Le prodige de la littérature suisse est de retour avec un nouveau thriller, un casse-tête romanesque dont il a le secret fait d’apparences et de faux-semblants. Plongée dans l’œuvre et les habitudes d’écriture d’un écrivain brillant.
Tous les romans de Joël Dicker charrient la même obsession : les masques que nous portons, les vérités qui se cachent derrière une histoire ou un personnage. Ces zones d’ombre qui se dévoilent lorsque quelque chose déraille. Contrairement à ses doubles de papier, l’existence du romancier suisse elle, ne s’est jamais écartée de son chemin tout tracé. Jeune premier élégant, pourvoyeur infatigable de best-sellers, icône adorée de ses lecteurs, à la tête d’une petite fortune et désormais d’une maison d’édition : tout ce qu’il touche se transforme en or.
Son œuvre aussi poursuit sa course folle avec une maîtrise intacte et impressionnante de l’intrigue, du suspense et des rebondissements en pagaille. Joël Dicker emprunte aux codes de la série pour fabriquer des thrillers redoutables où les récits s’enchevêtrent, s’entremêlent, puis se percutent. Plus encore que les affaires mystérieuses qu’il bâtit, c’est sa peinture des travers humains qui nous fascine.
La déflagration Harry Québert
L’histoire de Joël Dicker, c’est celle d’une révélation soudaine et inattendue. Après plusieurs manuscrits refusés par les éditeurs et un premier roman publié dans l’anonymat le plus complet, son deuxième livre, La Vérité sur l’Affaire Harry Québert connaît une destinée hors du commun.
Imaginez un auteur suisse venu de nulle part, âgé de seulement 27 ans, qui emporte tout sur son passage, cumule plus de trois millions d’exemplaires vendus en librairie et qui se fait une place surprise sur absolument toutes les listes de prix, dont Le Grand Prix de l’Académie française et le Goncourt des lycéens, qu’il finira par remporter. Une éclosion inédite dans le paysage littéraire français.
La Vérité sur l’Affaire Harry Québert est une merveille de suspense et un roman diabolique comme on n’en avait pas vu depuis longtemps. Le jeune écrivain Marcus Goldman a connu un premier succès retentissant. Mais, depuis, c’est la page blanche. Heureusement, il a ses côtés son mentor, Harry Québert, un grand romancier américain qui lui prodigue de précieux conseils.
Mais un jour, ce dernier est arrêté pour le meurtre d’une adolescente, Nola Kellergan, disparue trente ans plus tôt et avec laquelle il entretenait une liaison secrète. Sans le vouloir, Marcus Goldman tient à travers l’histoire de son ami, qu’il croit innocent, le sujet d’un nouveau roman brûlant. En plus de la construction de l’intrigue qui donne des sueurs froides, Joël Dicker nous offre une fresque enivrante de l’Amérique rurale. À travers le personnage de Marcus Goldman, c’est aussi le pouvoir de la littérature et la responsabilité de l’écrivain qu’il questionne.
Best-seller mondial, La Vérité sur l’affaire Harry Québert sera même adapté en série avec un budget colossal et une production gigantesque assumée par la mythique société de production américaine MGM. Aux manettes, un des plus grands réalisateurs français, Jean-Jacques Annaud, et dans le rôle principal Patrick Dempsey, star planétaire du soap hospitalier Grey’s Anatomy.
Première escapade suisse
Après La Vérité sur l’affaire Harry Québert, désireux de continuer à vivre son rêve américain, Joël Dicker ajoute Le Livre des Baltimore (2015) et La Disparition de Stéphanie Mailer (2018) pour créer une trilogie dont l’action se déroule au pays de l’oncle Sam. Mais avant Un animal sauvage, L’Énigme de la chambre 622 (2020) restera comme le premier roman suisse de l’écrivain. Un livre à part où s’entremêlent réalité et fiction, vie vécue et vie inventée.
Après le décès de son éditeur, Joël prend quelques jours de vacances dans un palace de Verbier, en Suisse. Sur place, une surprise l’attend : l’hôtel lui a réservé la chambre 621 bis. Car, entre la 621 et la 623, la 622 n’existe plus depuis qu’on y a retrouvé un cadavre… Joël Dicker s’empare de cette légende, la mêle à son imaginaire fertile ainsi qu’au souvenir de la disparition de son propre éditeur et réussit un tour de force addictif. Aux côtés de la troublante Scarlett, son personnage mène l’enquête et se trouve pris au piège d’une affaire qui le dépasse, celle de la succession disputée de l’une des plus grandes banques d’affaires du pays.
Braquage à la suisse
Avec Un animal sauvage, son nouveau roman, le deuxième paru chez Rosie & Wolfe, la maison d’édition qu’il a fondée fin 2021, Joël Dicker bouscule quelque peu ses habitudes. Il dévie un peu de la typologie classique d’intrigues qui ont fait son succès. Ici, pas de meurtre, de crime ou de disparition mystérieuse, mais un autre poncif du thriller : le braquage.
Ne vous attendez pas à un récit de voleur de haut vol millimétré, un coup du siècle à la Ocean’s Eleven. À y regarder de plus près, le roman a même plutôt des airs de vaudeville ou de drame conjugal à la Desperate Housewives.
Un animal sauvage, c’est d’abord l’histoire de deux couples. Sophie et Arpad et Greg et Karine vivent l’un à côté de l’autre dans un quartier cossu de Genève. Ils sont voisins et surtout amis. Sophie et Arpad sont riches, beaux et jeunes, ils sont la perfection incarnée, mais un vernis, c’est fait pour se fissurer. Greg et Karine sont plus âgés, fragiles et touchants, leur amour semble plus émoussé. Karine jalouse Sophie pour cette vie de rêve ; Greg lui, jalouse Arpad parce qu’il partage sa vie avec la ravissante Sophie, qui l’obsède jour et nuit. Policier expérimenté, un brin pervers obsédé, il passe une bonne partie de son temps à observer le couple. Au risque de découvrir certains secrets troublants.
Grâce à une construction narrative ingénieuse multipliant les focales et les sauts dans le temps, déroulant un compte à rebours haletant jusqu’au jour du braquage, Joël Dicker recolle une à une les pièces de son puzzle et réussit une nouvelle fois le coup parfait, en orfèvre du suspense.