Des parcours extraordinaires, des circonstances historiques, des records surhumains… Les Jeux olympiques et le sport en général offrent aux cinéastes un terrain de jeu idéal, entre action, performance, émotion et humanité.
Véritable sensation de la dernière édition du Festival de l’Alpe d’Huez, L’Esprit Coubertin, en salle depuis le 8 mai, nous plonge dans une histoire qui, espérons-le, ne s’annonce pas prémonitoire. Après dix jours de compétition, les Jeux sont un fiasco pour la délégation française qui ne parvient pas à gagner une seule médaille d’or.
Tous les espoirs de titres reposent désormais sur Paul, champion du monde de tir, mais athlète immature et pas très malin. Porté par Benjamin Voisin, Emmanuelle Bercot ou encore Grégoire Ludig, le long-métrage de Jérémie Sein arrive à point nommé à l’approche des Jeux de Paris. Mais confirme surtout que la médaille olympique n’en finit pas de passionner le grand écran…
| Moi, Tonya
La patineuse artistique Tonya Harding a un talent naturel et sa voie semble toute tracée vers une sélection pour les Jeux olympiques. Seule ombre au tableau : Tonya n’est pas issue d’une famille particulièrement aisée et ses tenues vulgaires et son comportement outrancier ne collent pas avec l’univers très strict du patinage.
D’autant plus face à l’angélique Nancy Kerrigan, petite princesse et favorite du public américain. Incarnée par Margot Robbie, Tonya Harding nous entraîne dans une plongée en eaux troubles. Entourée de personnes stupides et animées de mauvaises intentions, la jeune femme va ourdir un plan terrible contre sa rivale. Un plan qui conduira à l’un des plus grands scandales de l’histoire du sport. Six semaines avant les Jeux olympiques d’hiver de 1994, Nancy Kerrigan est agressée et blessée au genou avec une barre de fer, la veille des championnats américains qualificatifs pour ces Jeux.
L’enquête a démontré que l’entourage de Tonya Harding était impliqué, notamment son ex-mari ayant organisé le complot et son agent ayant blessé Nancy. Un fait divers peu reluisant pour le patinage artistique, qui n’empêchera toutefois pas Nancy Kerrigan de décrocher la médaille d’argent, tandis que Tonya Harding ne fera pas mieux qu’une huitième place.
Tiré d’un fait divers qui a passionné le monde, Moi, Tonya se révèle être un passionnant documentaire fictif, qui parvient à réhabiliter la championne déchue que fut Tonya Harding. Un parti-pris narratif, où chacun donne sa version de l’histoire, qui renvoie habilement à la surmédiatisation qu’ont connue cette affaire et les principales concernées. Une manière également de rappeler jusqu’où certains sont prêts à aller pour la gloire et la reconnaissance.
| Les Chariots de feu
Pour qu’un film entre dans la mémoire collective et dans l’histoire du cinéma, il suffit parfois d’une scène, où la puissance et l’émotion cohabitent à merveille, le tout entraîné par une musique qui devient instantanément iconique. Des jeunes gens qui courent tout de blanc vêtus avec l’Union Jack brodé sur leur tee-shirt sur une plage, filmés au ralenti sur une musique de Vangelis qui magnifie leur geste, leur élégance dans l’effort, leur joie de faire du sport en plein air et leur envie de se dépasser physiquement.
Cinq puissantes minutes qui donnent d’emblée le ton des Chariots de feu, le chef-d’œuvre d’Hugh Hudson aux quatre Oscars, dont celui du meilleur film. Il revient sur la rivalité sportive puis l’amitié de deux athlètes britanniques : Harold Abrahams, coureur anglais et juif luttant contre les préjugés et Eric Liddell, chrétien très pratiquant courant pour la gloire de Dieu. Ensemble, malgré leurs différences, réunis au sein de la même équipe, ils participent aux Jeux olympiques de 1924 à Paris avec le seul objectif de gagner.
| Eddie the Eagle
Y croire, persévérer et ne jamais lâcher, telles sont les clés, en plus de l’entraînement, d’un succès olympique. Autant de conditions qui résument parfaitement Michael Edwards, ce skieur anglais également connu sous le nom d’Eddie The Eagle, célèbre pour avoir été le premier sauteur à ski représentant de la fédération olympique britannique lors des Jeux d’hiver de 1988 à Calgary.
Surtout, en terminant double dernier aux épreuves des 70 et 90 mètres, il demeure encore aujourd’hui un symbole de l‘échec héroïque. La performance fut si marquante que, après les Jeux de 1988, le Comité international olympique créa la règle « Eddie l’aigle », visant à limiter le nombre d’athlètes amateurs aux Jeux.
Devenu un véritable phénomène le temps de ces Jeux, il eût été étonnant que l’histoire si singulière de Michael Edwards n’attire pas l’attention du cinéma. C’est chose faite en 2016, avec Eddie the Eagle, porté par le duo hollywoodien Taron Egerton et Hugh Jackman. Ce dernier joue le rôle de l’entraîneur aussi atypique que cet Anglais, handicapé par son poids et son hypermétropie, en qui personne ne croit, et forme un duo efficace avec un Taron Egerton littéralement transformé en Michael Edwards.
Dans le même registre que Rasta Rockett, Eddie the Eagle est un très bon exemple du feel-good movie, où l’émotion et les rires s’accordent aussi bien qu’une bonne paire de skis. Sans oublier de retranscrire les sensations vécues par le saut lors de quelques scènes impressionnantes.
| La Couleur de la victoire
La récente confirmation de la non-participation des athlètes russes et biélorusses à la cérémonie d’ouverture des JO 2024, en raison du terrible conflit entre la Russie et l’Ukraine, rappelle que les Jeux olympiques ne sont pas seulement une question de sport, mais aussi de politique.
Nombreuses sont les éditions à avoir été marquées par des boycotts, des manifestations, des drames en lien avec une situation internationale. Si le poing levé des athlètes afro-américains Tommie Smith et John Carlos aux Jeux de 1968 demeure l’une des images les plus poignantes du XXe siècle, que dire de celle de Jesse Owens ? Difficile de trouver meilleure contestation que celle de cet athlète afro-américain qui remporta quatre médailles d’or aux Jeux de Berlin 1936 (saut en longueur, 100 mètres, 200 mètres et 4×100 mètres)… sous les yeux d’Adolf Hitler.
En pleine montée du nazisme, face à un Führer prônant la supériorité de la race aryenne, et dans une Amérique encore en pleine ségrégation raciale, le natif d’Oakville devient un mythe et le premier sportif noir de renommée internationale. Un chapitre majeur du sport relaté dans La Couleur de la victoire, réalisé par Stephen Hopkins.
Porté par un casting convaincant, notamment Stephan James dans le rôle-titre et Jason Sudeikis dans celui du coach Larry Snyder, le film nous plonge dans les coulisses d’une édition où magouilles et politique font déjà partie de la compétition. Le long-métrage retranscrit parfaitement la tension de cette époque, notamment à travers une scène majeure : l’arrivée du champion afro-américain dans un stade hostile. Comme pour mieux prendre conscience de l’incroyable performance alors réalisée par Jesse Owens…
| Foxcatcher
Foxcatcher, c’est l’histoire vraie de Dave Schultz, catcheur médaillé olympique, pris sous l’aile d’un philanthrope lunatique, John du Pont. Mais si un tel point de départ donne parfois naissance à des histoires cocasses, le long-métrage de Bennett Miller, grâce à sa réalisation anxiogène, nous transporte dans une ambiance malsaine, où le milliardaire exerce à la fois une pression et une influence perverse sur le catcheur.
Une situation d’autant plus troublante que, derrière ce personnage de John Dupont, se cache un Steve Carell méconnaissable, aussi bien physiquement que dans son jeu. Le célèbre Michael Scott de The Office laisse ici place à un monstre manipulateur.
Face à lui, Channing Tatum et Mark Ruffalo jouent Dave et Mark Schultz, deux frères champions du monde et inséparables. Grâce à ce trio convaincant d’acteurs, Foxcatcher n’est pas juste une plongée dans le monde, brutal et spectaculaire, du catch, mais aussi une réflexion sur l’échec du rêve américain, le rapport des classes ou encore l’incapacité à la satisfaction personnelle.
| Rasta Rockett
Dans leur incroyable collection de films cultes, les années 1990 voient en 1993 une équipe de bobsleigh pas comme les autres s’entraîner à fond pour décrocher le Graal olympique. Cette équipe, c’est celle de la Jamaïque… Un pays auquel on ne pense pas forcément en premier lorsqu’il est question de Jeux olympiques d’hiver.
Véritable phénomène (15e plus gros succès de l’année), le film de Jon Turteltaub est pourtant inspiré, en partie, d’une histoire vraie. Lors des Jeux olympiques d’hiver de 1988, la Jamaïque participa en effet pour la toute première fois de l’histoire aux épreuves du bobsleigh à deux et à quatre. Une idée née de l’esprit de deux hommes d’affaires, George B. Fitch et William Malloney, après avoir observé des Jamaïcains exercer le Push Car sur les pentes de Kingston.
Contre toute attente, les autorités jamaïcaines valident leur projet et les deux hommes partent à la recherche d’athlètes. Contrairement au film de 1993, les futurs héros recrutés dans la vraie vie ne sont pas des sprinteurs, mais des militaires. D’autres éléments diffèrent également, mais le final reste le même : une équipe qui a marqué les cœurs et les esprits, mais sans décrocher la moindre médaille. Peu importe, au-delà de l’aspect comédie des années 1990, Rasta Rockett n’en demeure pas moins une formidable histoire touchante et pleine d’espérance.
| Jappeloup
C’est un fait : les Jeux olympiques doivent énormément à la France, ne serait-ce que par l’investissement du baron Pierre de Coubertin pour ramener cette compétition sur le devant de la scène à la fin du XIXe siècle. Et, inversement, la France doit beaucoup aux Jeux olympiques. Elle a déjà accueilli par trois fois les Jeux d’hiver et atteindra cet été le même total pour les Jeux d’été.
Les Jeux olympiques, c’est aussi l’avènement et la consécration d’athlètes français, comme Pierre Durand, cavalier médaillé d’or en 1988 à Séoul. Un parcours exceptionnel retranscrit au cinéma en 2013 dans le film Jappeloup. Au début des années 1980, abandonnant une carrière d’avocat prometteuse, Pierre Durand – incarné par Guillaume Canet – se consacre corps et âme à sa passion, le saut d’obstacle. Il mise alors sur un jeune cheval auquel personne ne croit vraiment : Jappeloup.
De compétition en compétition, le duo progresse et s’impose dans le monde de l’équitation. Après un terrible échec aux JO de Los Angeles 1984, le duo cravache pour revenir plus fort quatre ans plus tard. Porté par un casting de renom (Guillaume Canet, Marina Hands, Daniel Auteuil, Tchéky Karyo…) et traitant de sujets forts comme la relation père-fils, le choix cornélien entre une vie confortable mais insatisfaisante ou une passion aux résultats incertains, Jappeloup fait partie de ces films français ambitieux qui valent largement le détour.
À voir également pour la prestation convaincante de Guillaume Canet en cavalier, lui qui avait d’ailleurs débuté une carrière dans ce milieu avant une grave blessure, et qui signe sur Jappeloup le scénario et les dialogues.
Au-delà des exploits sportifs, des aventures humaines
| Munich
Lorsque le cinéma ne s’évertue pas à faire revivre le parcours héroïque ou tortueux d’un athlète ou d’une équipe, il sait capter l’effervescence, la tension et l’atmosphère si particulières qui prospèrent autour d’une édition olympique. Si les Jeux de 1968 restent une étape clé dans l’histoire du Black Power, l’édition suivante, organisée à Munich, fut tout aussi marquante… pour une terrible raison.
Réalisé et produit par Steven Spielberg, Munich raconte les attentats lors de ces Jeux olympiques d’été de 1972 où des Palestiniens, membres de l’organisation Septembre noir, prirent en otages et assassinèrent 11 athlètes de la délégation israélienne.
Hanté par la violence, Munich est un thriller prenant, peut-être l’un des meilleurs films du papa d’E.T., qui extrapole une théorie de vengeance répondant à cet attentat qui avait secoué le monde entier. Revenant sur ses thèmes de prédilection tels que l’identité juive, la famille, la Shoah ou encore la transmission, Steven Spielberg fait une fois de plus s’entrecroiser la petite et la grande histoire, tout comme il a pu le faire dans La Liste de Schindler ou Il faut sauver le soldat Ryan.
| L’As des as
Quelques années plus tôt, c’est Jean-Paul Belmondo qui effectuait ses plus belles cascades dans L’As des as, sous la direction de Gérard Oury. L’histoire de deux anciens pilotes d’avion, un Français et un Allemand, qui, après s’être mutuellement sauvé la vie lors de la Première Guerre mondiale, se retrouvent lors des Jeux olympiques de 1936. Sous le prétexte de la comédie, le film soulève néanmoins des sujets forts, notamment la question de participer ou non aux « Jeux olympiques de Hitler ».
Énorme succès commercial à sa sortie, L’As des as se doit d’être vu, en plus de l’association Gérard Oury-Jean-Paul Belmondo, pour sa stigmatisation de l’antisémitisme et de l’intolérance.
| Le Vainqueur Running
Et quand ce ne sont pas les drames de l’histoire qui inspirent les cinéastes, ce sont les drames personnels. Dans Le Vainqueur (Running), Michael Douglas incarne un laveur de voitures au mariage désastreux et dont les enfants le méprisent, qui n’a qu’un seul rêve : courir le marathon pour représenter son pays aux Jeux olympiques.
Surfant sur le succès de Rocky, sorti deux ans plus tôt, ce long-métrage nous plonge dans l’univers des marathoniens du XXe siècle et met en lumière les conséquences d’une telle épreuve sur le corps humain.