 Pro Max, la capacité à utiliser le format ProRes est en réalité devenue effective quelques semaines plus tard, par le biais de la mise à jour des nouveaux smartphones vers iOS 15.1. Pour profiter du ProRes, il suffit depuis lors de l’activer dans les réglages de l’appareil photo Apple et de sélectionner l’option avant l’enregistrement d’une vidéo.

Quelques restrictions sont cependant de mise : seul le choix du codec ProRes 422 HQ est supporté, son utilisation avec le mode Cinématique est quant à elle impossible, et les iPhone 13 Pro disposant d’une capacité de stockage de 128 Go sont limités à un enregistrement en 1080p à une cadence maximale de 30 i/s – tandis que les smartphones bénéficiant d’une capacité supérieure sont capables de filmer en 1080p jusqu’à 60 i/s et en 4K jusqu’à 30 i/s. Cette dernière limite est aisément compréhensible, dans la mesure où la qualité des fichiers générés n’a d’égal que leur poids. Ainsi, la page Web destinée à l’utilisation du ProRes avec les iPhone signale que les vidéos enregistrées avec le codec ProRes 422 HQ prennent jusqu’à 30 fois plus d’espace de stockage que des fichiers utilisant le classique codec HEVC.

En sus des évidentes contraintes de stockage et de temps de transfert relatifs au poids des fichiers, rappelons que le caractère intermédiaire du ProRes implique un flux de travail spécifique aux métiers de l’image. Si les outils logiciels développés par Apple (Photos, iMovie et Final Cut Pro) permettent de travailler les vidéos enregistrées et de les convertir vers un format adapté à leur diffusion de façon aisée, ce processus peut paraître un peu contraignant à un utilisateur non averti.

Ajoutons également que si l’utilisation du ProRes avec un iPhone 13 Pro octroie un véritable gain en termes de qualité d’image, l’absence totale de réglages manuels au sein de l’application de prise de vues d’Apple est en contradiction avec le choix d’un codec professionnel : les utilisateurs soucieux de profiter pleinement des possibilités offertes par le format ProRes doivent donc s’orienter vers une application tierce, telle que FiLMiC Pro. Cette dernière est payante, mais elle a le mérite de proposer de nombreux paramétrages, ainsi que quatre codecs Apple ProRes différents (ProRes 422 HQ, ProRes 422, ProRes LT et ProRes Proxy).

L’application FiLMiC Pro sur l’iPhone 13 Pro.©FiLMiC

Bien qu’Apple déploie des arguments relativement similaires pour nous convaincre des bienfaits du mode de prise de vues Cinématique et de la capacité à filmer en ProRes des iPhone 13 Pro, ces deux fonctionnalités entretiennent en fait des liens très différents avec le milieu professionnel de la captation d’images. Malgré son caractère ludique et sa facilité de prise en main pensée pour un large public, la première manque un peu de maturité pour mimer à 100 % un véritable dispositif cinématographique.

A contrario, le format ProRes constitue pour sa part un outil réellement utilisé par des professionnels depuis plusieurs années, mais a cependant encore un peu de mal à prouver son utilité au sein d’un smartphone encore destiné à une utilisation quotidienne. En définitive, la juste place d’une telle fonctionnalité se trouve certainement entre les mains de vidéastes amateurs mais néanmoins confirmés, de YouTubeurs et autres influenceurs, ou encore d’étudiants en cinéma, tout en ouvrant, il est vrai, un champ de possibilités créatives à un public non professionnel.

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Paul Nicoué
Paul Nicoué
Journaliste
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