Critique

34 ans après, Présumé innocent renaît de ses cendres grâce à Jake Gyllenhaal

11 juin 2024
Par Pauline Weiss
“Présumé innocent” est disponible sur Apple TV+ depuis le 12 juin.
“Présumé innocent” est disponible sur Apple TV+ depuis le 12 juin. ©Apple

Diffusée sur Apple TV+ à partir du 12 juin, la nouvelle minisérie judiciaire de David E. Kelly (Big Little Lies) offre à l’acteur américain son premier rôle d’ampleur sur le petit écran.

Décidément, le petit écran n’en finit plus de s’attaquer aux reboots de films cultes. Après Faux-Semblants, remake de l’œuvre de David Cronenberg de 1988, et Liaison fatale, nouvelle version du long-métrage d’Adrian Lyne, toutes les deux sorties en 2023, Présumé innocent (1990) a aussi le droit à sa série. Un pari ambitieux, mais globalement réussi.

Un remake du film avec Harrison Ford

Adaptation du best-seller de Scott Turow de 1987, le long-métrage réalisé par Alan Pakula et incarné par Harrison Ford apparaît régulièrement dans les classements des meilleurs thrillers ou films de procès américains (les États-Unis en raffolent). À partir de ce 12 juin, Apple TV+ (plateforme qui brille par ses séries de qualité, trop sous-estimées) dévoile son reboot pensé par l’une des grandes figures du petit écran : David E. Kelley, showrunneur de Big Little Lies (2017-2019), The Undoing (2021) ou encore Nine Perfect Strangers (2021-).

Le rôle principal est confié à Jake Gyllenhaal (aussi producteur), que l’on pourrait surnommer « l’homme des remakes », après sa réinterprétation du personnage de Patrick Swayze dans le film Road House, disponible sur Prime Video depuis mars. Ici, son rôle est tout autre, davantage du côté du polar, genre dans lequel l’acteur nous a déjà convaincus, notamment en inspecteur de police dans Prisoners (2013) de Denis Villeneuve.

Comme beaucoup d’autres figures d’envergure à Hollywood, le comédien trouve enfin un rôle de premier plan dans une série. Il confirme que, 23 ans après sa révélation dans Donnie Darko et des choix récents plus contestables, il est, à 43 ans, toujours l’un des meilleurs acteurs de sa génération.

Le duo efficace Jake Gyllenhaal-Renate Reinsve

Gyllenhaal incarne donc Rusty Sabitch, procureur adjoint de Chicago, époux et père de deux adolescents. Une carrière et une famille parfaites, ou presque. Le tableau s’assombrit avec l’annonce du meurtre de sa collègue, aussi procureure, Carolyn Polhemus, avec qui il entretenait une liaison. La victime est, elle, jouée par la Norvégienne Renate Reinsve (merveilleuse dans Julie en 12 chapitres) que l’on voit uniquement au cours de flashbacks.

Opter pour un remake en série plutôt qu’un film est un choix audacieux et pertinent qui accentue le côté thriller. Présumé innocent présente une structure différente, s’ouvrant sur une scène de procès avec un procureur, Rusty Sabich, qui pose la question de la preuve de la culpabilité.

©Apple TV+

Au long du premier épisode, Rusty Sabich n’est qu’un homme de justice chargé de trouver l’assassin de sa collègue. En prenant soin de ne pas révéler qu’il avait une liaison avec elle, le futur accusé informe tout de même son épouse (jouée par Ruth Negga), déjà au courant de son adultère, de la tragédie et se réfugie dans sa vie personnelle.

Quand les preuves accablantes de son passage dans l’appartement de Carolyn le soir de son meurtre sont partagées à ses supérieurs, le rythme se resserre. Rusty cesse de jouer au caméléon, devient le principal suspect, puis clame son innocence en préparant sa défense face à la pression médiatique.

©Apple TV+

La séquence la plus intéressante s’ouvre alors. Plus que dans le film de 1990, la série donne de la place au procès, au rôle de l’avocat de Rusty (avec de nouvelles péripéties et un épisode 6 marquant) et souligne les stratégies mises en place pour trouver le meurtrier.

Là encore, de nouvelles pistes qui n’étaient pas mises en avant dans la version avec Harrison Ford sont présentées. Avec un budget conséquent, Apple TV+ s’offre aussi de beaux seconds rôles joués par Bill Camp (Le jeu de la dame), O-T Fabenle (La servante écarlate), Toni Collette (The Staircase), ou encore Peter Sarsgaard (Memory).

Un suspense renforcé par un scénario convaincant

Surtout, le spectateur doute beaucoup : un tour de force scénaristique signé J.J Abrams (showrunneur de Lost : les disparus, et aussi à la réalisation des derniers Star Wars) avec des ingrédients similaires à The Undoing, que semble apprécier David E. Kelly. Dans la minisérie avec Nicole Kidman et Hugh Grant, le couple était déjà décortiqué alors que l’époux se retrouvait accusé du meurtre d’une jeune femme qui était, elle aussi, sa maîtresse.

La finesse d’écriture est davantage présente dans Présumé innocent. La minisérie multiplie les flashbacks pour nous montrer à quoi ressemblait la liaison entre l’accusé et la victime. Dans la veine des productions à gros budgets de ces dernières années, les scènes de sexe sont nombreuses et bien menées.

©Apple TV+

Présumé innocent s’ancre dans son époque et évite aussi les biais sexistes frappants véhiculés par le film de 1990. L’ambivalence du personnage, procureur devenu obsessionnel de sa collègue jusqu’à multiplier les appels et refuser la rupture, est soulignée par le jeu efficace de Gyllenhaal et une mise en scène prêtant attention aux lieux et aux détails.

Jusqu’au septième épisode (le dernier n’a pas encore été mis à la disposition des journalistes), le suspense fonctionne et la question se pose toujours : Rusty Sabich est-il coupable ? Si l’on doutait de la pertinence de dérouler cette série sur près huit heures, la mission est réussie. Réponse finale le 24 juillet.

Présumé innocent, créée par David E. Kelley et J.J. Abrams. Huit épisodes sur Apple TV+. À partir du 12 juin (deux épisodes) puis un épisode par semaine jusqu’au 24 juillet 2024.

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