Reportée une première fois en raison de la crise sanitaire, cette exposition rassemble un lot inédit d’aquarelles réalisées par Gustave Moreau (1826-1898) qui illustrent pas moins de soixante-quatre fables de Jean de la Fontaine.
Pour la première fois depuis plus d’un siècle, le public est invité à se délecter de cette série d’illustrations des Fables de La Fontaine par le peintre symboliste Gustave Moreau, plus généralement connu pour ses grandes toiles mystiques d’inspiration littéraire, biblique ou mythologique. Une exposition qui jette la lumière sur un pan méconnu de son œuvre, étant donné le secret relatif dans lequel ont reposé ces aquarelles pendant plus d’un siècle. Issues d’une collection privée, celles-ci étaient pour la dernière fois exposées conjointement au public en 1906.
C’est donc en plein coeur de La Nouvelle Athènes, ce quartier du 9e arrondissement de Paris prisé des artistes romantiques du XIXe siècle – à l’instar d’Eugène Delacroix, Alexandre Dumas, George Sand ou Frédéric Chopin – que les soixante-quatre illustrations des Fables ont enfin pu être réunies grâce au musée national Gustave Moreau, dans ce qui fut à la fois la maison et l’atelier du peintre. Une exposition d’autant plus compliquée à mettre sur pied que vingt-huit de ces aquarelles seront spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale et ne sont connues aujourd’hui qu’à travers des photographies en noir et blanc. Pour combler ce manque, les commissaires de l’exposition ont pris le pari de mettre en avant les dessins préparatoires aux œuvres manquantes plutôt que de les exposer à travers leurs traces photographiques, rendant ainsi compte du processus créatif du peintre.
« Je me sers d’Animaux pour instruire les hommes. »
Jean de La Fontaine
Scénographiquement, les trente-cinq aquarelles colorées dessinées pour Antony Roux (1833-1913), commanditaire des illustrations, côtoient les nombreux dessins et aquarelles préparatoires tout au long de l’exposition, distinguées seulement – au-delà de l’aspect évidemment inachevé de ces dessins – par la couleur des cadres : dorés pour les oeuvres préparatoires, noirs pour les aquarelles achevées. Un parti pris qui facilite nettement le parcours de l’exposition, dans un cadre déjà foisonnant (le musée à lui seul vaut le détour). On retrouve ainsi les fables les plus emblématiques de La Fontaine telles que Le Corbeau et le Renard, La Cigale et la Fourmi, Le Loup et l’Agneau ou encore Le Rat de ville et le Rat des champs, pour lesquelles Moreau témoigne d’une grande maîtrise formelle acquise, entre autres, au cours des observations qu’il mène au Muséum d’histoire naturelle ainsi qu’auprès des peintres hollandais exposés au Musée du Louvre. On y découvre également des fables plus méconnues où Moreau laisse libre cours à son onirisme, à l’image du Dragon à plusieurs têtes et à plusieurs queues ou de l’Allégorie de la fable, une des deux premières œuvres livrées à Antony Roux en 1879 et qui constitue le frontispice de l’ouvrage. Il ne reste plus qu’à espérer que ces aquarelles exceptionnelles ne retourneront pas dans l’ombre pour les cent ans à venir.