Critique

Marcello Mio au Festival de Cannes : l’entre soi façon Christophe Honoré

22 mai 2024
Par Lisa Muratore
Chiara Mastroiani dans “Marcello Mio”.
Chiara Mastroiani dans “Marcello Mio”. ©Les Films Pelleas

Marcello Mio a débarqué dans les salles de cinéma, ce 21 mai en même temps que sa présentation cannoise. L’occasion pour la France entière de découvrir le nouveau film de Christophe Honoré. Un hommage au cinéma faiblard, loin d’avoir convaincu la Croisette.

Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, Marcello Mio est désormais accessible dans les salles de cinéma françaises. L’occasion pour les cinéphiles de la Croisette et d’ailleurs de découvrir le nouveau long-métrage de Christophe Honoré en simultané. Pour son 19ᵉ long-métrage, le réalisateur français retrouve Chiara Mastroianni, qu’il avait dirigée dans Chambre 212.

Après avoir incarné une femme adultérine dans le projet de 2019, l’actrice se glisse cette fois-ci dans la peau d’un étrange personnage, celle de son père. En effet, l’artiste interprète dans Marcello Mio le regretté acteur italien, Marcello Mastroianni, ancien compagnon à la ville comme à l’écran de Catherine Deneuve. D’ailleurs, la comédienne française participe également au film en incarnant son propre rôle, à l’instar de Melvil Poupaud et de Benjamin Biolay qui ont, eux aussi, partagé la vie de Chiara.

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Crise d’identité

Pour cette proposition cinématographique complètement métaphysique, Christophe Honoré s’est entouré de proches collaborateurs et amis afin de rendre hommage à l’un des plus grands acteurs italiens. À travers ce choix de casting, il redéfinit la limite entre réalité et fiction, et interroge la place du cinéma et de ses icônes à travers un prisme ultra-personnel.

À ce propos, le dispositif autour de Marcello Mio est intéressant. Alors en pleine crise existentielle, en tant qu’actrice, mais aussi en tant que femme endeuillée, marquée par la disparition d’un père, Chiara Mastroianni tente de le retrouver en se glissant littéralement dans sa peau.

Chapeau vissé sur la tête, costume blanc taillé sur mesure, et postiche, Chiara devient Marcello. Elle ne répondra d’ailleurs plus qu’à ce prénom tout au long du film, assumant par la même occasion ses talents d’acteur, et de séducteur.

L’équipe de Marcello Mio. ©Jean-Louis Fernandez

Certains verront dans ce point de départ une métaphore sur la transidentité, sur l’identité aussi tout court, que l’on doit redéfinir quand on perd un être cher. D’autres, une manière plutôt subtile d’adresser la polémique autour des nepobabies, l’héritage Deneuve/Mastroianni flottant constamment au-dessus de la tête de leur fille Chiara, comme le rappelle dès le début du film Nicole Garcia herself.

Un film (trop) personnel

Pourtant, c’est avant tout une lettre d’amour au cinéma et un hommage à l’une de ses plus grandes icônes qu’offre Honoré. C’est du moins l’un des éléments les plus intéressants du film : la manière dont le cinéma brouille les frontières entre la réalité et la fiction. Toutefois, on regrette de ne pas avoir été plus embarqués à travers la carrière d’un monstre de cinéma et dans les coulisses de ses rôles les plus mythiques. Peut-être parce que la raison d’être du film ne réside pas là-dedans. Peut-être parce que l’équipe de Marcello Mio y a surtout vu la chance de retrouver un fantôme du passé.

Non sans émotion, Christophe Honoré nous embarque ainsi dans l’intimité de cette famille recomposée du 7ᵉ art. On plonge dans les souvenirs de Catherine Deneuve qui, face à sa fille métamorphosée, laisse échapper un malencontreux « Mon amour », pensant s’adresser à son ancien compagnon. On notera également une scène particulièrement émouvante dans laquelle Melvil Poupaud demande les larmes aux yeux à Marcello de le disputer « comme à l’époque durant un voyage en Italie ».

Bande-annonce de Marcello Mio.

Si ces moments nous touchent, difficile cependant de pleinement se prendre au jeu de l’alter ego et d’y voir une forme d’émotion absolue. Le spectateur reste la plupart du temps en dehors du groupe, ne se laissant happer par le lyrisme de certaines scènes que rarement, notamment à travers le personnage du fabuleux Fabrice Lucchini. Par ailleurs, ce sentiment est renforcé par la mise en scène parfois trop épurée d’Honoré, un symbolisme trop abstrait, mais aussi des séquences flottant avec l’absurde et le superficiel. En témoigne celle sur le plateau de l’émission italienne sur lequel Marcello est invité.

Il en ressort un film référencé, taillé pour le groupe que Christophe Honoré s’attache à filmer, mais qu’il dirige à la perfection. Luchini brille, en effet, par son humour et son attachement presque enfantin à Marcello, Catherine Deneuve se dégage de sa pudeur tandis que Chiara Mastroianni se mue parfaitement dans le rôle de la fille et du père. Dommage que leurs prestations n’aient pas réussi à pallier les défauts du film. Marcello leur appartient. Il n’est en tout cas pas le nôtre.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste