Décryptage

Les sagas nostalgiques : redécouvrir les étés ciné de la décennie 2000

11 juillet 2024
Par Robin Negre
“Pirates des Caraïbes : le secret du coffre maudit”.
“Pirates des Caraïbes : le secret du coffre maudit”. ©Disney

Au cours de la décennie 2000 et 2010, les blockbusters ambitieux et les fresques épiques étaient nombreuses sur grand écran, invitant à chaque nouvelle saison estivale les spectateurs à retrouver des univers bien particuliers. Retour sur une époque que les moins de 20 ans n’ont pas pu connaître avec trois sagas désormais mythiques.

1 Pirates des Caraïbes : la folie de Gore Verbinski

En août 2003, les studios Disney sortent une ambitieuse adaptation de leur attraction phare Pirates des Caraïbes. Dans La Malédiction du Black Pearl, le réalisateur Gore Verbinski s’amuse à revisiter le film de piraterie avec ses pirates fantômes, en piochant dans les symboles de l’attraction – la chanson célèbre, la ville abordée par des pirates –, tout en développant un réel savoir-faire à travers l’inventivité de sa mise en scène.

Jack Sparrow dans la saga Pirates des Caraïbes. ©Disney

Le film est un immense succès et le cinéaste se voit confier la tâche de réaliser deux suites, tournées en même temps pour continuer les aventures d’un trio désormais célèbre : Jack Sparrow, Will Turner et Elizabeth Swann. Ce qui était un simple film d’aventure haut en couleur se transforme alors en fresque épique totalement folle, utilisant la mythologie maritime et un sens du macabre surprenant pour un film de cette ampleur estampillé Disney. 

Symbole de liberté et d’inconnu

Pirates des Caraïbes : le secret du coffre maudit (juillet 2006) et Pirates des Caraïbes : jusqu’au bout du monde (mai 2007) s’apprécient comme un diptyque unique revigorant les étés 2006 et 2007, avec leur fin ouverte sur un cliffhanger et une sensation de grandeur. Films d’aventures sur les mers paradisiaques à la chaleur exotique, ils ne s’empêchent pas de voyager jusqu’au bout du monde et dans les profondeurs poisseuses, glacées, verdâtres des océans.

Face au trio de tête, l’impressionnant Davy Jones et son redoutable Kraken continuent de figurer au panthéon des grands vilains de cinéma et restent une référence en termes de design et d’effets spéciaux. Gore Verbinski voit les choses en grand et ne se dérobe jamais quand il s’agit d’offrir des scènes ambitieuses. Tout est d’une lisibilité exemplaire.

Davy Jones dans la saga Pirates des Caraïbes. ©Disney

Outre son panache rappelant la grande période Errol Flynn et Buster Keaton (la chute comme langage cinématographique est une part importante de la saga), la trilogie Pirates des Caraïbes possède également un fond passionnant, acceptant de mettre en scène des personnages égoïstes, solitaires, évoluant selon leurs simples désirs.

Dans Pirates des Caraïbes : jusqu’au bout du monde, un habile jeu d’alliances et de trahisons se construit et fluctue tout au long de l’intrigue en fonction des motivations propres à chacun.

Plus de 15 ans après, la première trilogie Pirates des Caraïbes a une saveur particulière. Le public de l’époque (tout comme une nouvelle génération) étant passée à côté réalise la véritable richesse des films de Verbinski. Dans le paysage des blockbusters dits familiaux, le diptyque composé du deuxième et troisième film a tout d’un ovni et d’une anomalie.

Trop fou, trop beau, trop intense, trop assumé même, dans ses thèmes, ses propos, ses visuels, ses personnages. Il n’y a plus vraiment de blockbusters semblables désormais. D’ailleurs, les deux suites, La Fontaine de jouvence et La Vengeance de Salazar, échoueront à garder la barre si haute.

2 Transformers : la démesure façon Michael Bay

En juillet 2007, une autre saga fait son apparition sur les écrans de cinéma : Transformers. Le premier volet, réalisé par Michael Bay, s’inspire de la célèbre gamme de jouets et de la série des années 1980, dévoilant une guerre entre robots sur Terre.

Pendant dix ans, le cinéaste retrouve Optimus Prime et ses compagnons pour cinq films repoussant chaque fois les limites de la démesure, profitant de la saison estivale pour proposer des blockbusters décomplexés. 

Transformers. ©Paramount

Si la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, la saga Transformers condense la liberté artistique des années 2000 et 2010. Le cinéma d’action à gros budget a atteint un nouveau stade. Il n’y a plus aucune limite à ce que les effets spéciaux peuvent reproduire ou réaliser.

Dès le premier film, Michael Bay se sert de la richesse de l’époque pour proposer une invention de transformations sans limites. Dans un déluge d’action et d’adrénaline, il pose les bases de sa saga sans jamais en dévier : les « gentils » Autobots face aux « méchants » Decepticons, et les humains au milieu.

Il ne faut pas oublier la quintessence absolue de l’époque et des années 2007 : la fin optimiste sur fond de Linkin Park grâce au morceau culte What I’ve Done. Les années 2000 resplendissent.

C’est le “Bayhem”

Quatre films plus tard, Michael Bay est toujours une référence de l’action et de la démesure. L’histoire est de plus en plus limitée, les personnages se résument à des archétypes, mais en un simple mouvement de caméra, le réalisateur parvient à montrer sa supériorité : entre les explosions, les transformations incessantes, les réactions hallucinées des protagonistes et l’inventivité du cadre (constamment en mouvement), le langage cinématographique de la démesure façon Michael Bay (souvent intitulé « Bayhem ») s’établit. Souvent copié, rarement égalé.

La bande-annonce de Transformers : l’âge de l’extinction.

Au début des années 2010, le genre du blockbuster s’éprend de cette surenchère dans l’action. En été 2013, Michael Bay n’est pas présent avec ses Transformers, mais deux films représentent bien cette nouvelle façon d’envisager le blockbuster estival : Pacific Rim de Guillermo Del Toro et Man of Steel de Zack Snyder.

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Dans un style différent, les deux longs-métrages proposent, à quelques semaines d’intervalle, un spectacle d’action en continu, porté par une vision artistique précise et un propos personnel. Le blockbuster d’auteur est de retour sur les écrans, et ce, depuis la sortie en juin 2005 d’un film fondateur du nouveau millénaire : Batman Begins, de Christopher Nolan.

3 The Dark Knight : le héros selon Christopher Nolan

Retour au début des années 2000 : la mode des super-héros au cinéma commence à gagner de l’importance avec les succès de Spider-Man et de X-Men. Du côté de chez DC Comics, Warner veut réintroduire son héros le plus mythique : Batman. Le réalisateur Christopher Nolan s’empare du personnage avec une vision propre, basée sur l’ultraréalisme et le militarisme.

Christian Bale dans la peau de Batman. ©Warner Bros.

Le cinéaste traite du super-héros en questionnant les symboles et les thèmes : peur du terrorisme, réponse culturelle au traumatisme du 11 septembre, propos sur la vengeance et la justice. Batman Begins sort en juin 2005 et change la façon de mettre en scène les comics.

Un chef-d’œuvre du genre super-héroïque

Christopher Nolan instaure un rendez-vous : il sort ses films en été et décide de faire un film original entre chaque volet de sa trilogie Batman. Après Le Prestige en 2006, il retrouve Bruce Wayne avec The Dark Knight : le chevalier noir en 2008, chef-d’œuvre absolu du genre, marqué par la prestation légendaire d’Heath Ledger en Joker et par le propos du film sur l’anarchie, la corruption et, bien évidemment, la folie.

Heath Ledger dans la peau du Joker.©Warner Bros.

Le public attend désormais la conclusion de la saga. Le décès brutal d’Heath Ledger – qui obtient l’Oscar du meilleur acteur dans un rôle secondaire à titre posthume – oblige Christopher Nolan à repenser son Batman suivant. Il voulait initialement montrer le procès du Joker et le faire à nouveau interagir avec le Chevalier noir.

Sans Heath Ledger, l’idée est inconcevable. Alors il décide de briser physiquement son super-héros, en introduisant un ennemi plus musclé : Bane, incarné par Tom Hardy.

Le premier teaser cryptique de The Dark Knight Rises.

Avant la sortie de The Dark Knight Rises en juillet 2012 (l’attente est intenable !), le réalisateur continue d’explorer des projets plus originaux et sort Inception en 2010, autre symbole du cinéma d’auteur à gros budget. Avec The Dark Knight Rises, il met un point final à sa trilogie, et traite de la résilience, de la deuxième chance et du sacrifice. Le film est un long voyage initiatique pour Bruce Wayne, contraint de se reconstruire (physiquement et mentalement) après avoir été brisé.

Une façon pour Christopher Nolan de faire face à la mort d’Heath Ledger aussi, et de pousser le développement du mythe super-héroique plus loin, en montrant les failles, les échecs, mais aussi l’importance des symboles. Juillet 2012 apparaît comme une libération pour toute une génération s’étant intéressée à Batman grâce à Christopher Nolan en 2005. Dans la chaleur étouffante de l’été, le public entre dans les salles de cinéma et assiste à la conclusion d’une ère. 

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