Plusieurs bandes dessinées déconstruisent les schémas amoureux classiques. L’Éclaireur se penche sur ce phénomène littéraire, et sociétal, et dévoile sa sélection d’ouvrages qui célèbrent l’amour 2.0.
Comment s’aime-t-on en 2024 ? Alors que l’on s’interroge tous sur les différentes façons de s’aimer, de nombreux essais et romans, tels que Réinventer l’amour de Mona Chollet (Zones, 2021) et À propos d’amour de Bell Hooks (Divergences, 1999), nourrissent cette réflexion. Mais qu’en est-il de la bande dessinée ? Contribue-t-elle à remettre en question ces schémas ? « Bien sûr ! », répond Clothilde Delacroix, autrice de Love, etc (Delcourt, 2024), sans une once d’hésitation.
Dans sa bande dessinée, la dessinatrice met en scène une mère célibataire quadragénaire bien décidée à se remettre sur le « marché » de la drague. Sur les applications de rencontre, cette dernière découvre de nouvelles manières d’exprimer son désir. « Dans mes albums, ce qui m’intéresse, c’est de montrer les ratées. Ces femmes qui galèrent et qui ne correspondent pas aux diktats de la féminité, revendique Clothilde Delacroix. Il existe une multitude d’anti-héros de BD, dont la maladresse est touchante. En revanche, les femmes maladroites sont souvent considérées comme pathétiques et ont rarement été représentées dans des scénarios amoureux. Les “pathétiques” aussi ont droit à l’amour ! »
Ainsi, la dessinatrice rompt avec une représentation traditionnelle de l’amour en BD, longtemps dominée par un regard masculin et les clichés de genre. « Aujourd’hui, les autrices et dessinatrices sont davantage visibles et ça change la donne ! », se réjouit-elle. Fini les héros virils, les bourreaux des cœurs et les amoureuses passives dans l’attente du prince charmant. Aujourd’hui, l’amour se raconte d’un point de vue inclusif : monogame ou poly-amoureux, hétérosexuel ou homosexuel, aromantique ou encore célibat choisit. Mais, si les manières d’aimer les autres sont désormais multiples, ces nouvelles bandes dessinées prônent, avant tout, l’amour de soi !
Pour en finir avec la pression d’un idéal du couple, qui soit unique et romantique, L’Éclaireur a sélectionné cinq bandes dessinées qui cassent les codes et modernisent la romance.
1 Amours plurielles, de Laureana Alycja et Héléna Coussy
« Apprendre à s’aimer sans condition. » C’est ainsi que l’on pourrait définir le polyamour. Dans Amours plurielles, bande dessinée dérivée de son podcast éponyme, Laureana Alycja s’inspire de son propre vécu pour raconter une expérience polyamoureuse. Après plusieurs années passées dans une relation monogame, la jeune femme décide d’ouvrir son couple. Au fil des nouvelles rencontres et d’expériences inédites, Laureana pose un nouveau regard sur les autres et sur elle-même. Sous le trait poétique, presque onirique, de la dessinatrice Héléna Coussy, Laureana Alycja dévoile les richesses et les complexités du « poly » et questionne les injections au couple, notamment monogame et hétérosexuel, dans notre société.
2 Soixante printemps en hiver, d’Ingrid Chabbert et Aimée De Jongh
Est-elle passée à côté de sa vie ? Ce constat donne le vertige à Josy. Résultat : alors qu’elle fête ses 60 ans, entourée de ses enfants et petits-enfants, elle décide de changer de vie. Malgré l’incompréhension générale de ses proches, Josy prend la route dans son vieux van Volkswagen, avec son désir comme seule boussole. Une quête de liberté réjouissante qui met à l’honneur la tendresse, l’amour de soi et la sororité !
3 L’amour, après, de Baptiste Sornin et Marie Baudet
Des promesses et des beaux discours, suivis d’une inévitable désillusion… Les relations amoureuses prennent, parfois, des airs d’élection présidentielle. À travers des fragments de vie, L’amour, après capture le quotidien de Sophie et Louis, en couple depuis dix ans. Ensemble, ils réservent des vacances, font les courses, rendent visite à leurs belles-familles, se confient (ou non) à leurs amis… Une somme d’instants en apparence anecdotiques, mais fondateurs. Mais que reste-t-il une fois que l’amour s’est évaporé ? Cette BD, pas très bavarde, mais très expressive grâce au dessin de Marie Baudet, dresse le portrait d’une relation et d’une rupture aussi singulières qu’universelles.
4 Fluide, de Benjamin Adam, Joseph Safieddine et Thomas Cadène
Hector, trentenaire et auteur de BD, en couple avec Jeanne, est déboussolé lorsque cette dernière lui annonce qu’elle souhaite explorer ses désirs, mais… sans lui ! La réaction assez égocentrée du jeune homme est construite sur l’idée que le couple est forcément exclusif, transparent, et qu’un homme a du mal avec l’idée que sa partenaire puisse avoir une sexualité loin de lui. Jeanne lui propose d’en faire autant, sans que cela mette un terme à leur histoire car « elle l’aime ». En questionnant les schémas pré-établis et normatifs sur le couple hétérosexuel et la masculinité contemporaine, cette BD remet le mot « liberté » à l’ordre du jour !
5 Sultana, de Lili Sohn et Élodie Lascar
Sarah, livreuse, a 35 ans, vit à Marseille… et elle est célibataire. L’héroïne de cette BD mène sa vie loin de l’idéal mariage-maison-famille, pourtant tout semble l’y ramener : sa famille, ses proches, la société… Ces injonctions constantes au couple la questionnent : que désire-t-elle réellement ? Avoir un enfant ? Aimer les hommes ou les femmes ? Le célibat est-il nécessairement subi ? Avec cette BD, l’autrice féministe Lili Sohn torpille le cliché de la vieille fille et célèbre l’indépendance.
