Saviez-vous qu’au fil de sa longue carrière d’insatiable touche-à-tout, Mario avait eu l’occasion de gérer sa propre fabrique de jouets ? C’était il y a tout juste 20 ans, en 2004, sur GameBoy Advance, dans une sorte d’hommage au mythique Donkey Kong. Mais pourquoi l’arrivée du remake de l’une des aventures les moins connues du plombier nous réjouit-elle autant ?
Roi des salles d’arcade en son temps, le gorille Donkey Kong mettait au défi un certain Jumpman d’escalader une longue succession d’échafaudages accidentés afin de délivrer sa dulcinée. Avant même qu’il ne prenne l’identité de Mario, le protagoniste affirmait dès juillet 1981 une maîtrise sans égale de la plateforme.
De là est née une multitude d’aventures mettant à l’épreuve l’aptitude des joueurs à dompter au pixel près les sauts du petit moustachu dans des niveaux toujours plus sournois. Mais, à cette époque déjà, Nintendo se refuse à enfermer sa mascotte fétiche dans un genre immuable et choisit au contraire d’en faire un personnage ultrapolyvalent, capable de relever tous les défis.
Champion toutes catégories de karting, le bonhomme se révèle en réalité un sportif accompli, s’essayant même à des propositions visant à tester son ingéniosité. Car, au-delà de ses quelques éléments de plateforme, Mario vs. Donkey Kong est avant tout un jeu de pure réflexion. Logique pour un titre conçu à destination de la GameBoy Advance, la console de Nintendo se prêtant tout à fait à la résolution de casse-têtes à savourer sur de courtes sessions de jeu.
Mais, dans le but de pimenter davantage ces défis, les concepteurs imposent une limite de temps, sans oublier une gestion précise des sauts et une parfaite notion du timing. Cette formule hybride permet à la franchise de prendre un très bon départ en 2004.
Ce qui a rendu fou le gorille en 2004
Bien que le point de départ de Mario vs. Donkey Kong soit une tragédie, il peut se résumer en quelques lignes. Le plombier se retrouve à la tête d’une immense fabrique de jouets à son effigie et même Donkey Kong rêve de se procurer quelques-unes de ces figurines. Mais les Mini-Mario rencontrent un tel succès qu’ils se trouvent vite en rupture de stock. Fou de rage, le primate décide alors de faire main basse sur tous les jouets qu’il pourra dénicher dans l’usine, obligeant son rival à se risquer à nouveau en terrain miné pour récupérer ce qui lui a été volé.
La formule magique est trouvée et Nintendo la déclinera durant plusieurs années sur ses différentes consoles portables (GBA, DS, 3DS) et même sur Wii U, en 2015. Mais le concept peine à se renouveler, précipitant progressivement la série dans l’oubli… jusqu’à cette piqûre de rappel fixée au 16 février 2024 sur Switch.
20 ans après, Mario remet le feu aux poudres
Les vieilles brouilles sont du genre tenace et la rivalité entre Mario et le gorille a souvent donné lieu à des épisodes mémorables sur la scène vidéoludique. Alors, pourquoi se priver de (re)plonger tête la première dans un cocktail de plateforme et de réflexion entièrement remis à neuf ? En imaginant les composantes de cette nouvelle version de Mario vs. Donkey Kong, Nintendo ne s’est pas contenté de dépoussiérer les anciens niveaux en leur offrant un simple lifting visuel.
De nombreux éléments inédits ont été intégrés afin que la courbe de progression soit autant adaptée aux connaisseurs qu’aux néophytes. Et certaines de ces nouvelles features renouvellent vraiment bien la proposition. Avant d’examiner tous ces suppléments de plus près, voyons déjà ce qui fait la particularité et surtout l’efficacité du concept original.
L’art du level design : un trésor d’inventivité
Dans un premier temps, notre mission consiste à trouver et récupérer les jouets Mini-Mario disséminés aux quatre coins des niveaux. Ces derniers s’apparentent à des tableaux truffés d’embûches sur un plan 2D. Pour surmonter les pièges et atteindre les précieux bonus, Mario peut compter sur son agilité en exécutant les différents types de sauts qui ont fait sa réputation, mais ses mouvements restent bien plus limités que dans un jeu de plateforme traditionnel.
Ici, c’est surtout notre matière grise qu’il faut solliciter pour comprendre comment progresser en activant des mécanismes précis qui se renouvellent tout au long du jeu. Des tremplins, des perches, des poubelles, des tapis roulants, des ascenseurs, des courants ascendants et même des queues de singes (!) peuvent être utilisés pour mettre en place de nouvelles façons d’atteindre nos objectifs.
Les concepteurs de Nintendo ont pris un malin plaisir à complexifier les niveaux en imbriquant des interrupteurs qu’il faut activer dans un ordre donné pour matérialiser ou faire disparaître des murs. Et si l’on veut mettre la main sur l’ensemble des paquets-cadeaux optionnels, les casse-têtes deviennent nettement plus corsés.
Il faut souvent faire des détours pour trouver des clés ouvrant des portes parfois éloignées, sachant que Mario ne peut pas laisser certains objets trop longtemps sans surveillance. Le design sinueux des niveaux et la présence d’ennemis de plus en plus vifs rendent notre tâche encore plus délicate et il est rare de réussir à boucler la plupart des tableaux du premier coup à 100 %.
Une tension qui va crescendo
Astucieux et prenant, le concept change brutalement lorsqu’on a réuni suffisamment de jouets pour les mettre en boîte. Il faut alors guider les Mini-Mario jusqu’à la sortie en leur indiquant la direction à suivre, sachant que les jouets n’empruntent pas forcément le même chemin que notre personnage. Il vaut donc mieux éviter de les disperser malencontreusement si l’on veut échapper à la catastrophe.
À la fin de chaque monde, Donkey Kong trépigne d’impatience en attendant la confrontation avec son ennemi de toujours dans une version modernisée des duels qui ont contribué à graver la légende du célèbre jeu d’arcade. Les nostalgiques apprécieront aussi tout particulièrement la présence de marteaux d’invulnérabilité qui apparaissent occasionnellement pour nous permettre de faire le ménage dans les rangs ennemis. Le bestiaire puise, lui aussi, dans l’intégralité des épisodes historiques de la série et multiplie les clins d’œil à la franchise.
Des suppléments qui font toute la différence
Ce remake de Mario vs. Donkey Kong ajoute deux mondes inédits pour un total de plus de 130 niveaux. La plupart des niveaux supplémentaires font intervenir des pièges qui n’étaient pas présents dans le jeu d’origine. La réalisation a été modernisée à la fois sur le plan graphique et sur le plan sonore, avec des musiques entièrement réorchestrées.
Plutôt que de faire de la figuration, les Toads qui travaillent dans la fabrique de jouets sont cette fois réquisitionnés pour nous épauler dans une proposition multijoueur totalement nouvelle. Ce mode coopératif permet en effet à deux joueurs de traverser, ensemble, les niveaux dans des versions légèrement modifiées pour s’adapter à la présence de deux personnages à l’écran. Il y a généralement deux clés à récupérer au lieu d’une, et les parties en coop locale ne sont pas forcément une promenade de santé.
En termes d’accessibilité, ceux qui trouveront les défis trop difficiles pourront supprimer la pression du chrono en activant le nouveau mode Détendu. Cela reste bien sûr optionnel, mais la présence de ce genre d’option est indispensable pour ne pas rebuter un certain public en 2024. On trouve même des checkpoints qui évitent de tout recommencer à chaque échec, ainsi que des niveaux bonus truffés de vies supplémentaires.
Cette cure de jouvence providentielle devrait donner l’occasion à tous les possesseurs de Switch de découvrir la richesse d’une formule que beaucoup d’entre eux ne connaissent probablement pas. Et pour booster sa durée de vie, ce remake s’offre même un mode Contre-la-montre qui justifie un retour dans les niveaux déjà terminés, cette fois dans l’optique du speedrun.
Mario vs. Donkey Kong est un jeu qui peut tout à fait plaire à ceux qui sont habituellement réfractaires au genre plateforme, car la réflexion y est largement prédominante. Les références à l’univers de Nintendo y sont légion et la dimension familiale de ce titre est maintenant complétée par la convivialité du mode deux joueurs qui faisait justement défaut à l’original.