L’aventurière-archéologue la plus célèbre du paysage vidéoludique a eu droit aux honneurs, comme d’autres licences avant elle, d’une compilation remasterisée il y a quelques semaines. L’occasion de (re)découvrir les grands débuts d’une licence culte, mais aussi de s’intéresser à un personnage dont l’influence a largement dépassé les consoles.
En 1996, le monde du jeu vidéo découvre la saga Tomb Raider, alors développée par Core Design. Un jeu innovant à plus d’un titre, non seulement en imposant la vue en troisième personne dans le genre du jeu d’aventure-action, mais aussi en mettant en avant une héroïne : l’aventurière-archéologue Lara Croft.
Cette dernière est engagée pour retrouver un artefact provenant de l’Atlantide, tout en échappant aux pièges tendus par ses ennemis et en démontrant son amour pour le pistolet. Mêlant exploration, phases de plateforme, résolution d’énigmes et combats aux armes à feu, le tout dans une intrigue de blockbuster, ce premier titre rencontre un franc succès. Surtout, il demeure le point de départ d’une saga qui verra 11 autres jeux sortir, le dernier opus « original » remontant à 2018.
Parmi les sagas vidéoludiques les plus connues au monde, Tomb Raider fait aussi partie des plus vendues, avec un total qui s’élève au-delà des 85 millions d’exemplaires. Tout comme le cinéma a longtemps attendu avant d’avoir des personnages féminins en tête d’affiche, comme Ellen Ripley ou Sarah Connor, le jeu vidéo tient enfin à la fin des années 1990 son héroïne badass, qui n’a besoin de personne pour se défendre et qui ferait presque passer Indiana Jones pour un retraité.
D’ailleurs, il ne faut pas attendre longtemps pour qu’Hollywood toque à la porte de Lara. Adapter un jeu vidéo étant un énorme pari à l’époque, Hollywood voit avec cette saga l’opportunité de lancer une nouvelle franchise. Ce nouveau challenge repose sur les épaules de l’une des actrices les plus en vogue de l’époque, Angelina Jolie. Deux films sortent ainsi en 2001 et 2003, et cumulent plus de 420 millions de dollars de recettes au box-office mondial.
Une icône devenue sex-symbol en moins de temps qu’un écran de chargement
De là aurait pu naître une formidable histoire, celle d’une femme capable de tenir sur ses seules épaules un univers à plusieurs millions de dollars sans avoir besoin d’un « coup de pouce » masculin. Mais le parcours de Lara Croft est malheureusement truffé de pièges et de mauvaises surprises, comme dans chacune de ses aventures.
En 1998, le studio Eidos fait la promotion du nouvel opus consacré à l’archéologue-aventurière, Tomb Raider III. Summum du mauvais goût : une affiche publicitaire est réalisée, sur laquelle on peut voir l’héroïne dans un lit, en posture lascive et petite culotte, flanquée de la légende : « C’est encore meilleur la troisième fois. » En un claquement de doigts, l’aventurière badass est reléguée au rang de sex-symbol. Lara Croft devient même un fantasme hypersexualisé pour ses formes généreuses, notamment sa poitrine polygonale du fait de la 3D encore balbutiante.
Presque toujours court-vêtue, avec les lanières de son holster de cuisse qui rappellent des porte-jarretelles, des lèvres bien formées, l’héroïne court toujours de dos, les deux mains en l’air pour que les joueurs puissent mieux apercevoir ses fesses. Pour ne rien arranger, elle émet des petits cris bizarres quand elle tombe ou pousse des blocs de pierre. L’aventurière dure à cuire est devenue l’incarnation de la sexualisation des femmes pour attirer un public de jeunes hommes.
De quoi faire naître une ambivalence qui va faire la légende du personnage : fantasme d’un côté et marqueur féministe de l’autre. Par le simple fait d’exister, Lara Croft injecte en effet un peu de féminité dans un univers saturé de testostérone. Les débuts du personnage marquent également l’ouverture à des femmes protagonistes, amenant ainsi le girl power aux jeux vidéo.
Un renouveau bienvenu où Lara s’assume enfin comme l’héroïne qu’elle est
Comme un préambule au mouvement #MeToo et à la libération de la parole des femmes, l’avènement de Lara Croft en tant qu’icône féministe survient au milieu des années 2010. L’héroïne revient en force en 2013, dans un reboot désormais édité par Square Enix, à qui l’on doit Hitman ou Deus Ex, et sobrement intitulé Tomb Raider.
Proposant de revivre les débuts de l’aventurière, le titre offre une aventurière rajeunie et qui troque le mini-short pour un pantalon cargo. Physiquement, la nouvelle Lara Croft marque également une rupture bienvenue avec sa précédente version : la taille du corps du personnage est augmentée, la poitrine réduite, le haut est remplacé par un tee-shirt en V et la célèbre tresse laisse place à une queue-de-cheval.
Dans la lignée des jeux Uncharted, cet opus met aussi l’accent sur la narration et la psychologie : au lieu d’enchaîner les quêtes jusqu’à sa prochaine destination, on comprend l’impact psychologique de la survie tout au long des événements du jeu avec une dimension bien plus intime qu’avant.
Lara Croft se dévoile enfin, et dans le bon sens du terme cette fois. Une évolution qui fonctionne : ce nouvel opus est bien accueilli par la critique et donnera naissance à deux suites, Rise of the Tomb Raider en 2015 et Shadow of the Tomb Raider en 2018. Tout comme au début des années 2000, ce redémarrage de la licence attire à nouveau Hollywood, qui adapte en grande partie ce reboot dans un film de 2018 avec Alicia Vikander dans le rôle-titre.
En attendant un nouvel opus sur consoles annoncé comme un « retour aux sources », c’est à travers la compilation Tomb Raider I-III Remastered que l’on peut replonger dans ces premiers titres, véritables monuments de l’histoire du jeu vidéo. Graphismes modernisés, variations entre gameplay moderne ou old school, mode Photo… Cette compilation développée et éditée par Aspyr est bel et bien l’occasion que l’on attendait pour célébrer Lara Croft. L’occasion parfaite pour les fans de redécouvrir ses premières aventures dans une version modernisée, et pour les néophytes de découvrir les origines d’une légende.
