Le nom de Naoki Yoshida ne vous dit peut-être rien. Pourtant, il est adulé par des millions de joueurs d’un seul jeu. Sous son impulsion, l’un des pires échecs de l’industrie vidéoludique est devenu un succès universel. À l’occasion de la sortie de Dawntrail, sa nouvelle extension, nous vous proposons de revenir sur l’histoire hors du commun de Final Fantasy XIV.
Si l’on vous parle de Final Fantasy, il y a de grandes chances que vous pensiez instinctivement aux premiers épisodes parus en Europe sur PlayStation (le septième en tête). Et si l’on vous demande quel nom vous associez à cette licence, le premier qui vous viendra en tête sera très sûrement Nobuo Uematsu, compositeur mythique associé aux dix premiers volets de la série de RPG. Peut-être serez-vous également tenté de citer, avec un soupçon d’élitisme, Hironobu Sakaguchi (créateur de la saga) ou Tetsuya Nomura (réalisateur et designer de nombreux opus, dont Final Fantasy VII Remake, pour ne citer que lui).
Mais s’il y a un nom qui fait désormais office de référence pour beaucoup de fans, c’est bien celui de Naoki Yoshida, alias « Yoshi-P », l’homme qui a sauvé Final Fantasy XIV, itération multijoueur en ligne de la célèbre série de jeux de rôles japonais de Square Enix, et en a fait un titre universellement acclamé depuis maintenant dix ans.
Le onze victorieux
Pour comprendre pourquoi Final Fantasy XIV a été « sauvé », il faut d’abord savoir pour quelle raison il fallait le faire. Pour cela, il est nécessaire de revenir plus de 20 ans en arrière, lorsque Square Enix prend le risque de faire de son onzième épisode un jeu de rôle en ligne massivement multijoueur (ou « MMORPG »). Après dix opus jouables intégralement en solo, du tout premier paru en 1987 au Japon sur Famicom (appelée NES en Occident) jusqu’au dixième sorti sur PlayStation 2 en 2001, le célèbre éditeur tente un pari qui se révèle payant en surfant sur la popularité de la licence.
Un an après Final Fantasy X paraît donc, en toute logique, Final Fantasy XI, qui connaît un certain succès sur PC, bien qu’initialement sorti sur PlayStation 2 et ultérieurement sur Xbox 360. C’est à son époque le MMORPG le plus joué au Japon, avec des pics de plusieurs centaines de milliers de joueurs simultanés au milieu des années 2000, le cap des 2 millions de personnages actifs étant atteint en 2009. Trois ans plus tard, il est le jeu le plus rentable de l’histoire de la franchise, devançant donc tous les épisodes traditionnels.
Le droit à l’erreur
Dans ces conditions, renouveler l’expérience sur une nouvelle génération de machines tenait de l’évidence pour l’éditeur, et c’est dans ce contexte que commence en 2005 le développement de celui qui ne répond à l’époque qu’au nom de code « Rapture ».
Il faut dire que la PlayStation 3 n’est pas encore sortie… pas plus que Final Fantasy XII. On ne parle même pas encore d’un « XIII », et on est à des années-lumière d’imaginer que c’est le « XIV » qui succédera au XI en tant que nouveau MMORPG. Sa sortie s’effectue donc en septembre 2010, exclusivement sur PC, et c’est un échec absolu.
La raison ? Des bugs multiples que les mises à jour successives ne parviennent pas à résoudre, une interface peu adaptée et critiquée par les joueurs, et une sensation de produit encore en phase de bêta en dépit d’un aspect artistique séduisant. La version PlayStation 3 est ainsi repoussée à plusieurs reprises et ne voit jamais le jour. Final Fantasy XIV Online a littéralement été « débranché » en novembre 2012, mais une version 2.0 était alors en préparation.
En cas de doute, reboot
C’est à Naoki Yoshida que fut alors confié le projet de plus ou moins « rebooter » Final Fantasy XIV, qui connaît une nouvelle naissance sous le titre on ne peut plus évocateur A Realm Reborn (« Un royaume né de nouveau » en français). Âgé d’à peine 40 ans et crédité uniquement de titres relativement mineurs dans sa jeune carrière, comme quelques épisodes de second plan de Dragon Quest, ce designer va accéder à une notoriété quasiment sans précédent en se dévouant corps et âme au projet de relance d’un MMORPG que tous pensaient mort, avec un succès hors du commun.
En relançant Final Fantasy XIV Online avec une toute nouvelle histoire, un moteur de jeu tout neuf et une interface infiniment plus confortable pour les joueurs, Square Enix se refait non seulement une image, mais aussi une santé financière, enregistrant des résultats en très large hausse après quelques années délicates ayant notamment conduit à la démission de son président (dont l’ultime fait d’armes fut de confier le projet de Final Fantasy XIV “2.0” à Yoshida).
Un retour en force hors du commun
Depuis 2014 et les premiers retours financiers notables, le MMORPG de Square Enix n’a cessé de gagner en popularité. Sorti en août 2013 sur PC, où se situe le cœur de son audience, il débarque sur PlayStation 4 en avril 2014 et même sur Mac l’année suivante. Lorsque la génération suivante de consoles est enfin installée, il connaît un portage PlayStation 5 six mois après la sortie de cette dernière, et même sur Xbox Series en mars 2024.
Entre-temps, quatre extensions majeures sorties tous les deux ans ont permis d’étoffer son univers et son scénario, loués par une communauté en croissance perpétuelle rassemblée autour d’événements communautaires comme le Fan Festival annuel et des concerts intégralement dédiés à ce MMO totalement à part dans l’univers de Final Fantasy, porté par les compositions musicales mémorables de Masayoshi Soken.
Le nouveau MMORPG de référence ?
Même si le duo Yoshida-Soken a tenté depuis l’expérience de l’épisode solo plus conventionnel en imposant sa patte sur Final Fantasy XVI en 2023, c’est bel et bien Final Fantasy XIV qui est (de loin) le jeu le plus joué et apprécié de la célèbre licence : il compte aujourd’hui plus de 30 millions de joueurs, est devenu plus qu’un concurrent pour World of Warcraft, dont il piétine allègrement les platebandes, et il est tout simplement le plus grand succès commercial de l’histoire de Square Enix en près de 40 ans.
Cette année, Final Fantasy XIV Online accueille sa cinquième extension, après Heavensward (2015), Stormblood (2017), Shadowbringers (2019) et Endwalker (2021). Intitulée Dawntrail, elle emmènera les joueurs à la découverte d’un nouveau continent, le Tural, et leur promet de prolonger encore un peu plus une expérience extrêmement riche (nouveaux jobs, raids, donjons inédits), que l’on imagine déjà très soignée avec une refonte graphique modernisant quelque peu son rendu, plus de dix ans après sa sortie initiale. Ceci grâce à l’investissement de Naoki Yoshida et de ses équipes dans ce qui est devenu aujourd’hui un titre culte, immensément apprécié et clairement conçu par des fans, pour des fans.
Final Fantasy XIV: Dawntrail, le 2 juillet 2024 sur PC, Mac, PS4, PS5 et Xbox Series.