Critique

Festival de Cannes : on a vu le dernier film de Daniel Auteuil et on s’est pris une (petite) claque

22 mai 2024
Par Agathe Renac
“Le fil” est réalisé et incarné par Daniel Auteuil.
“Le fil” est réalisé et incarné par Daniel Auteuil. ©Zinc

Derrière et devant la caméra, l’acteur et réalisateur parvient à surprendre ses spectateurs avec Le fil, un film de procès qui ne révolutionne pas le genre, mais brille par sa justesse.

On ne présente plus Daniel Auteuil. Nommé 14 fois aux César, le comédien français a remporté deux statuettes et marqué la Croisette en 1996 avec le film Le huitième jour pour lequel il a reçu le Prix d’interprétation masculine. Près de 30 ans plus tard, il foule de nouveau les marches rouges non pas en tant qu’acteur, mais comme réalisateur pour présenter son nouveau long-métrage en Séance spéciale, Le fil. Il y tient le premier rôle, Jean Monier, un avocat convaincu de l’innocence de son client : un père de famille incarné par Grégory Gadebois (Les choses simples) et accusé du meurtre de sa femme. Un film de procès qui résonne tristement avec l’actualité, quand on sait qu’en 2023, 103 femmes ont été tuées par leur compagnon ou leur ex en France.

« Ni coupable évident, ni innocent crédible »

Le long-métrage de près de deux heures fait des allers-retours entre passé et présent, entre l’arrestation de Nicolas Milik en 2017 et son procès en 2020. Son avocat commis d’office, Maître Jean Monier, n’avait plus plaidé aux assises depuis 15 ans et avait définitivement tiré un trait sur les dossiers criminels après avoir innocenté un meurtrier récidiviste. Cependant, cette affaire a quelque chose de spécial.

« Ni coupable évident, ni innocent crédible », le père de famille parvient à toucher l’avocat, persuadé que ce grand gaillard sensible est accusé à tort. En trois ans, sa version n’a pas changé : le soir du meurtre, il s’est disputé avec sa femme qui était, une fois de plus, alcoolisée, avant de se rendre au bar de son ami Roger pour lui confier ses problèmes et boire un verre de lait. Mais s’il n’est pas le meurtrier, qui a tué et égorgé la mère de ses enfants ?

©Zinc

Autant l’avouer tout de suite : Le fil ne révolutionne pas le genre. Un an après la diffusion d’Anatomie d’une chute et du Procès Goldman sur la Croisette, le pari de concurrencer ces œuvres primées était osé. Cependant, Daniel Auteuil n’a pas à rougir de son travail. Il propose un long-métrage maîtrisé qui se démarque par sa justesse, aussi bien dans son écriture que dans le jeu de ses acteurs.

Tout est millimétré, et le réalisateur ose même des punchlines humoristiques bienvenues et toujours bien placées, malgré la gravité de la situation. Le scénario est sublimé par l’interprétation du duo principal très convaincant qui parvient à susciter l’empathie du spectateur. Si Daniel Auteuil et Grégory Gadebois portent le film, Alice Belaïdi, plus discrète à l’écran, excelle aussi dans son rôle de procureure dévouée et déterminée.

La violence du quotidien

Le fil prend son temps pour installer une ambiance, un contexte et des personnages complexes et intéressants. Une lenteur qu’on ne subit pas, mais qu’on apprécie. Le film nous parle de la France des petites villes, celle qui enterre ses secrets de famille et connaît chaque personne qui rentre dans le bar du coin. Cette histoire parvient à nous happer, et on se surprend même à s’identifier à ces personnes ordinaires qui se retrouvent dans une situation extraordinaire. À la barre, les témoins se succèdent et nous interrogent, nous aussi, sur ce qui est juste. Comment défendre un individu accusé de meurtre ? Est-ce vraiment moral ?

©Zinc

Dire que le long-métrage est rythmé par des rebondissements extraordinaires serait un mensonge. Cependant, les témoignages des différentes parties nous font constamment douter de la culpabilité (ou de l’innocence) de Nicolas Milik. Finalement, l’œuvre de Daniel Auteuil est un puzzle qui se construit lentement, mais avec beaucoup d’habilité… jusqu’à un final brutal et bouleversant qui nous glace le sang.

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Journaliste
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